Le Psaume 54: toute la vie chrétienne en 9 versets
Prédication prononcée le 24 novembre 2019, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot
(Voir le texte du Psaume en bas de page)
Le Psaume 54 a la particularité d’être très court : 9 versets seulement et d’être un psaume qui passe totalement inaperçu. Il ne fait pas partie des grands psaumes que l’on connaît et que l’on aime, il semble tout à fait banal et de peu d’intérêt. Pourtant, quand on le regarde de plus près, on peut voir qu’il dit tout l’essentiel de ce qu’est la vie chrétienne et comment Dieu peut nous aider à bien vivre malgré les difficultés.
Le titre d’abord est essentiel. Le plus souvent, les commentateurs le négligent alors qu’évidemment là se trouve la clé de tout : il nous indique en effet à quoi le psaume répond. Il y est fait référence à l’histoire de David avec les Ziphiens. On peut trouver ce dont il s’agit en I Samuel 23:15-20 : David est pourchassé par le roi Saül qui cherche à le tuer, il va alors dans la ville de Ziph dont les habitants vont le trahir pour aller rapporter à Saül que David se trouve parmi eux. Être pourchassé, trahi, victime de violence, d’injustice est déjà très dur, mais là la chose est plus grave par le fait que les Ziphiens étaient de sa tribu, donc de sa propre famille. David est trahi par des méchants en qui il aurait normalement dû pouvoir faire confiance. Voilà la situation : quand on est confronté au mal, à l’injustice, à la violence, à la trahison, au mal en fait, sous toutes ses formes ; comment réagir, et comment Dieu peut nous aider.
Or ces Ziphiens disent eux-mêmes quelque chose d’essentiel : « David n’est-il pas caché parmi nous ? ». C’est une bonne question, parce que David est le serviteur de Dieu, et aussi parce que son nom « DaViD » en hébreu signifie « amour ». Voici la question : comment trouver Dieu quand il semble absent ? Où Dieu est-il dans le mal, la souffrance ou la trahison. On parle de l’amour de Dieu, mais parfois il semble bien caché. Et cette idée de l’amour caché renvoie évidemment à un verset des plus connus de la Bible, quand le prophète Esaïe dit à Dieu : « vraiment, toi tu es un Dieu caché » (Esaïe 45 :15) avec en hébreu exactement le même mot à la même forme. Il est vrai qu’il n’est pas toujours facile de trouver Dieu dans certaines situations où il semble absent. Il faut donc parfois jouer à cache-cache avec Dieu, et c’est ce que nous propose le Psaume 54.
Pour cela il propose d’abord d’utiliser les « instruments de musique ». C’est n’est pas seulement une indication hymnologique comme le disent la plupart des commentateurs, mais une affirmation essentielle : la musique est une ressource fondamentale pour surmonter une épreuve ou une difficulté, et retrouver l’amour de Dieu. Et cela de différentes manières parce que la musique peut servir à plein de choses dans la Bible.
D’abord ce peut être pour faire une chanson, ce qui veut dire souvent : se moquer. Si l’épreuve n’est pas trop importante, c’est une bonne piste : prendre à la légère, traiter par le mépris parce que parfois il vaut mieux en rire qu’en pleurer ! C’est ce que propose la loi scoute de Baden-Powell dans son article 8 : A scout smiles and whistles under all circumstances, ce que l’on a traduit par « un Éclaireur sourit et siffle dans les difficultés ». C’est une approche volontariste qui n’est pas dénuée de bon sens.
Ensuite la musique peut aussi être pour exprimer le tragique. Chants de deuil ou de douleur. On pense pour nous aux Passions de Bach, aux grands Requiem de Mozart ou Fauré. Il peut y avoir un effet bienfaisant à crier sa souffrance, à l’exprimer, à l’extérioriser, à voir que d’autres ont pu la ressentir, on se sent moins seul et pleurer fait du bien.
Mais le chant peut aussi être chant de louange ou action de grâces. Cela peut sembler paradoxal de chanter la louange de Dieu dans les difficultés, mais ce peut être une manière de faire confiance à Dieu. Ce qui nous peine, en effet, n’est pas toujours vraiment mal, il faut reconnaître, quand on se retourne vers le passé de sa vie, que bien des contrariétés ont été en fait pour notre plus grand bien ou peuvent nous apporter beaucoup. Et avec l’aide de Dieu on peut transformer toute difficulté en chance. « Toute chose coopère au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rom. 8:28) dit Paul, non pas que le fidèle soit épargné par les épreuves, mais avec Dieu, il a le pouvoir de transformer le mal en bien : comme le dit Joseph à ses frères : « ce mal que vous m’aviez fait, Dieu l’a transformé en bien » (Gen. 50:20).
Et même si ce n’est pas toujours vrai, rendre grâces dans l’épreuve, c’est pourtant bien ce à quoi nous invite la tradition protestante qui appelle les cérémonies à l’occasion d’obsèques non pas « services funèbres », mais « services d’action de grâces ». Il ne s’agit pas, bien-sûr, de remercier Dieu pour la perte de quelqu’un que l’on a aimé et que l’on pleure, mais d’apprendre à dépasser le deuil pour remercier pour tout le bien, le bon, le beau qui a pu être partagé avec la personne et donnée par son existence. Cela permet de dépasser l’épreuve pour chercher le positif que la mort n’annule pas, qui existe toujours et auquel il faut se raccrocher pour vivre.
Ou enfin, la musique peut faire référence à celle que jouait David. C’est sans doute ce à quoi pensent les traductions qui mettent « sur les instruments à cordes » en tête du Psaume. En effet, David est connu pour ce qu’il jouait de la harpe quand Saül rentrait dans ses crises de fureurs, et sa musique le calmait. C’était une sorte de musicothérapie. Voilà ce que nous propose ce psaume 54 : lorsqu’on aurait des raisons d’être en colère contre ses frères, en colère contre Dieu, parvenir à retrouver la paix, paix avec Dieu, avec les autres, et avec soi-même. C’est tout un programme : exceller dans l’art de calmer les fureurs, à tourner en ridicule le mal, et à pouvoir rendre grâces à Dieu en retrouvant la paix, et ainsi trouver l’amour de Dieu caché dans les difficultés. Pour cela, il faut suivre les 6 versets faisant le corps du psaume comme un mode d’emploi !
D’abord dire comme le psalmiste : « sauve-moi dans ton nom ». Crier à Dieu est très bien et lui demander le salut la meilleure des choses, Dieu n’est pas sourd, et il sauve. Mais plus précisément Dieu peut nous sauver, « dans son nom », c’est une indication très importante. Le « nom » de Dieu peut être Dieu lui-même, ce qu’il est, et en effet, il est dans la nature de Dieu de sauver... Mais le nom, c’est aussi la manière avec laquelle nous nous adressons à lui. Le nom que je donne à Dieu, c’est ma relation à lui. Et c’est dans cette relation que se joue la possibilité pour lui de me sauver. C’est pourquoi nous demandons dans le Notre Père : « que ton nom soit sanctifié », il ne s’agit pas de vouloir rendre encore plus saint celui qui est l’infiniment saint, mais que ce que je pense de lui soit le plus grand possible. Ainsi, le lieu central de la possibilité de Dieu à nous sauver est notre relation à lui et le nom que nous lui donnons. C’est pourquoi il est essentiel de faire de la théologie, de réfléchir pour savoir qui est Dieu, afin de bien le connaître, de ne pas se tromper sur son compte et de savoir comment le nommer le plus justement possible. Sinon, notre appel risque de passer à côté de lui sans l’atteindre parce qu’au lieu de lui donner son nom à lui nous lui aurions donné le nom que nous aimerions qu’il aie, en projetant sur lui nos désirs infantiles et superstitieux.
Ensuite le psalmiste dit : « Dans ta vigueur tu m’as rendu justice ». Cette fois ce n’est pas un impératif mais une constatation. Il est curieux d’ailleurs de noter la malhonnêteté des traducteurs qui nous mettent régulièrement deux impératifs : « sauve-moi... et rends-moi justice », alors que le texte hébreu est pourtant clair : l’impératif n’est que sur le « sauve-moi ». Ce n’est même pas que la réponse de Dieu soit immédiate parce que le deuxième verbe est à l’accompli, c’est du passé. Il y a donc là une certitude : ce n’est pas « tu me rendras justice », mais « tu m’as déjà rendu justice », c’est un don qui précède tout ce que je peux en savoir et demander. Cette justice n’est pas celle d’un jugement qui pourrait d’ailleurs être à mes dépens parce que je suis moi loin d’être parfait, mais la certitude que Dieu ne laisse pas la victime dépouillée de tout. Dieu vient compenser la victime en ce qu’il a subi ou souffert, il redresse l’abattu, console l’affligé. Cela est constant dans l’Évangile, et la prédication du Christ commence ainsi dans les Béatitudes : « heureux ceux qui pleurent, ceux qui sont pauvres, ceux qui ont faim et soif, les persécutés... ». C’est donc une justice positive, il ne dit pas que les persécuteurs seront blessés ou les mauvais condamnés, Dieu rend justice en consolant et pas en punissant. On peut donc se reposer en Dieu, il rend justice à l’opprimé et ne laisse pas démuni celui qui a été blessé ou lésé.
Ce que dit ensuite le croyant : « Écoute » peut sembler anodin, mais c’est là de nouveau une confession de foi de toute grande importance. Normalement ce « Écoute » est adressé à l’homme, c’est le « Shema Israël » : « Écoute Israël, l’Éternel est Dieu, l’Éternel est un ». Ici, la demande est faite à Dieu d’être à l’écoute de l’homme, avec autant d’attention, de respect que l’homme doit écouter la parole de Dieu. Nous voyons ainsi là un Dieu qui n’est pas une sorte d’entité céleste globale et insensible aux personnes, mais au contraire, un Dieu qui écoute chacun avec infiniment d’attention. C’est un Dieu qui entre en relation avec nous, et qui considère chacun comme infiniment important.
Quant à cette « prière » que l’on demande à Dieu d’écouter, ce ne sont pas les réclamations ou les plaintes, mais tous les « dires de ma bouche ». La prière, c’est tout dire à Dieu, partager avec lui tout ce que l’on ressent, pense, craint, déplore, espère ou désire. Dieu entend cela et le sanctifie. D’ailleurs le mot utiliser là pour dire « prier » signifie normalement « intercéder » « être médiateur ». Il s’agit donc plus d’une prière pour les autres que pour soi. Comme le Christ qui sur la croix prie pour ses bourreaux : « père pardonne leur car ils ne savent ce qu’ils font ». C’est ce genre de prière qui peut amener à relation pacifiée avec agresseurs, avec les événements subi, ce qui peut aller jusqu’au pardon, seule manière de trouver vraiment la paix.
Le psalmiste précise ensuite ce qui le menace : ce sont des « étrangers » et des « redoutables ». Ce ne sont pas des personnes étrangères au sens propre du terme, d’ailleurs les Ziphiens, nous l’avons dit, n’étaient pas des étrangers pour David, mais des gens de sa famille. Ces étrangers représentent tout ce qui menace mon être, mon équilibre, mon identité, c’est tout ce qu’il m’est difficile, voire impossible d’intégrer parce que c’est contraire à ce que je veux pour moi, à mon projet, à l’image que j’ai de ce que devrait être ma vie. Toutes ces choses inassimilables qui me déstabilisent me font peur parce qu’elles me propulsent sur un avenir inconnu, c’est tout ce que je redoute. Freud a parlé longuement de cela avec le concept, dont il a même fait un livre, d’ « inquiétante étrangeté » (Unheimlinch).
Tout cela menace « mon âme ». En effet, l’âme, pour l’anthropologie biblique est le principe vital que tout être vivant possède et qui fait l’unité de son corps et de son être. Pour la Bible, les animaux aussi ont une âme, et quand l’animal meurt, l’âme cesse d’informer le corps et celui-ci devient un amas de cellules incohérent qui perd son unité et de désagrège rapidement. Pour nous les humains, cette âme a en plus une dimension immortelle puisque nous ne sommes pas réductibles à notre corps. Notre âme est ainsi ce qui fait que chacun vit et est lui-même, c’est son identité. Cette étrangeté redoutable, c’est ainsi précisément ce qui menace cette unité de mon être et qui peut faire que moi-même je ne sais plus qui je suis ni où j’en suis. Cela est terrifiant et menace de m’annihiler à moins que je ne parvienne à me réinventer.
Cette menace est associée au fait, pour ceux qui sont dans cette situation, qu’« ils ne placent pas Dieu face à eux ». Il est vrai que confronté au mal, il y a un risque de rejeter Dieu, c’est une véritable menace parce que Dieu est précisément ce qui unifie mon être. Soit par sa nature et la puissance qu’il exerce en moi quand je le laisse faire, soit en ce que Dieu représente pour chacun ce en quoi il croit, son idéal, son système de valeur, la visée orientant toute sa vie, le fondement inébranlable de conviction forte qui unifie et donne sens à son existence. Or précisément, le mal, par définition, est absurde, il est sans visée, sans cohérence, il n’est que destruction, arbitraire et injustice. Être confronté au mal risque de rendre cynique, et de faire perdre précisément ce qui structure sa propre existence. Perdre son idéal, son sens, ne plus tourner son regard vers Dieu est le danger le plus grave, parce qu’il ôte toute raison d’être et tout sens, toute structure. C’est plus grave que le mal lui-même que l’on subit et qui risque d’amener à cela. Il faut donc parvenir à penser que même si dans l’apparence, Dieu semble absent ou ne rien faire, néanmoins, même dans le pire des maux, Dieu est là et c’est lui qui peut me sauver.
Notre psaume met là un mot : « pause ». Cela semble insignifiant, tant que même certaines traductions l’omettent. Mais ce n’est pas juste l’indication d’une façon perdue de psalmodier, ce mot est peut-être l’un des plus important. Il est au centre absolu du poème et le point de basculement entre toute la tension du commencent et la confiance de la fin. Cette pause est nécessaire : après toute ce qui précède et qui est plutôt dur et angoissant : il est bon d’avoir un peu de pause. Il faudrait en lisant le psaume s’arrêter un moment, faire silence, prendre le temps arrêter l’agitation, et dans le calme se remettre en ordre. Ce moment de pause peut permettre aussi d’évaluer, de réfléchir, et sans doute de voir qu’en fait ce mal qui me terrorise n’est pas grand-chose devant Dieu et par rapport au secours qu’il peut me donner.
Et en effet, après cette pause apparaît le secours de Dieu : « Voici, Dieu est aide pour moi ». Le « Voici » semble peu de chose, pourtant c’est un mot d’une importance extrême dans la Bible, c’est ce qu’on peut appeler un marqueur prophétique. Ce petit mot introduit normalement, dans les livres des prophètes, une déclaration essentielle de Dieu lui-même. Et voici ce message, cette révélation : « Dieu est une aide pour moi ». C’est une bonne nouvelle, et en même temps reste dans un certain réalisme : Dieu ne m’empêche pas d’être confronté au mal, mais il est dans mes combats une ressource essentielle. Et puis « Le Seigneur est dans les soutiens de mon âme »... le texte original a ici un pluriel (qu’oublient allègrement nos traductions) on peut l’entendre en ce qu’il n’est pas le seul soutien. Il y a aussi nos proches ou autres, ou que quel que soit le soutien que nous pouvons trouver, ce soutien n’en sera vraiment un que si Dieu est dedans, c’est-à-dire s’il est cohérent avec notre conviction la plus profonde et notre visée idéale. Mais surtout on remarquera que cette aide, ce soutien, ils adviennent lorsque j’appelle Dieu non plus simplement « Dieu », mais « Seigneur ». Je trouve de l’aide lorsque je reconnais Dieu pour mon Seigneur, celui qui dirige et protège et celui que je veux servir. Faire de Dieu son Seigneur est essentiel, c’est cela qui sauve la vie.
Quant au mal lui-même, voici ce qu’il en advient : « le mal retourne à mes entortilleurs ». Ce n’est pas que Dieu punisse, mais le mal n’étant que du désordre, il ne fait que du désordre et retombe sur ceux qui font le mal. Le mal de toute façon ne mène à rien, il n’a pas d’avenir.
Et le psalmiste a raison de dire à Dieu : « Dans ta vérité, fais-les taire ». En effet, la vérité de Dieu n’a rien à voir avec la vérité humaine. Pour les hommes, la vérité est a posteriori : une parole est vraie si elle en adéquation avec la chose qui est. Pour Dieu, sa parole est a priori, il ne dit pas ce qui est, mais ce qui est appelé à être. Quand Dieu dit « la lumière est » (traduit par « que la lumière soit »), techniquement, ce n’est pas vrai puisque quand il le dit, il n’y a pas de lumière, mais sa parole est vraie puisque dès qu’il le dit, « la lumière est ». La vérité de Dieu est ainsi non pas un contenu doctrinal, mais une parole créatrice, sa vérité, c’est le projet qu’il a pour nous et pour l’humanité. C’est par cela que le mal n’a pas le dernier mot. Le mal, en effet, est absurde, il n’a pas de projet, il n’a pas le dernier mot puisqu’avec Dieu, on peut trouver une issue. C’est cela qui fait taire le mal : dans toute situation mortifère, on peut trouver, grâce à Dieu un projet de vie qui permet de dépasser ce mal. Dieu continue toujours à créer et peut transformer le mal en bien. C’est cette parole qui fait toute tout ce qui veut m’abattre et m’entortiller dans la mort et le désespoir pour me montrer qu’il y a toujours une vie possible, un projet que l’on peut reconstruire, une voie, une issue. C’est ce que nous demandons dans le Notre Père : « délivre nous du mal ! ».
La réponse à cette bonne nouvelle, le psalmiste l’exprime ainsi : « J’offre des sacrifices volontairement ». Aujourd’hui nous n’offrons plus de sacrifices, pour nous cela signifie simplement : « volontairement, je rends grâces, je remercie Dieu ». C’est toujours bien de remercier et d’être reconnaissant. On remarquera que le sacrifice n’intervient pas pour demander la libération, mais après. Il n’y a pas de marchandage, juste une théologie de la grâce : Dieu sauve, sans aucun mérite de la part du croyant, et c’est en réponse à ce salut offert que le croyant donne sa foi, sa reconnaissance et sa pratique, la foi, la pratique, la fidélité n’est pas là une condition du salut de Dieu.
Et puis ici apparaît la notion de volonté et pas avant. On est donc loin d’une conception volontariste qui prétendrait que l’homme devrait se sauver lui-même ou surmonter les difficultés avec ses seules forces. Dans notre psaume, c’est Dieu qui sauve, et le salut intervient quand on demande de l’aide à Dieu, c’est-à-dire hors de soi, et qu’on comprend précisément qu’on ne peut pas trouver dans son seul fors intérieur la possibilité de s’accomplir soi-même. Mais la volonté n’est pas absente, ce qui dépend de nous et de nous seul, c’est de savoir rendre grâces, de remercier. Et ce n’est pas juste de la politesse vis-à-vis de Dieu, cela participe à sauver notre vie et à la transformer. En effet, pour rendre grâces il faut d’abord reconnaître tout le bien qui nous a pu être donné. Et savoir reconnaître les choses positives qu’il peut y avoir dans notre vie, grandes ou petites, est sans doute la meilleure manière d’éviter de nous laisser aspirer par la négativité de nos difficultés. Car c’est une des menaces des épreuves de notre existence que de nous masquer tout le reste, nous risquons de nous identifier à notre épreuve. Or évidemment que tout ne peut être totalement noir, il y a plein de belles choses, même dans les vies les plus difficiles. Il faut les voir, s’y accrocher, et en rendre grâces. Remercier pour une belle chose de notre vie, c’est lui donner de la consistance, c’est la concrétiser et lui permettre de s’intégrer concrètement en nous, sinon, la grâce risque de glisser et de disparaître sans avoir pu opérer son œuvre bienfaisante.
Et ainsi le psalmiste peut dire : « Je loue ton nom : Éternel ! ». Et voilà le nom qui sauve, il est cité là : « Éternel ». Nous avions vu au départ que c’était « dans son nom » que Dieu nous sauvait, mais alors ce nom n’était pas précisé, ici il nous est donné avec un troisième mot pour dire Dieu : « Éternel ». C’est ainsi que les Bibles protestantes on traduit le tétragramme sacré YHWH, normalement imprononcé parce qu’écrit sans voyelles et que nous disons par simplicité Yawéh. Ce nom est celui que Dieu donne à Moïse sur le mont Horeb au buisson ardent, et il représente le Dieu de grâces. En effet là Dieu dit à ce moment qu’il décide de libérer son peuple d’Égypte uniquement parce qu’il a compati avec sa souffrance. Il ne dit pas que ce serait en vertu de mérites, ou d’une bonne pratique, ou de ses prières, ni même que c’est à condition qu’il se montre fidèle ou autre. Dieu dit juste : « J’ai bien vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu son cri à cause de ses oppresseurs, car je connais ses douleurs. 8Je suis descendu pour le délivrer. » (Exode 3:7). C’est donc le Dieu d’amour qui libère et sauve de sa propre volonté, sans condition. Et voilà sans doute le point clé de toute l’affaire : reconnaître que Dieu n’est que source d’amour et de grâces, il n’est que libération et salut. Quelques soient nos difficultés, nos épreuves, nous ne devons jamais penser que Dieu puisse y être pour quoi que ce soit. Dieu n’est que source de libération et de salut, il n’est pas un Dieu qui punit, un Dieu qui frappe ou un Dieu qui laisse faire le mal. On peut dire ce que l’on veut du mal tant qu’on ne pense pas une minute que Dieu puisse y être pour quoi que ce soit. Mais en revanche, nous pouvons croire que quelle que soit la situation, Dieu est toujours un Dieu qui compatit, et qu’il peut nous aider à mieux vivre, il peut nous libérer, nous sauver pour que le mal n’ait plus (ou moins) de prise sur nous.
Car dit justement le psalmiste : « de toute détresse il m’a délivré, et je regarde les ennemis ». Les ennemis sont toujours là, Dieu ne fait pas disparaître le mal ou les difficultés, mais moi je n’en ai plus peur, je peux regarder cela sans crainte. Je reprends confiance parce que je sais qu’avec Dieu quoi qu’il arrive je suis plus que vainqueur.
Voilà la méthode de ce merveilleux petit Psaume 54 : Toujours remettre Dieu devant soi en premier, alors le mal est relativisé et remis à sa juste place. Et pour cela, tout en conservant fermement que Dieu n’est jamais source de mal mais toujours solution pour en sortir, en mettant sa confiance dans ce Dieu YHWH qui est un Dieu de grâce, de tendresse, qui nous écoute, nous accompagne et nous aime, on peut chanter ses louanges et rendre grâces pour lui, et en trouvant et reconnaissant tout le bien qu’il peut y avoir dans notre vie indépendamment du mal et volontairement remettre tout cela au centre. Alors la vérité de Dieu qui est cette parole créatrice qui m’ouvre un chemin quel que soit la situation où je suis me permet de porter mon regard sur le mal et de le mettre ainsi à la juste distance, et reconnaître qu’il y a dans ce Dieu bon la source de salut. Et toujours une vie possible et un chemin de vie qui peut s’ouvrir devant moi.
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Psaume 54
1. A l’excellent, dans les instruments de musique, pour discerner, de David.
2. Quand vinrent les Ziphiens et dirent à Saül : n’est-ce pas que David [est] caché avec nous ?
3. Ô Dieu, dans ton nom sauve-moi !
Dans ta vaillance tu m’as rendu justice.
4. Ô Dieu, écoute ma prière,
tends-l’oreille aux dires de ma bouche.
5. Oui, des étrangers se sont levés contre moi,
des redoutables ont cherché mon âme,
ils n’ont pas mis Dieu devant eux.
Pause.
6. Voici Dieu [est] aide pour moi,
le Seigneur [est] dans les soutiens de mon âme.
7. Il fait retourner le mal à ceux qui m’entortillent.
Dans ta vérité, mets leur une fin.
8. Volontairement, je t’offre un sacrifice.
Je loue ton nom, Eternel, oui il est bon.
9. Oui, de toute angoisse il m’a délivré
et mon œil a regardé dans mes ennemis.
Matthieu 5:1-10
Jésus monta sur la montagne, il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. 2Puis il ouvrit la bouche et se mit à les enseigner :
3Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux !
4Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés !
5Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !
6Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !
7Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde !
8Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !
9Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu !
10Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !