Espérance ou espoir ?
par Marc et Louis Pernot (août 04)
Notre espérance est plus que de l'espoir
Nous avions espéré... disent deux disciples du Christ, désespérés à sa mort (Luc 24:21). Qu'attendaient-ils donc de Jésus de Nazareth ? Leur espoir était qu'il " délivre Israël ". Maintenant qu'il a été exécuté, ils rentrent chez eux, déçus, pleins de tristesse. Peut-être que les deux disciples d'Emmaüs espéraient que Jésus chasserait les Romains qui occupaient leur pays ? Ou qu'il améliorerait la situation économique, la santé ou la liberté religieuse... Effectivement la mort de Jésus brise cet espoir, les Romains sont toujours là, la police religieuse est plus virulente que jamais, une foule de gens meurent encore de maladies diverses, de famine, de mauvais traitements. Finalement, la situation matérielle du pays et des disciples ne semble pas avoir tellement progressé grâce au passage de Jésus sur la Terre.
On peut penser que leur déception ne vient pas du fait qu'ils n'aient pas eu assez la foi en Jésus. Ils ont cru en Jésus, certes, mais ils ont mal cru. Ils se sont trompé d'espérance. Ils ont mis en lui leur espoir alors qu'en réalité, Jésus est une source d'espérance.
L'espérance et l'espoir sont de natures très différentes :
L'espoir, c'est l'idée que, dans l'avenir plus ou moins proche, les choses vont s'améliorer concrètement.
L'espérance n'est pas seulement une vague conception que les choses peuvent s'arranger dans le futur, mais une manière différente de regarder les événements, une autre façon de se diriger et d'accepter l'avenir, quel qu'il soit matériellement.
L'espérance ne concerne pas seulement le futur, mais avant aussi le présent. L'espérance chrétienne s'incarne dans notre expérience quotidienne pour nous donner confiance en l'avenir.
L'espoir ne repose que sur une certaine possibilité hypothétique de l'avenir, l'espérance est une force qui nous libère de la crainte de l'avenir et nous rend indépendants de ce qui peut être ou ne pas être.
Du vivant du Christ, deux autres disciples l'interrogent également avec un espoir hésitant : "Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ?" Jésus les invite à voir des faits concrets qui légitiment une véritable espérance, et pas seulement un vague espoir : Il leur répondit : "Allez et dites ce que vous entendez et ce que vous voyez: les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres" (Matthieu 11:3-5).
Il y a ainsi des signes bien visibles et réels de la transformation à venir. L'espérance n'est pas seulement une attente (comme l'espoir), mais elle est une façon de reconnaître dans le présent une réalité qui nous rend libres et confiants. Cette espérance est à la fois mobilisatrice (pour vivre et participer à cette réalité essentielle), et libératrice (nous ne sommes pas à nous seuls les sauveurs du monde, mais c'est Dieu qui sauve).
L'espérance des deux disciples d'Emmaüs commence à renaître lorsqu'ils passent de l'espoir (déçu) à l'espérance bien réelle, lorsqu'ils se détachent de leur préoccupation à l'égard du cours matériel des événements pour en chercher le sens. Leur espérance, certes se fonde sur ce que le Christ a déjà réalisé comme libération, selon ce que les écritures annonçaient. Des malades sont guéris, il existe donc en Dieu une dynamique de guérison intérieure possible. La Bonne Nouvelle du Christ a été annoncée, l'amour de Dieu a ainsi été manifesté, à un petit nombre de personnes, c'est vrai, mais il demeurera dorénavant que Dieu n'est qu'amour, et c'est cela qui fonde l'espérance chrétienne.
On peut avoir l'espoir qu'il y a une vie après la mort du corps, une vie et un monde futurs. Nous verrons bien. Mais l'espérance dans la Vie éternelle, c'est vivre maintenant, en prenant conscience que quelque chose en nous est profondément et éternellement vivant en Dieu. On peut avoir l'espoir que le Christ revienne pour transformer toute chose, mais l'espérance de la venue du Christ c'est prendre conscience de sa présence en nous par l'Esprit de Dieu, et en pressentir l'immensité des conséquences pour le monde et pour nous-mêmes. L'espérance vaut aussi dans la façon dont nous regardons les autres pour voir en eux non pas leurs faiblesses matérielles, mais des frères aimés par Dieu.
Le symbole traditionnel de l'espérance chrétienne aux premiers siècles était une ancre qui permet à un bateau de ne pas aller à la dérive. Notre espérance nous relie ainsi au rocher qu'est le Dieu de Jésus-Christ. Nous ne voyons pas Dieu, mais ce lien avec lui est solide et sûr. Ce n'est pas une vague illusion, ce n'est pas un pari aveugle, ni de la théologie abstraite. Ce lien est bien réel. Nous en sommes témoins.
Marc et Louis Pernot