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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Jean Baptiste et les ambiguïtés de la vie

Prédication prononcée en décembre 2009, au temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

Le paradoxe chez Jean Baptiste et dans l'Evangile Jean, dit « le Baptiste » tient son nom du fait qu'il plongeait les gens dans l'eau (c'est le sens du verbe « baptizein »), cela est bien connu, mais le personnage reste très fondamentalement contradictoire, paradoxal et difficile à comprendre.

Le premier paradoxe est, qu'habitant dans le désert, il est dit plonger dans l'eau. Or le désert est normalement un lieu où, justement, il n'y a pas d'eau, endroit où tout est sec. Un second paradoxe est qu'il nous est dit ensuite qu'il annonçait le pardon des péchés, mais dans le même temps, il leur demandait de confesser leurs fautes, c'est à dire de les exposer publiquement. Cela est curieux : est-on alors dans le pardon, ou dans le rappel de la culpabilité ? Nous incite-t-il à nous rappeler que nous sommes pécheurs ou pouvons nous trouver en lui un message de libération, de purification et de pardon ?

Globalement, on peut penser que la prédication de Jean Baptiste a été plutôt libératrice : il annonçait, en effet, un pardon assez facile : il suffisait de venir à lui, de reconnaître sa faute, de se faire plonger dans le Jourdain et on en ressortait purifié. Donc, d'une certaine manière, on était pardonné de ses fautes assez facilement. Et puis Jean Baptiste avait une conception assez libérale de la vie : il ne demandait pas aux gens, pour se faire pardonner ou pour accéder au salut une ascèse contraignante, des sacrifices ou des choses difficiles à faire. Et pourtant lui-même nous est montré comme vivant d'une façon particulièrement ascétique. Il vivait très sobrement, ne mangeait, ni ne buvait pratiquement rien, se nourrissant de sauterelles, vivant avec des vêtements très simples dans le désert. Voilà qui est contradictoire.

On peut voir, par ailleurs, que le baptême, en lui-même, est un acte paradoxal. En effet l'eau dans laquelle les gens étaient plongés est à la fois un signe de mort et un signe de vie. L'eau c'est le milieu dans lequel on ne peut pas vivre, le milieu dans lequel on se noie. Mais l'eau c'est aussi ce qui donne la vie, qui fait pousser les plantes et qui permet au voyageur dans le désert de survivre. Et le baptême par immersion que l'on pratiquait à ce moment là était quelque chose de très profondément paradoxal. Il signifiait, bien sûr, l'accès à une vie nouvelle : l'individu qui était baptisé naissait de cette façon, comme un homme neuf, comme un être nouveau. Mais pour naître comme un être nouveau on considérait qu'il fallait déjà qu'il soit plongé dans l'eau comme s'il devait se noyer, comme s'il fallait qu'il passe par la mort pour accéder à la vie. Annoncer la mort pour annoncer la vie, c'est aussi en soi un paradoxe.

En y regardant de plus près, il apparaît que finalement tout le christianisme est paradoxal. La Croix même - symbole du christianisme - est un symbole paradoxal. Comment les chrétiens ont-ils pu faire d'un symbole de mort, d'un symbole de supplice, son contraire : un signe d'espérance et de vie ? Et puis Jésus, nous dit-on, est roi alors que c'était un pauvre gueux, un pauvre hère qui n'avait ni pouvoir, ni richesses, ni rien du tout et qui meurt tout seul sur une croix, privé de tout sujet, de toute autorité. On nous dit qu'il est puissant, et pourtant il était tout faible. On nous dit qu'il est le fils de Dieu et voilà qu'il nous est présenté mourant comme le dernier des hommes. On nous dit qu'il ressuscite et pourtant quand il ressuscite, personne ne le reconnait. Voilà qui est assez curieux.

Mais il faut prendre ces contradictions au sérieux : la foi chrétienne, le christianisme, l'Evangile en lui-même sont paradoxaux. Etre dans la foi c'est être dans le paradoxe, et accepter d'être sans cesse tiraillé entre soi-même et les autres, entre maintenant et demain, entre l'engagement et le détachement, entre le Ciel et la Terre.

Jésus lui-même professe de très nombreux paradoxes dans son enseignement évangélique.

Il dit qu'il ne faut pas transgresser la loi et voilà qu'il est le premier à le faire, montrant que le seul moyen d'accomplir véritablement la loi de Moïse, c'est en fait de la transgresser. C'est ainsi qu'il guérira, par exemple, quelqu'un le jour du Sabbat, en disant qu'en transgressant le commandement du sabbat, il accomplit en fait la loi de Dieu qui est de se préoccuper de son prochain.

Le Christ lui-même nous dit qu'il faut faire confiance à Dieu et pourtant qu'il faut se mettre au travail dans ce monde. Le chrétien est donc lui-même pris dans ce paradoxe de s'engager dans le monde et en même temps de s'en détacher. Il doit à la fois être présent dans le monde et en même temps étranger à ce monde.

Le chrétien attend la venue du Royaume et, en même temps, le Christ nous dit que le Royaume est déjà là, qu'il est présent, qu'il s'est approché, et qu'il est au milieu de nous.

Le chrétien est invité à accueillir la venue du Christ comme le Messie et en même temps on nous dit qu'il faut attendre sa venue.

Le Christ nous dit qu'il faut renoncer à la vie et en même temps que nous devons vivre. Et que c'est en renonçant à la vie que nous pouvons vivre. « Qui veut sauver sa vie, dit-il, la perdra et qui perdra sa vie à cause de moi, la sauvera ». Il faut mourir pour vivre. Si le grain ne meurt, nous dit-il dans l'Evangile de Jean il ne peut pas donner la vie.

L'Evangile maintient sans arrêt ce type d'images paradoxales en disant que les premiers seront les derniers, que le plus grand ici bas sur terre sera le plus petit dans le Royaume et inversement. Jésus a dit : « qui s'abaisse sera élevé et qui se lève sera abaissé » ou encore que c'est en étant effectivement faible que l'on peut être fort, ce que Paul reprendra en disant : « Quand je suis faible, c'est alors que je suis fort car le Seigneur m'a dit : ma grâce te suffit et ma puissance s'accomplit dans ta faiblesse ».

Le christianisme est donc constitué de paradoxes, aussi n'est-il pas étonnant que dès le commencement de l'Evangile, avec la prédication de Jean Baptiste, on soit déjà dans le paradoxe. Le tout est de savoir ce qu'on en fait.

Un des premiers paradoxes, se trouve dans la prédication même de Jean Baptiste. Il est difficile de saisir la logique de son discours. Il annonce un pardon assez facile à obtenir comme nous l'avons dit, mais par ailleurs il vitupère par une prédication très radicale. Il dit « la cognée est à la base des arbres et déjà voici le fils de l'homme a son van à la main et qui ramasse le bon grain pour le mettre dans son grenier et qui coupe la paille pour la jeter au feu » Voilà qui est très violent, et même brutal pour quelqu'un qui, en même temps, annonce le pardon. Alors comment Jean Baptiste peut-il se situer entre ces deux extrêmes ? Le texte nous dit qu'il profère des menaces épouvantables et ensuite ce même texte se termine en disant que Jean Baptiste continuait d'annoncer « la bonne nouvelle » dans toutes les contrées. Mais quelle bonne nouvelle ? Le jugement, la condamnation, sont-ce vraiment une bonne nouvelle ? Des gens ensuite lui demandent ; « mais alors que dois-je faire ? » Et là, en réponse, il va donner des conseils gentils, avec des propos tout à fait modérés. Aux soldats, il va dire quelque chose comme : « Eh bien, contentez vous de votre solde, ne faites pas trop de violence », et aux péagers, c'est-à-dire ceux qui collectaient l'argent pour le service de l'envahisseur romain : « Bon, prélevez les impôts mais ne prenez pas au-delà de l'acceptable. » Il dit aussi « que celui qui a trop donne à celui qui n'a pas assez !» ce qui est bien modéré. Donc là, lorsque Jean Baptiste donne tout à coup des conseils moraux, on n'est plus dans l'absolu, on n'est plus dans les commandements inapplicables, on est dans une sorte de petite morale bourgeoise modérée, facile à appliquer et tout à fait réaliste. On n'est pas encore dans la prédication radicale du Christ, quand celui-ci dira au jeune homme riche « vends tout ce que tu as, donne le aux pauvres et suis moi ! » Là il y a de la radicalité ! Mais dans le discours de Jean Baptiste il n'y a rien de tout cela, on est dans la modération. Alors comment comprendre ce paradoxe qui se trouve dans les propos même de Jean Baptiste ?

On peut penser que c'est justement ce paradoxe qui est intéressant et qui permet, de trouver du sens. Peut-être le sens de ce texte est-il, en fait, que notre existence est prise entre deux pôles: l'un qui est l'exigence infinie de réussir sa vie, enjeu existentiel fondamental et l'autre qui est un réalisme fondamental : nous sommes dans le quotidien, pris par des petites exigences qui ne sont pas toujours grandioses, on ne fait pas son salut tous les jours par de grandes choses, mais peut-être le fait-on finalement avant tout par d'humbles actes moraux, des petites choses très simples qui semblent sans importance mais qui sont, en fait, d'une infinie importance.

La Loi est quelque chose de très important, et le Christ n'a jamais dit le contraire, mais Jean Baptiste nous montre par sa prédication que si la Loi est fondamentale il y a aussi dans notre conduite quotidienne un enjeu essentiel qui concerne notre vie ou notre mort spirituelles, la fidélité ne se fait pas forcément dans les grandes choses ou les actes purement religieux, elle peut se jouer aussi dans les toutes petites choses de la vie. Nous pouvons faire ces actes quotidiens comme si ils étaient infiniment importants, et même les plus petites choses de notre vie peuvent être faites comme si elles déterminaient le sens même de notre existence, comme si tout notre salut en dépendait.

Nous retrouvons là un message qui a été cher aux Réformateurs pour lesquels notre exigence religieuse liée à notre vie n'est pas nécessairement de faire des très grandes choses. Nous ne sommes pas tous appelés à donner notre vie sur la croix comme Jésus Christ ou à devenir des grands saints dans ce monde. Le service évangélique que nous avons à faire peut se trouver dans le quotidien de notre existence, dans la manière avec laquelle nous faisons notre travail, dans la manière avec laquelle nous agissons avec nos proches, dans notre famille, avec ceux que nous rencontrons ; c'est dans le quotidien de l'existence que se joue l'exigence éthique. Ainsi sommes nous invités par Jean Baptiste à travailler pour notre salut tout en sachant que nous n'avons pas à avoir peur puisque de toutes les façons le pardon est donné.

Nous n'avons pas à avoir peur puisque nous sommes sous la grâce, et pourtant nous devons travailler à notre salut comme s'il dépendait de chaque acte de notre vie. Sur ce point particulier, le paradoxe est porteur parce que justement ces deux extrêmes entre lesquels Jean Baptiste nous situe se répondent. Si Jean Baptiste n'avait donné que des petits conseils moraux, il serait insipide ! Et si Jean Baptiste n'avait fait que manier la menace fondamentale de notre éternité, nous serions dans l'angoisse profonde de l'autre monde. Il y a à la fois un enjeu fondamental et une possibilité relativement facile, d'accéder à ce salut, et les exigences éternelles de Dieu ne sont pas éloignées de notre quotidien.

Pourquoi ces paradoxes ?

Pourquoi tous ces couples contraires ? Pourquoi tous ces paradoxes ? Sans doute parce que la vie elle-même, notre vie, est un paradoxe permanent: vivre c'est être sans cesse écartelé entre plusieurs pôles, écartelé entre des exigences contradictoires. Vivre c'est accepter d'être sans cesse dans le paradoxe et avec néanmoins une ligne de conduite formelle essentielle qui, elle, est intangible, qui est le commandement d'amour, le seul commandement qui ne connaisse pas de paradoxe. Mais pour le reste la vie est entièrement dialectique, la vie est toujours d'être en tension entre des exigences inconciliables, entre le fait de se préserver soi-même et de se donner pour les autres, entre le fait de naître et de mourir, entre le maintenant et le demain.

La vie est dialectique, la vie est faite de contraires, elle est une réalité en suspension entre deux pôles. On ne peut comprendre la vie qu'en touchant les deux bornes de cette existence, en touchant les pôles entre lesquels elle se tient.

C'est là une chance qu'a le pasteur de voir la vie dans tous ses états. Il voit des gens heureux et des gens malheureux. Il peut, dans la même journée, baptiser un enfant le matin, faire un dramatique service funèbre à midi et, l'après midi, marier un jeune couple tout heureux de se lancer dans la vie. Cela donne une conception réelle de la vie, parce que la vie ce n'est ni la naissance, ni la mort, ni la joie, ni la peine, la vie c'est quelque chose qui se tient en suspension entre tout cela. Certainement l'homme vit entre sa naissance et sa mort ; ni l'une ni l'autre ne défini ce qu'il est. L'homme est quelque chose d'insaisissable. L'homme vit entre la culpabilité et le pardon, entre le péché et la grâce, et dans la conscience de se savoir en permanence à la fois pécheur et pardonné. L'homme qui oublie l'un des deux pôles tombe sur lui-même et s'écroule. S'il reste dans le « pêcheur » alors il reste dans la culpabilité et il n'ose plus rien faire. Par contre s'il se colle au pôle du pardon alors il tombe dans l'indifférence par rapport à tout ce qu'on pourrait faire; plus rien n'a d'enjeu, plus rien ne compte. Mais justement être vivant, spirituellement dans ce monde, c'est être entre le péché et le pardon, entre la culpabilité et la grâce sans tomber d'un coté ou de l'autre.

Sortir de ces contradictions

Une des fonctions de tous ces oxymores, de toutes ces contradictions de la vie c'est de nous inviter à en sortir en découvrant une dimension nouvelle, On ne peut sortir de ces contradictions de la vie qu'en découvrant une troisième dimension. Ces contradictions donnent naissance, doivent donner naissance à un troisième terme, elles nous invitent à trouver quelque chose qui échappe à cette logique infernale des contraires et des contradictoires insolubles. Il faut pour cela chercher, chercher à tout prix une issue dans une autre dimension, une issue qui soit ailleurs parce que l'issue n'est pas dans ce monde.

On peut observer la fécondité des contraires même dans la vie matérielle : la naissance d'un petit être humain ne peut résulter que de l'union hétérosexuelle. Et le couple hétérosexuel est le plus grand paradoxe de la vie sur terre : comment un homme et une femme peuvent-ils vivre ensemble alors qu'ils sont de natures si différentes. Ils ont des aspirations différentes, des gouts différents, des orientations différentes, des façons de voir différentes et voilà que l'on dit que l'être humain doit vivre en couple, de cette manière là, en essayant en permanence de concilier l'inconciliable et que c'est de cette manière là que va pouvoir naître une vie nouvelle. A priori cela paraît impossible et improbable ! Mais le mariage est une espèce de pari, celui de concilier les contraires et de concilier ensemble comme l'eau et le feu.

Or, précisément l'eau et le feu nous les avons dans notre texte concernant Jean Baptiste. On nous dit qu'il plongeait dans l'eau, et il annonce Jésus Christ qui, lui, nous plongera dans l'esprit saint et dans le feu. Jean Baptiste plonge dans l'eau, et le Christ dans le feu car pour vivre il faut que nous soyons plongés à la fois dans l'eau et dans le feu. Encore des contraires parfaitement impossibles car l'un étouffe l'autre, mais justement la vie c'est accepter d'être écartelés entre ces contraires et de se tenir à la fois, en même temps, entre l'eau et le feu. La sagesse populaire dit en latin « In medio stat veritas », ce qui signifie : « La vérité se trouve dans la voie moyenne », dans ce qui est modéré. Pourtant, la vérité n'est pas dans la modération, dans la moyenne, la vérité, elle se tient en tension comme une étincelle entre deux pôles.

La vérité c'est comme une lumière fugace qui jaillit en électricité entre un pôle plus et un pôle moins. La vérité c'est quelque chose d'improbable, quelque chose que l'on aperçoit, que l'on croit voir et qui, au moment où on veut la saisir, disparaît. La vérité, comme la beauté, comme la vie, n'est que le fruit de ce paradoxe dans lequel nous sommes en permanence, écartelés comme l'arc-en-ciel entre le Ciel et la Terre... Encore un paradoxe cet arc-en-ciel ! Il est l'une des plus belles choses qu'il y ait sur terre né de ce paradoxe d'être à la fois le fruit de la pluie et du beau temps. Normalement soit il pleut, soit il y a du soleil, mais quand il y a à la fois de la pluie et du soleil, alors il y a un arc-en-ciel. Et l'arc-en-ciel qui est une chose si belle, si sublime, si extraordinaire, est justement ce qui nait dans le paradoxe même de l'union de deux contraires C'est une fois de plus une réalité fugace et insaisissable que l'on peut voir un instant et qui disparaît, quelque chose qui est là, qui est bien réel et pourtant que l'on ne peut pas saisir parce que dès que l'on veut le saisir pour le garder et le conserver, aussitôt il s'échappe. C'est une sorte de réalité immatérielle. Je crois que c'est finalement un petit peu comme la vie, comme le bonheur. Le bonheur c'est quelque chose qui est sans arrêt en tension entre le désir et la satisfaction, comme la vie est quelque chose sans arrêt en tension entre la naissance et la mort et entre soi-même et les autres, entre le déjà là et le pas encore. Cette beauté, cette lumière qui apparaît dans l'arc-en-ciel ressemble aussi un petit peu à ce que nous vivons.

De même, dans le domaine familial, nous avons comme idéal, le couple idéal, la famille idéale. Les psychologues appellent l'image de cette famille idéale, la famille Ricoré, en référence à la publicité pour cette marque montrant une famille merveilleusement heureuse, et unie sous un platane dans un paysage idyllique. Les enfants sont sages, bien élevés et joyeux et le couple est aimant. Les psychologues disent que la famille Ricoré, en fait, n'existe pas ou si elle existe c'est de façon fugace. La famille Ricoré c'est quelque chose que l'on voit par instant, c'est une sorte de merveille dont on peut se réjouir et dont on peut se nourrir comme de la vue d'un arc-en-ciel, mais ce n'est pas quelque chose qui existe de façon stable et durable. Parce que la vie, comme le bonheur, comme une famille Ricoré, c'est quelque chose qui est sans arrêt à reconstruire. Le couple lui-même est un équilibre fondamentalement instable qu'il faut sans arrêt reconstruire, qu'il faut sans cesse maintenir en position entre toutes les forces contraires qui tendent à la fois à le détruire et en même temps les forces contraires qui lui permettent de se construire et lui permettent d'être. La stabilité est quelque chose qui n'existe pas dans les choses de la vie.

La stabilité c'est la mort. La vie quant à elle n'est que cheminement, qu'avancée. Cela peut être vu dans le sens de la philosophie d'Héraclite qui disait que l'être lui-même n'existe pas, qu'il n'y a rien de stable ou de fixe qui soit réellement important dans ce monde, tout coule, tout passe et tout n'est réellement que dynamique, passage et cheminement . Pour cheminer il faut deux choses (là encore on est dans le paradoxe, là encore on est dans la dialectique !) : une dynamique et un chemin. Pour cheminer il faut une dynamique, et la dynamique c'est un déséquilibre Pour cheminer il faut une quête, pour cheminer il faut manquer de quelque chose, pour cheminer il faut qu'il y ait quelque chose que l'on ait envie de chercher, quelque chose que l'on désire. Mais si l'on veut que cette avancée ne soit pas une errance qui ne mène nulle part, il faut aussi que nous ayons une certitude quelque part, une ligne de conduite, une vérité, peut-être un plan, une direction, un chemin. La vie est ainsi faite : c'est un cheminement entre le manque et l'avoir, entre le doute et la certitude.

Le déséquilibre est toujours présent dans l'existence. Le manque est toujours présent parce que notre vie elle-même, notre vie matérielle et notre vie physique se chargent de nous blesser, se chargent de nous mettre dans le manque, dans l'expérience du deuil, dans l'expérience de l'échec, dans l'expérience de tout ce qui nous manque et que nous n'avons pas. Le déséquilibre est quelque chose que nous avons sans arrêt, vivre c'est être blessé, vivre c'est manquer. Alors la foi intervient comme quelque chose d'essentiel. Pour éviter que ce manque ne devienne une chute, la foi peut apporter la stabilité, la stabilité qui se trouve dans une conviction forte qui peut donner du sens à tout cela. C'est pourquoi nous disons que Dieu est un rocher, que Dieu est une forteresse, et son amour la seule chose inaliénable. Paul, en Romains 8 liste tout ce qui peut nous menacer : les dominations les forces, les puissances, etc... tout cela passera mais il y a une seule chose qui demeurera éternellement c'est l'amour de Dieu en Jésus Christ. En effet il y a, au milieu de ce déséquilibre auquel nous soumet en permanence l'existence, des convictions fortes, une ligne de conduite qui est celle de l'amour qui est l'espérance, et la base de tout. La base c'est l'amour que nous avons en Dieu, l'amour que nous recevons de lui, cet amour intangible que rien ne peut détruire. C'est là le but, le sens même de notre vie et de notre cheminement : l'amour que nous devons porter aux autres, l'amour que nous devons parvenir avoir même pour nous même et l'amour que nous pouvons accepter de donner à Dieu.

Et c'est là que la foi joue un rôle important car Dieu c'est non seulement la stabilité que nous avons dans notre vie, mais aussi quelque chose qui permet de compléter le couple de la bipolarité de notre existence lorsqu'il manque un pôle. Il s'agit en effet de déséquilibre, mais ce déséquilibre pour être créateur doit toujours rester bipolaire. Or il arrive que, dans notre existence, un pôle prenne trop d'importance par rapport à un autre, alors nous risquons d'y être collés comme quelqu'un qui toucherait un pôle électrique et serait électrocuté par lui.

Pour qu'une lumière jaillisse entre deux pôles, il faut que les deux pôles, plus et moins, s'équilibrent et ne se touchent pas. Dieu lui-même peut faire en sorte que les pôles plus et moins de notre existence soient complétés par quelque chose qui les entraîne dans une situation dialectique qui devienne positive, c'est-à-dire en donnant à notre vie le pôle qui lui manque. En effet si déjà notre vie est trop pleine de peines, de difficultés, de deuils, alors Dieu sera consolation, amour, espérance, lumière et vie, et notre vie pourra trouver sa place dans cette joie que l'on trouve en Dieu. Si notre vie est trop pleine d'activité alors on dira, que Dieu est repos, calme, tranquillité. « Venez à moi vous qui êtes fatigués et chargés - dit l'Evangile – je vous donnerai du repos ». De même, si notre vie n'est qu'ennui parce que nous n'avons rien à faire, et que ne savons plus quoi faire, alors Dieu sera appel, appel à agir, appel à aller vers les autres, appel à se réveiller, comme cet appel au paralytique qui était là sur son lit à ne pouvoir rien faire et auquel Jésus dit : « Lève toi et marche ! ». Et si notre vie est pleine de trop de joies terrestres, alors l'Evangile sera une mise en garde et rappellera que la joie terrestre ne dure pas toujours.

Dieu est à la fois une ancre et une voile. Il est une ancre parce qu'il est ce rocher, cette forteresse, cette force qui fait que dans toutes ces dialectiques, dans ces tiraillements de l'existence il y a quelque chose d'indéracinable, une conviction, une force, un socle, une fondation que rien ne peut déraciner et qui fait que notre vie n'est simplement que soumise à ces contradictions de l'existence mais d'une façon créative. Et puis il est aussi une voile parce qu'il nous évite de mourir les deux pieds figés dans le béton. Il est aussi la voile qui nous met en mouvement, qui nous permet d'avancer et d'être, comme une lueur qui avance, comme un feu follet sur un marécage. On dit que Dieu guérit les malades, certainement, d'une certaine manière, mais dans sa dialectique interne, s'il guérit les malades, il rend aussi un peu malade les gens trop bien portants. C'est ainsi qu'il dira d'après l'Evangile de Jean : « Je suis venu pour un jugement afin que les aveugles voient et que ceux qui voient deviennent aveugles »

Alors voilà que Jean, Jean le Baptiste, prépare le chemin du Christ comme le laboureur retourne la terre. Il prend ce qui en haut, il le met en bas; il prend ce qui en bas, il le met en haut. Jean Baptiste laboure le terrain, il prépare le terrain pour la prédication de l'Evangile, il nous rend disponibles à une réalité nouvelle que sera cet Evangile. Il nous rend capables et prêts d'accueillir le Christ, parce que le Christ c'est la source de vie, de paix, de joie, d'éternité, et ceci parce que il nous permet de nous savoir aimés et de savoir aimer à notre tour. C'est ainsi, qu'est la vie : cette chose à la fois la plus fragile du monde et en même temps la plus belle, la plus exceptionnelle, pourvu que l'on comprenne comment elle fonctionne. Tout l'Evangile n'est qu'une gigantesque machine, un gigantesque phénomène qui permet d'entretenir cette lumière de la vie et faire en sorte que cette lumière de notre existence ne s'éteigne jamais et soit une lumière d'espérance, de joie, de bonheur, de paix et de vie éternelle.

Amen !

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 Luc 3 : 3-18

"Et il alla dans tout le pays des environs du Jourdain, prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés, selon ce qui est écrit dans le livre des paroles d'Ésaïe, le prophète: C'est la voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers. Toute vallée sera comblée, Toute montagne et toute colline seront abaissées; Ce qui est tortueux sera redressé, Et les chemins raboteux seront aplanis. Et toute chair verra le salut de Dieu

. Il disait donc à ceux qui venaient en foule pour être baptisés par lui: Races de vipères, qui vous a appris à fuir la colère à venir? Produisez donc des fruits dignes de la repentance, et ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes: Nous avons Abraham pour père! Car je vous déclare que de ces pierres Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Déjà même la cognée est mise à la racine des arbres: tout arbre donc qui ne produit pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu.

La foule l'interrogeait, disant: Que devons-nous donc faire? Il leur répondit: Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a point, et que celui qui a de quoi manger agisse de même. Il vint aussi des publicains pour être baptisés, et ils lui dirent: Maître, que devons-nous faire? Il leur répondit: N'exigez rien au delà de ce qui vous a été ordonné. Des soldats aussi lui demandèrent: Et nous, que devons-nous faire? Il leur répondit: Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne, et contentez-vous de votre solde.

Comme le peuple était dans l'attente, et que tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n'était pas le Christ, il leur dit à tous: Moi, je vous baptise d'eau; mais il vient, celui qui est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers. Lui, il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu. Il a son van à la main; il nettoiera son aire, et il amassera le blé dans son grenier, mais il brûlera la paille dans un feu qui ne s'éteint point.

C'est ainsi que Jean annonçait la bonne nouvelle au peuple, en lui adressant encore beaucoup d'autres exhortations.

Luc 3:3-18