Les Mages, Joseph et Hérode...
par Alain Houziaux (septembre 02)
Je voudrais dire ce que signifie pour moi « Jésus est le Christ ». Et pour cela je prendrai trois images : celle des Mages, celle de Joseph le « père » de Jésus et celle du roi Hérode.
- Les Mages.
Ils ont été les tout premiers à reconnaître Jésus comme le Christ. Et pourtant ils étaient païens. En fait c'est justement peut-être parce qu'ils étaient païens qu'ils ont été les premiers « chrétiens ». En effet, pour connaître et comprendre l'attraction que suscite Jésus-Christ, il faut, me semble-t-il, en avoir été éloigné, ou il faut s'en éloigner. Il faut emprunter le regard de l'étranger. Si je suis trop près de Jésus-Christ, ou plutôt si je suis trop près du Christianisme, je ne vois que des défauts, des tâches, des affirmations incompréhensibles. Au contraire, si je m'en éloigne, je ne vois en Jésus-Christ que des rayons de lumière et je sens au fond de moi-même l'irrésistible force, et aussi l'irrésistible pureté, d'une attraction, d'une fascination.
Ne me demandez pas pourquoi cette attraction, je me mettrais à discourir. Je dirai peut-être seulement ceci : Jésus me fascine parce qu'il a pensé sa vie et aussi sa mort comme un don à accomplir.
- Joseph.
Il s'est chargé d'un enfant qui n'était pas de lui. Et de même Simon de Cyrène s'est chargé d'une croix qui n'était pas la sienne. Moi aussi, tout comme Joseph, je ne sais pas si je pourrais jamais considérer Jésus-Christ comme étant « de moi ». Il me reste toujours un peu un étranger, comme pour Joseph je suppose. Je ne le comprends pas toujours très bien. Et je me sens moi-même toujours un peu étranger quand on me parle de lui et peut-être même quand je parle de lui. Oui je ne suis pas de ceux qui disent qu'ils ont « Christ en eux » et qu'ils sont « un avec le Christ ». Et pourtant j'ai décidé, comme Joseph, de me charger de lui. Pourquoi ? Parceque « lorsque le mystère devient trop fort, il faut obéir » (Saint-Exupéry). Et peut-être aussi parce que « le bonheur de l'homme n'est pas dans la liberté, mais dans l'acceptation d'un devoir » (André Gide).
Il faut accepter de se charger de causes qui ne sont pas à proprement parler les vôtres, lorsque l'on sent que si elles ne sont pas vôtres, c'est parce qu'elles vous dépassent. Servir le Christ ne m'élève pas, bien au contraire, cela me fait saisir le poids de ma médiocrité.
- Hérode.
Bien sûr, il n'a jamais confessé Jésus-Christ comme son Christ ou son Messie. Mais il savait néanmoins qu'il résistait à son empire. Et, par ce fait même, il lui reconnaissait une autorité. Il a d'abord cherché à supprimer Jésus-Christ comme on tente de supprimer une écharde dans sa chair. Puis il y a renoncé. Pour moi aussi, Jésus-Christ est celui qui me résiste. Il est mon Seigneur parce qu'il me résiste, incontournable : la crèche de Bethléem, la croix de Golgotha et la parabole des ouvriers de la onzième heure me résistent. Et elles me blessent dans ma volonté de puissance. En fait Jésus-Christ me résiste, mais il ne le fait ni comme une lourde porte, ni même comme une serrure dont je n'aurais pas la clé. Il me résiste comme un oiseau que je n'arrive pas à apprivoiser, comme un enfant qui pleure et que je n'arrive pas à raisonner, comme une faute que j'ai commise et que je n'arrive pas à oublier, comme la petite charnière d'un portillon entrouvert et que je ne me décide pas à pousser.
Alain Houziaux