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Quelle résurrection pour aujourd'hui ?
Prédication de Pâques prononcée le 12 avril 2020, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot
1.
Christ est ressuscité, et alors ? Qu’est-ce que cela change pour nous ? Pouvons-nous le dire sans langue de bois ? Concrètement, en quoi est-ce une bonne nouvelle pour aujourd’hui ? Parce que oui, des bonnes nouvelles, nous en avons besoin... quelle réponse donne Pâques à nos difficultés ?
Dire que Pâques est qu’il y a 2000 ans M. Jésus de Nazareth est mort et qu’ensuite ses amis l’ont vu encore pendant 40 jours serait bien réducteur. De cela on peut en être content pour lui, et pour ses amis, mais ça ne fait pas une bonne nouvelle pour moi. Parce qu’aujourd’hui, Jésus n’apparaît plus physiquement. C’est pourquoi réduire la résurrection du Christ aux apparitions est une erreur ! Les apparitions de Jésus relatées dans les évangiles sont un phénomène limité dans le temps, 40 jours nous dit-on, et réservé à certains. Et moi 2000 ans après, je me trouve spectateur de loin d’un phénomène auquel je ne suis pas invité, je suis exclu de ces textes merveilleux. Personne ne rencontre aujourd’hui Jésus matériellement. Il n’y a pas de Jésus ressuscité physiquement venant manger du poisson avec moi, ou traversant les murs pour me rencontrer quand je suis enfermé dans ma chambre, quand j’ai peur que je pleure, pour souffler sur moi pour me dire « la paix soit avec toi ».
Il ne faut donc pas confondre apparition et résurrection : le message de Pâques, n’est pas que Jésus a été ressuscité pendant 40 jours et qu’ensuite il ne le serait plus. Mais c’est : aujourd’hui, là où vous êtes, Christ est ressuscité, il est vivant. Et comment ? Pas physiquement bien-sûr. Christ est aujourd’hui vivant, je le crois, il est présent, j’en fais le fondement de ma foi, mais pas matériellement, pas physiquement, spirituellement. Il a dit : « là où deux ou trois sont réunis en mon nom je suis au milieu d’eux... » (Matt. 18:20). Christ aujourd’hui est ressuscité et présent. Et cela n’a rien à voir avec une apparition matérielle.
Voilà donc la vraie bonne nouvelle : Jésus est vivant aujourd’hui, il vous accompagne, il vous donne la vie, vous console, réconforte. Vous n’êtes pas seuls, Jésus est là, tout près de vous, il est votre meilleur ami, votre compagnon, votre confident. Il est tout proche, pour vous écouter, pleurer avec vous peut-être, et aussi vous consoler, vous relever, vous guérir intérieurement, et vous relever de tout deuil, de toute tristesse, du découragement et de quelque puissance de mort !
Alors que pouvons-nous faire de ces récits d’apparitions ? Les lire comme de merveilleux textes imagés racontant ce que nous pouvons vivre aujourd’hui avec le Christ, cette expérience spirituelle à laquelle nous sommes tous invités : les pèlerins d’Emmaüs : c’est moi, quand je marche tout triste, et que je ne le sais pas, mais que Jésus marche avec moi. Les disciples dans la chambre haute, enfermés, dans la crainte et le deuil, dont nous parlions tout à l’heure, ce sont moi encore : quand je suis enfermé dans la tristesse et la peur, et que Jésus me rejoint là où je suis et me donne la paix, et m’envoie en mission en me faisant confiance. Voilà une bonne nouvelle pour aujourd’hui.
Je ne dis pas que ces récits ne sont que des mythes, on peut y croire si on veut, mais ils ne peuvent avoir vraiment de sens pour nous aujourd’hui qu’interprétés comme tels.
Alors le rationaliste dira : mais comment alors le Christ est-il ressuscité ? Vivant aujourd’hui ?
On peut répondre de deux manières, soit d’abord en disant que c’est dans la foi. Moi, j’expérimente cette présence de Dieu en Jésus Christ, je sais qu’il est là, que je ne suis pas seul, et qu’il y a une puissance de vie qui m’accompagne. Je n’ai pas à le démontrer, je le vis, je l’expérimente, et ça change ma vie, cette présence transforme mon existance comme elle a transformé la vie de milliards d’humains depuis 2000 ans. C’est un fait.
Quant au comment vraiment, intellectuellement, on pourrait dire que Jésus reste vivant par ce qu’il a dit, par son Évangile, sa prédication, son amour, tout cela laissé en témoignage et continue à vivre parmi nous et à faire vivre des quantités de chrétiens.
2.
Ca c’est bien... Mais plus concrètement, quelle résurrection pour nous ? Parce que nous aussi nous sommes confrontés à la mort. Quelle est la bonne nouvelle de Pâques ? Que Jésus soit ressuscité et encore vivant spirituellement avec nous c’est bien, qu’en est-il de nos morts ? Pâques est-il réservé à Jésus et nous, nous resterions dans le deuil avec nos morts ? Pourquoi si Dieu a ressuscité Jésus ne ressuscite-t-il pas nos morts ? Là encore, comment cette bonne nouvelle pour Jésus que nous célébrons peut devenir une bonne nouvelle pour nous ?
Une solution peut se trouver chez Paul. L’apôtre l’affirme à plusieurs reprises : tous sont appelés à ressusciter comme le Christ (Rom 6:3-11, Rom 8:9-17, etc.). La résurrection du Christ est en quelque sorte le modèle de la résurrection qui nous est promise, le paradigme de notre propre résurrection, l’exemple qui nous est donné pour que nous comprenions bien ce qui nous est offert. La résurrection du Christ est comme l’échantillon de ce qui doit être offert à tous. On ne regarde pas la résurrection du Christ comme on visite le château de Versailles en se disant que c’était merveilleux mais que ce n’est pas pour nous. C’est plutôt l’appartement témoin de la résidence qu’il nous est offert d’habiter.
Mais là encore, on n’attend pas que nos morts ressuscitent en chair et en os au bout de trois jours, l’interprétation littérale des récits d’apparitions est inopérante. Elle fait de la résurrection quelque chose qui n’est pas pour nous.
Mais si la résurrection est spirituelle, alors elle peut s’appliquer aussi à nos morts. Nous avons dit que Jésus était vivant spirituellement, peut-on dire la même chose de ceux qui nous ont quitté ?
Oui, bien sûr ! D’abord parce que même morts physiquement, ils sont encore présents pour nous, d’une autre manière, ils ne se sont pas évaporés pour qu’il n’en reste rien. Il y a un autre mode de présence. Et nous sentons leur présence si nous les avons aimés. Pas besoin d’être présents physiquement pour aimer quelqu’un, on sait qu’il est là. La pensée, l’esprit, sont des réalités qui font partie de notre vie.
Et nos morts sont présents par ce qu’ils ont laissé, transmis, par l’amour qui a été partagé. Toute vie laisse un sillage. Personne ne vit pour soi puis quand meurt tout serait fin. Une mort n’annule pas une existence, tout est transmis. La vie n’est que transmission.
De même Jésus est encore présent parce qu’on se souvient de lui, et on en parle encore 2000 ans après. Ce n’est pas ça tout son être ressuscité, mais ça en fait partie. Et ce n’est pas rien, faire mémoire de quelqu’un n’est pas rien, c’est même essentiel. C’est bien ce que dit le Christ lors de son dernier repas. Certes, il demande de se nourrir de son corps et de son sang, de faire de sa vie, de ce qu’il a été, une source de vie pour soi, mais aussi il dit : « faites ceci en mémoire de moi » (Luc 22:19).
Ainsi, chaque dimanche, nous, chrétiens, nous célébrons Pâques, en prêchant la parole du Christ, en faisant de son enseignement, de sa vie une nourriture, une source de vie, et quand nous célébrons la Cène, nous faisons mémoire de lui.
Mais la mémoire disions-nous n’est pas tout. Même si nous oublions ceux qui nous ont précédés, ils vivent quand même en nous par ce qu'ils ont transmis et dont nous n’avons pas forcément conscience. J’ai dans ma généalogie plein d’ancêtres dont je ne connais peut-être même pas le nom, mais qui ont contribué à faire ce que je suis aujourd’hui, qui ont transmis non seulement la vie physique, mais aussi des valeurs, des convictions, des façons d’être dont je suis l’héritier. De même, il y a aujourd’hui bien de nos contemporains qui disent ne pas croire en Jésus, ou qui ne font pas mémoire de lui en célébrant la Cène, mais qui sont tout de même au bénéfice de son Évangile, parce qu’ils vivent dans un pays qui a été façonné par le Christianisme, parce qu’ils adhèrent à des valeurs qui sont fondamentalement évangéliques, parfois sans le savoir.
3.
Tout cela sont des bonnes nouvelles, certes, mais reste la question essentielle : moi. Que d’une façon générale la mort ne soit pas si grave, pourquoi pas, mais qu’en est-il pour moi. Moi qui suis confronté à ma propre mort, ma mort possible ou prochaine. Qu’est-ce que Pâques me dit ? On dit que Christ a vaincu la mort, mais moi je vais quand même mourir ! Alors ? Tout cela semble très théorique.
Faudrait-il croire que je ressusciterai physiquement au troisième jour comme Jésus en sortant de mon caveau ? Non, sûrement pas. Alors si le tombeau s’était ouvert pour Jésus et pour moi il resterait hermétiquement fermé ? Ou dois-je sagement attendre une hypothétique résurrection au dernier jour après le jugement dernier ? Croyance médiévale qui ne me remplit pas de joie ni de paix.
Alors si j’écoute le début du sermon, devrais-je me contenter du fait que si je meurs, ce n’est pas trop grave, je laisserai quelque chose à mes enfants ou à ceux que j’aurai côtoyé, et que l’amour partagé n’aura pas été vain parce que l’amour est éternel et plus fort que la mort ? Cela ne me console qu’à moitié. Je crains de mourir, Dieu ne me sauverait-il pas ?
D’abord précisons les choses. Dieu n’empêche personne de mourir. Depuis Jésus Christ, il y a eu des milliards de chrétiens sur terre et ils sont tous morts... Et aucun ne semble avoir ressuscité en chaire en en os d’ailleurs ! Même Jésus, Dieu ne l’a pas empêché de mourir sur la croix. Alors où est le message de Pâques ? Que dit-il de bon pour moi sur l’angoisse de ma propre mort ? Cette issue brutale et inéluctable qui me menace ? La mort serait-elle une sorte de mur sur lequel même les discours sur la résurrection buteraient ? Moi j’ai besoin d’une espérance. J’ai besoin d’une foi qui ne laisse pas la mort toute puissante m’emporter, besoin d’une foi dans la vie, d’un vrai triomphe sur la mort, comment trouverais-je cela ?
Une fois encore il faut passer par Paul. Paul permet de voir les choses autrement : il ne se place pas d’un point de vue historique, il n’a pas connu Jésus de Nazareth et arrive plusieurs années après sa mort. De ce que l’on comprend de ses épîtres, il se s’intéresse pas tellement au petit bonhomme de Nazareth avec sa barbe, ses grands cheveux et des sandales. D’ailleurs il ne cite pratiquement aucune parole de Jésus, ni de ses faits et gestes. Pour Paul, le fondement de la foi, c’est « Christ ». Mot qu’il utilise souvent sans « Jésus », et même souvent sans article. La centre de la foi de Paul, ce n’est pas « Jésus », ce n’est même pas « le Christ », mais c’est « Christ ». « Christ est ma vie ! » dit-il, pas « Jésus de Nazareth est ma vie ». « Christ » pour Paul, ce n’est pas vraiment un personnage historique, sympathique au demeurant, mais un événement qui bouleverse le monde.
Christ, c’est l’avènement dans le monde de quelque chose de radicalement neuf, c’est l’irruption de la grâce, de l’amour. Christ, c’est l’accomplissement des promesses de Dieu. C’est un coup de tonnerre dans la médiocrité du monde par l’avènement d’un extra-ordinaire. C’est un coin dans l’inéluctable, dans la dureté du monde. Christ vient fendiller le vieux monde condamné à la mort en y mettant un ferment de vie. C’est la révélation de l’amour inconditionnel de Dieu pour sa création, l’avènement d’une nouvelle création, du Royaume de Dieu qui s’offre à nous. Christ, c’est un coup de canon dans le monde, affirmant que Dieu nous aime, nous sauve et nous pardonne à jamais.
Christ pour Paul, c’est Dieu qui vient lui-même se rendre présent parmi nous pour nous donner la vie, il est signe qu’Il y a une puissance infinie dans un amour qui nous dépasse ultimement. Et cette réalité nouvelle extraordinaire est plus forte que tout, plus forte que toutes nos petites misères, que les virus, les maladies, les disputes, les échecs, et même plus forte que la mort qui n’est rien à côté.
« Pour moi vivre c’est Christ » (Phil 1 :21) dit Paul (ce qui a été pendant des années « mon » verset, avant qu’un autre ne s’impose à moi). On peut comprendre ce qu’il affirme là : pour vivre vraiment au-delà des aléas délétères du monde, il faut attacher sa vie à Christ, à une puissance infinie de vie, de joie, de paix et d’amour. Christ sauve le monde parce que devant lui le monde n’est que peu de choses, rien qu’un jeu d’ombres sans réelle importance. Christ est tout, et en donnant ma vie à Christ, en vivant par Christ et pour Christ, je vis, quoi qu’il arrive, et pour l’éternité.
Et ce que nous dit le message de Pâques, c’est que ce Christ-là, cette réalité transcendante là, la mort ne l’atteint pas. Ce Christ est immortel, invulnérable. La mort n’est pour lui qu’un avatar sans conséquence. Elle est impuissance devant cette force d’amour transcendante de Dieu qui se révèle en Jésus Christ comme un raz-de-marée réduisant tout le reste à presque rien. « Ô mort où est ta victoire, où mort où est ton aiguillon » (I Cor. 15:55) nous dit Paul. La mort est là, mais elle ne peut rien, elle a perdu toute force. Christ a vaincu la mort. Christ est plus fort que la mort, que le péché, la culpabilité ou l’angoisse. Christ est cette irruption invincible de la puissance créatrice de Dieu.
Ainsi, le message de Pâques est la relevée de ce Christ, non pour 40 jours seulement, mais pour toujours. Aujourd’hui Christ est vivant, non seulement il est notre meilleur ami, notre confident, notre compagnon, toujours présent, mais il est surtout la preuve, la démonstration que « l’amour est plus fort que la mort » (Cant 8 :6), qu’ll y a en nous une dimension transcendante, divine, unie au Christ que la mort ne peut pas atteindre, ni détruire, ni rien faire.
La mort est réduite au silence par le Christ. La mort est terrassée, piétinée par la puissance du Christ, par la puissance de cette révélation divine d’un amour cosmique plus fort que tout. Et qui transforme la mort en vie.
Christ est vivant, il vit éternellement, il a triomphé de la mort, il vous donne la vie, et ouvre sans cesse devant nous un chemin nouveau de vie et de joie infinie.
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Romains 6:3-11
3Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Christ-Jésus, c’est en sa mort que nous avons été baptisés ? 4Nous avons donc été ensevelis avec lui dans la mort par le baptême, afin que, comme Christ est ressuscité d’entre les morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. 5En effet, si nous sommes devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection ; 6nous savons que notre vieille nature a été crucifiée avec lui, afin que ce corps de péché soit réduit à l’impuissance et que nous ne soyons plus esclaves du péché ; 7car celui qui est mort est quitte du péché. 8Or, si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui 9sachant que Christ ressuscité d’entre les morts ne meurt plus ; la mort ne domine plus sur lui. 10Car il est mort, et c’est pour le péché qu’il est mort une fois pour toutes, et maintenant qu’il vit, il vit pour Dieu. 11Ainsi vous-mêmes, considérez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Christ-Jésus.
Romains 8:9-17
9Pour vous, vous n’êtes plus sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, il ne lui appartient pas. 10Et si Christ est en vous, le corps, il est vrai, est mort à cause du péché, mais l’esprit est vie à cause de la justice. 11Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité le Christ-Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.
12Ainsi donc, frères, nous sommes débiteurs, mais non de la chair, pour vivre encore selon la chair. 13Si vous vivez selon la chair, vous allez mourir ; mais si par l’Esprit vous faites mourir les actions du corps, vous vivrez, 14car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu. 15Et vous n’avez pas reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions : Abba ! Père ! 16L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. 17Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être aussi glorifiés avec lui.