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 Prédication prononcée par le pasteur Florence Blondon Culte de PâquesDimanche 27 mars 2016


Nos cantiques sont parfois étranges, nous venons de chanter : « Jésus sort de la tombe ». Pourtant, la résurrection ne se dit pas à partir de là, d’ailleurs aucun évangile ne s’est risqué à nous décrire l’instant où Jésus serait sorti de la tombe. Tout simplement parce que la résurrection c’est tout sauf cela. D’une part, le Christ ressuscité n’est pas un zombie à la manière de Michael Jackson dans Thriller, et ensuite, il est bien différent du Jésus terrestre, puisqu’ aucun des premiers témoins ne le reconnaît immédiatement. Certes la résurrection est à comprendre à partir de sa vie, de son enseignement et de sa mort, mais ressusciter n’est en aucun cas un retour à un état précédent.
Par exemple, il me semble tout à fait inapproprié de parler de la résurrection à propos de Lazare (Jean 11). Le récit de cet homme que Jésus ramène à la vie n’a rien à voir avec la résurrection, c’est de l’ordre de la réanimation. D’ailleurs, tout cela n’est que temporaire, car après tout Lazare va mourir. Plus tard, plus vieux mais il va mourir.
Alors qu’est-ce que la résurrection ?
Pour comprendre il nous faut faire un peu de grec, car le Nouveau Testament est écrit en grec.
Et le verbe ressusciter n’existe pas. Il traduit deux verbes - être relevé, être réveillé, la plupart du temps au passif - qui vont être traduits par ressusciter, mais ce n’est pas leur sens premier. Dans ce passage de l’Évangile de Jean, il nous est dit : « En effet, ils n'avaient pas encore compris l'Écriture, selon laquelle il devait se relever d'entre les morts. » (20,9).
Le disciple bien aimé.
Ainsi, le langage religieux a certainement occulté le sens de la résurrection, se cantonnant à ne percevoir la résurrection que comme un acte prodigieux. De plus, la résurrection va se dire dans un premier temps à partir non pas de l’apparition du Christ, mais à partir d’un vide, d’une béance, d’un manque radical, d’un tombeau vide. « Il voit et il croit » (20,9) ! Que voit le disciple lorsqu’il entre dans le tombeau ; et bien il ne voit rien : plus de corps, le tombeau est vide, et pourtant il croit.
Il croit, mais il ne dit rien, il reste dans le mutisme, et si le récit s’arrêtait là, nous serions bien dans le désarroi pour appréhender la bonne nouvelle de Pâques. Que croit le disciple, quelle est l’origine de sa foi ? Nous n’en savons rien. C’est peut-être une chance, car cela nous oriente tout de même : la question n’est pas croire ou pas en la résurrection, c’est la question du sens de la résurrection. Dès le début le texte nous offre des indices : certes cela nous parle de la vie au travers de la mort, mais également de la vie plus forte que toutes les forces qui nous assaillent et nous mettent plus bas que terre. Le message de Pâques, c’est déjà pour aujourd’hui, et dans notre monde où tout semble s’écrouler, Pâques nous dit que malgré tout et contre tout il faut croire, il faut espérer, il faut se réveiller, qu’une force d’amour peut nous relever. C’est ce qui se profile dans ce court : « il voit et il croit » (20,9). Le premier à se relever c’est lui, le disciple qui accepte de croire, donc d’aimer, de vivre, à partir du vide du rien. Simplement et certainement parce qu’il est aimé. Car on ne sait rien d’autre de lui : ni son nom (même si la tradition l’a assimilé à Jean) ni son âge, ni sa profession, son statut social, ni même son origine. La seule chose que l’on connaît à son sujet c’est sa relation avec Jésus, et cette relation, cet amour que Jésus lui porte, va lui permettre de traverser la mort avec confiance, de comprendre que l’amour, lui, ne disparaît jamais. D’ailleurs tout cela se passe dans un jardin comme le Cantique des cantiques, chant d’amour par excellence où les amoureux se cherchent, sans toutefois se rencontrer. Comme pour nous dire que jamais l’amour ne peut atteindre l’être de l’être aimé. Parce que l’amour n’estpas une connaissance, l’amour engendre la foi. L’amour nécessite une distance indispensable, c’est ce qui permet ici au disciple de croire à partir de la folie de ce tombeau vide.
Marie-Madeleine
Et c’est certainement aussi l’amour qui est le moteur de la femme, l’amour qui met en mouvement Marie. Mais elle, contrairement au disciple, elle ne peut admettre le manque. Elle veut conduire son deuil jusqu’au bout, dans une quête obstinée de la dépouille de celui qu’elle aimait.
La mort et la crucifixion n’ont pas altéré l’affection et le dévouement que la disciple porte à son Seigneur. Elle reste là, seule, atterrée, elle pleure. A la vue du tombeau vide, Marie est incapable d’y discerner un signe de l’agir divin. Pour elle, la seule explication qui s’impose à la vue du tombeau ouvert est celle du déplacement de la dépouille. Marie-Madeleine raisonne selon les règles du possible, les règles du vraisemblable. Elle reste prisonnière du monde et de son système de valeur. Pour elle le crucifié est irrémédiablement mort. Mais elle prend courage et se penche, elle rencontre alors deux anges, qui déjà, par leur présence, lui disent et nous disent que le tombeau n’est pas le lieu de la puissance destructrice de la mort.
Mais ces anges, qui sont-ils ?
Il nous faut également faire un détour par le grec, et c’est d’ailleurs la même chose en hébreu. Encore un mot qui n’existe pas dans la Bible ; « anges » (angelos en grec ou mashal en hébreu) cela signifie littéralement « messagers ». On reconnaît la même racine que dans le mot « évangile » (bonne nouvelle, bon message). C’est le télescopage avec de nombreuses figures du Proche Orient ancien qui les a transformés, et ainsi nous avons l’image d’êtres célestes, blancs, avec des ailes.
Et ici, finalement, nous n’en sommes pas si loin, puisque on nous dit qu’ils sont vêtus de blanc. Et le nombre de deux n’est pas non plus anodin, cela nous renvoie à la description de l’arche d’alliance, et aussi du temple de Jérusalem. Car dans ces récits il y a des créatures qui ont certainement participé à l’imaginaire sur les anges. Ces créatures ce sont les « kérouvim », mot hébreu qui a donné directement « chérubins » dans la traduction de nos Bibles. Ces chérubins sont sculptés, et eux sont, d’après la description, des êtres ailés qui encadrent et protègent les tables de la loi dans l’arche de l’alliance, et le Saint des Saint dans le temple de Jérusalem ; (ils encadrent déjà l’accès au jardin d’Eden, empêchant les êtres humains d’y retourner). La voix de Dieu retentit entre les deux chérubins, chérubins qui sont pourtant bien distincts.
« Lorsque Moïse entrait dans la tente de la Rencontre pour parler avec l'Éternel, il entendait la voix qui lui parlait du haut du propitiatoire placé sur l'arche du Témoignage, entre les deux chérubins. Et il lui parlait. (Nombres 7,89) »
« Et le nom de Dieu réside entre les chérubins » (2 Sam 6,2)
Symboliquement ils encadrent la présence de Dieu, maintenant à distance tous ceux qui voudraient s’approcher. Ici encore il est question de distance nécessaire, indispensable pour appréhender Dieu. Comme les amoureux du Cantique des cantiques. L’amour ne peut enfermer, contenir l’autre. L’amour de Dieu pour l’humain ne peut l’enfermer, au contraire cette distance est la condition de la liberté. C’est assez paradoxal, mais comprendre cela c’est se couper de tous nos désirs d’idolâtrie, car oui, on peut idolâtrer Dieu, c’est-à-dire se faire l’image d’un Dieu qui nous enferme et qui l’enferme. Les règles en vigueur dans ces espaces sacrés rappellent que la relation à Dieu exige de la retenue au risque de tomber dans l'idolâtrie mystique. Tout le texte biblique nous dit la distance nécessaire à maintenir dans nos relations avec Dieu. Lui nous offre la liberté et nous sommes aussi invités à ne jamais avoir la main mise sur Lui. Cette distance est l’arme contre tout fondamentalisme.
Et l’on peut faire le lien entre les deux chérubins et les deux anges du tombeau. Ils encadrent également la présence du corps disparu. Mais au contraire des chérubins, ils n’encadrent pas la présence divine, mais l’absence. Et ils nous disent combien cette absence n’est pas un vide béant, mais au contraire un moteur pour continuer. C’est en constatant cette absence, en en faisant l’expérience dans sa chair que Marie va pouvoir se relever et tourner le dos au tombeau ; qu’elle va être capable de voir ce jardinier, puis d’entendre son appel, « Marie!», et de reconnaître en lui le Christ ressuscité.
Le Christ ressuscité doit être bien différent du Jésus terrestre, aucun des tout premiers témoins ne va pouvoir le reconnaître ; cela nous dit combien la résurrection n’est pas une restauration.
« Ne me touche pas »
Mais le récit continue dans un dialogue somme toute assez étonnant. Et il existe une corrélation très forte entre la présence de ces deux personnages et la suite de notre récit. Ce sont eux qui adressent les premières paroles de consolation à Marie, et qui vont la maintenir à distance du tombeau. Ils ont cette fonction de maintenir à distance. Elle ne doit pas rester enfermée dans ce lieu de mort, et se tourner définitivement vers la vie. Désormais le temple n’est plus un édifice, mais c‘est bien le Christ. La présence divine n’est plus à chercher dans un monument, mais bien dans une personne.
Et, si l’apparition du Christ nous dit ensuite sa résurrection, Marie ne le reconnaît pas tout de suite, car il lui faut faire l’expérience de sa propre résurrection. C’est alors, au moment même où elle doit avoir une folle envie de le prendre dans ses bras, qu’il stoppe avec énergie ses élans. Et il lui dit : « Ne me touche pas » si bien représenté par les peintres, qui ont su saisir l’instant à la fois complètement incompréhensible, mais où tout se joue.
« Ne me touche pas » nous dit la distance nécessaire, et nous renvoie à la séparation vitale de la création et aussi à l’interdiction de manger, sorte d’interdiction de posséder sans limite, posséder l’autre et posséder Dieu.
« Ne me touche pas » comme pour créer un lien qui soit porteur de sens. C’est paradoxal, mais cette distance exigée est là pour que le lien soit le plus fort et le plus fécond possible. Toucher c’est s’approprier par le contact. C’est aussi vrai entre les humains, maintenir une certaine distance pour que la relation soit vraie, vivifiante, enrichissante. La distance est la condition de la construction d’un lien précieux. C’est paradoxal mais si le but est la rencontre, le moyen pour que cette rencontre soit vivifiante, c’est la distance. Le risque d’idolâtrie menace tout élan religieux, surtout lorsque l’on se croit tout près du but. La distance c’est l’espace de liberté qui nous est offert et qui également nous coupe de toute tentation d’enfermer le Christ dans nos images toutes faites, de le faire à notre image.
« Ne me touche pas »nous invite à s’interroger sur la bonne distance entre l’homme et l’homme, l’homme et Dieu.
« Ne me touche pas »commande Jésus à Marie Madeleine : Lui, le Christ, la Parole incarnée ne peut en aucun cas être contenu, être enfermé. Et nous sommes donc ainsi projetés dans une dynamique vivante, en rupture avec toutes nos tentations de nous retourner à nouveau vers le passé, vers le tombeau. En rupture avec tous nos désirs de possession, en rupture avec toutes les morts, pour l’accueillir Lui qui est la vie.
Je posais la question « qu’est-ce que la résurrection ? », il n’y a pas de réponse dogmatique, parce que la résurrection est de l’ordre de la rencontre, de l’expérience personnelle. Pourtant nous en avons tous déjà fait l’expérience, se relever après l’épreuve, porter un regard nouveau sur notre monde et y discerner l’espérance, nous réveiller et nous mettre en marche, croire et aimer, tout simplement. Ces petites touches nous invitent à croire que tout est possible ; la foi, l’espérance et l’amour ne disparaissent jamais, nous le savons, elles sont les prémices, elles sont les promesses qui retentissent et nous disent que la mort est vaincue par l’amour, pour aujourd’hui et pour toujours.
Les anges ont disparu, pourtant il nous est dit que « Marie-Madeleine vient annoncer aux disciples qu'elle a vu le Seigneur et qu'il lui a dit cela. »
Marie annonce, c’est à dire Marie « angeloussa » en grec dans le texte du Nouveau Testament, elle devient la première messagère de la résurrection, la porteuse de bonne nouvelle.
Son annonce retentit encore et encore.
Nous invitant à sa suite à nous mettre « en marche », à saluer la Vie et devenir ainsi des « porteurs d’espérance »,
C’est cela croire en la résurrection et la vivre.
Tourner le dos au tombeau, sortir du jardin et se tourner résolument vers les autres, vers la vie.
Désormais nous ne sommes plus menacés de mort, mais menacés de résurrection, de foi, d’espérance et d’amour.
Amen

 

Textes bibliques

Exode chapitre 25
10Ils feront une arche en bois d'acacia ; sa longueur sera de deux coudées et demie, sa largeur d'une coudée et demie et sa hauteur d'une coudée et demie. 11Tu la couvriras d'or pur à l'intérieur et à l'extérieur et tu y feras une bordure d'or tout autour. 12Tu fondras pour elle quatre anneaux d'or et tu les mettras à ses quatre coins, deux anneaux d'un côté et deux anneaux de l'autre côté. 13Tu feras des barres en bois d'acacia et tu les couvriras d'or. 14Tu introduiras les barres dans les anneaux sur les côtés de l'arche, pour (qu'elles servent à) porter l'arche ; 15les barres resteront dans les anneaux de l'arche et n'en seront pas retirées. 16Tu mettras dans l'arche le Témoignage que je te donnerai. 17Tu feras un propitiatoire d'or pur ; sa longueur sera de deux coudées et demie et sa largeur d'une coudée et demie. 18Tu feras deux chérubins d'or, aux deux extrémités du propitiatoire ; tu les feras d'or battu, 19un chérubin à l'une des extrémités et un chérubin à l'autre extrémité ; vous ferez les chérubins d'une seule pièce avec les deux extrémités du propitiatoire. 20Les chérubins étendront les ailes vers le haut, couvrant de leurs ailes le propitiatoire et se faisant face l'un à l'autre ; les chérubins auront la face tournée vers le propitiatoire. 21Tu mettras le propitiatoire par-dessus l'arche et tu mettras dans l'arche le Témoignage que je te donnerai. 22Je te rencontrerai du haut du propitiatoire, entre les deux chérubins placés sur l'arche du Témoignage, je te parlerai afin de te donner tous mes ordres pour les Israélites.

Jean Chapitre 20
Le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine vient au tombeau, le matin, les ténèbres sont encore là, et elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court trouver Simon Pierre et l'autre disciple, que Jésus aimait, et elle leur dit : ils ont enlevé le Seigneur du tombeau, et nous ne savons pas où ils l'ont mis !
Pierre et l'autre disciple sortent donc pour venir au tombeau. Ils courent tous deux ensemble. Mais l'autre disciple court plus vite que Pierre et arrive en premier au tombeau ; il se baisse, voit les bandelettes qui gisent là ; pourtant il n'entre pas. Simon Pierre, qui le suivait, arrive. Entrant dans le tombeau, il voit les bandelettes qui gisent làet le linge qui était sur la tête de Jésus ; ce linge ne gisait pas avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre lieu. Alors l'autre disciple, qui était arrivé en premier au tombeau, entre aussi ; il voit et il croit. En effet, ils n'avaient pas encore compris l'Écriture, selon laquelle il devait se relever d'entre les morts. Les disciples s'en retournent donc chez eux.
Marie se tient dehors, près du tombeau, et elle pleure. Tout en pleurant, elle se baisse pour regarder dans le tombeau.Elle voit alors deux anges vêtus de blanc, assis là où gisait précédemment le corps de Jésus, l'un à la tête et l'autre aux pieds. Ils lui disent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Elle leur répond : Parce qu'on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l'a mis. Après avoir dit cela, elle se retourne ; elle voit Jésus, debout ; mais elle ne savait pas que c'était Jésus. Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Pensant que c'était le jardinier, elle lui dit : Seigneur, si c'est toi qui l'as emporté, dis-moi où tu l'as mis, et moi, j'irai le prendre. Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourne et lui dit en hébreu : Rabbouni ! - c'est-à-dire : Maître ! Jésus lui dit : Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va vers mes frères et dis-leur que je monte vers celui qui est mon Père et votre Père, mon Dieu et votre Dieu.
Marie-Madeleine vient annoncer aux disciples qu'elle a vu le Seigneur et qu'il lui a dit cela.

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Jean 19:41 à Jean 20:16