Les Noces de Cana
Prédication prononcée le 18 novembre 2013, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot
L’épisode des Noces de Cana est une belle histoire, et nous l’aimons bien, il ouvre l’Evangile de Jean, et est une bonne nouvelle : voici en effet que le début de l’activité de Jésus est de participer à une fête, un banquet. C’est bien de le rappeler : la base de la bonne nouvelle de l’Evangile, ce n’est pas l’austérité, mais la joie et la fête, non seulement Jésus n’a rien contre ces choses là, même quand elles sont terrestres, mais encore il y participe.
Dans la Bible, le vin est le symbole de la joie, comme pour nous aujourd’hui le champagne. Il est donc question là d’une joie que peut donner le Christ qui est plus importante que la joie naturelle que l’on peut avoir sans lui. Cela dit pour l’obtenir, la chose n’est pas si simple, et on voit dans notre histoire qu’il y a plusieures étapes pour pouvoir enfin bénéficier de ce vin nouveau merveilleux.
La première, c’est une situation où la joie terrestre est là, la fête bat son plein, Jésus est présent mais ne fait rien. En fait, même là il y a une bonne nouvelle : Jésus n’est pas contre cette joie terrestre, il ne l’empêche pas, il ne culpabilise personne, il ne fait pas la morale, non. On pourrait dire : « vous avez des chances et des joies dans la vie, et bien profitez en, pas de problème. »
La deuxième phase est celle du manque. Elle correspond à l’expérience qui est que toute joie terrestre est limitée, et on n’est pas sans cesse dans la fête matérielle. Cela, les plus anciens le savent, sans doute parce que l’âge leur a retiré bien des joies de la jeunesse, mais les jeunes aussi peuvent l’expérimenter, et trouver que les joies terrestres sont limitées et ne peuvent permettre de les satisfaire totalement et toujours.
La troisième phase est celle où l’on peut profiter du vin transmuté : une joie encore meilleure et plus durable offerte par le Christ. C’est la joie que l’on peut trouver dans la foi, dans la relation à Dieu, dans la prière... Mais pour trouver cette joie, il faut avoir expérimenté le manque, les limites des joies terrestres. Certes, disions nous, les personnes âgées plus que d’autres expérimentent cela, et sans doute est-ce une raison pour laquelle on trouve tant de personnes âgées dans les Eglises : les joies terrestres manquant, elles cherchent les joies célestes. Mais la bonne nouvelle de l’Evangile n’est pas que pour les vieux. Les enfants aussi ont beaucoup de contrariétés, de déceptions, d’angoisses, de difficultés. Et les jeunes aussi peuvent avoir des moments de grande tristesse, des moments de doute, de crainte. Etre jeune, être adolescent n’est pas si facile que ça, certes il y a des joies, mais aussi souvent une expérience très cruelle du manque, de la solitude, de l’angoisse, d’une certaine souffrance, et les jeunes aussi expérimentent la tromperie, la mesquinerie, la déception de la part de ceux qu’ils croyaient aimer, où de la part de ce en quoi ils avaient pu mettre leur confiance en pensant que cela leur apporterait du bonheur et de la paix. L’Evangile est donc loin d’être seulement pour les plus vieux, et 20 ans, c’est l’âge de la vocation bien souvent, l’âge où précisément on découvre qu’il y a quelque chose d’essentiel ailleurs que dans le matériel.
Mais ce qui est vrai donc c’est que la bonne nouvelle ne peut être que pour ceux qui la désirent, on ne peut forcer à boire un âne qui n’a pas soif, et la perspective du meilleur repas de fête n’est une bonne nouvelle que pour celui qui a un peu faim.
La vie spirituelle, la foi, ce n’est pas une chose qu’on ajoute à une vie pleine, mais c’est une réponse à un vide, un manque que l’on peut expérimenter. Le Christ peut donner satisfaction et combler celui qui éprouve le doute, le manque, l’insatifaction ou la crainte dans sa vie.
La question, c’est : comment et de quelle manière le Christ peut-il offrir cela ? Comment peut-il changer un manque en abondance, une eau plate en un vin de fête ?
Pour cela, on peut d’abord croire au miracle, et penser que le sens du texte, c’est que Jésus peut tout faire. Certes, il ne s’agit pas de transformer vraiment des molécules d’eau en autre chose, mais de changer une vie. Et donc, on peut croire que c’est Jésus qui agit, il suffit de le lui demander et de le laisser faire. C’est la foi dans la prière : il faut juste avoir confiance et le laisser faire, lui confier la chose. L’idée a quelque chose de juste, il est bon parfois de cesser de vouloir tout faire soi-même et tout réussir notre vie seulement par nous-mêmes. Le meilleur, il se reçoit, et la foi, c’est s’en remettre à Dieu pour ce qui est de son propre bonheur, et Dieu pourvoit.
Ensuite, on peut entrer un peu plus dans les détails, et voir quelle est la procédure que l’on nous montre dans le récit. En particulier, Jésus, demande de passer par les six jarres qui se trouvaient là. Pour savoir ce qu’elles représentent, on peut d’abord s’interroger sur leur nombre, pourquoi six ? La meilleure explication est que cela renvoie aux six premiers jours de la création. Dieu en effet crée le monde en six jours, et le septième, il sanctifie sa création, c’est-à-dire qu’il ne fait rien matériellement, mais il ajoute la dimension spirituelle.
On peut penser ainsi que ce que propose Jésus, ce n’est pas d’ajouter encore quelque chose de plus dans la vie existante, mais de sanctifier ce qui s’y trouve. Ce qui manque, ce n’est pas de la quantité, mais de la qualité. Peut-être est-il bon, pour une fois de se préoccuper de la qualité des moments que l’on vit, sans chercher à accumuler, à faire, à ajouter, peut-être précisément se reposer, ne rien faire, et chercher cette dimension de la spiritualité qui manquait. Les jarres sont là, donc, il suffit de les remplir d’eau, de l’eau de la grâce de Dieu, et d’y puiser. En fait, les convives avaient à disposition tout ce qu’il leur fallait pour être heureux, ils avaient les jarres, ils avaient l’eau, et même le Christ pas loin. Le tout, c’est de mettre les choses dans le bon sens, et de savoir puiser au bon endroit, savoir puiser dans les lieux de sa vie où il y a des ressources spirituelles vivifiantes.
Et ces jarres, nous dit-on, étaient destinées aux rites de purification des juifs. Une piste peut être, justement, d’aller rechercher dans les anciennes pratiques que l’on avait peut être un peu laissé de côté, de les réactiver et de les revisiter en présence du Christ. Certes, notre pratique, peut sembler fade, le culte, on s’y ennuie, la Bible, c’est souvent compliqué et hermétique, fastidieux même, et la prière peut sembler stérile. Tout cela, comme de l’eau sans goût, sans joie, mais avec le Christ, cela peut devenir une source nouvelle de vie extraordinaire. Il faut juste attendre d’en avoir vraiment besoin, et de se rendre compte qu’il y a une quête à faire dans sa vie.
On pourrait aussi voir dans l’eau de ces jarres non pas seulement quelque chose d’insipide, mais l’eau du baptême. En effet, juste avant les Noces de Cana, l’Evangile nous montre Jean-Baptiste baptisant les fidèles dans l’eau du Jourdain pour annoncer le pardon des péchés, pour dire la grâce. Or, l’annonce de la grâce, en soi n’est pas forcément suffisante pour donner du sens. Le pardon libère, mais ne donne pas de direction. Il faut que Jésus transforme cette bonne nouvelle en joie réelle qui donne du sens à notre vie, et qui permette de partager cette joie avec d’autres, d’aller vers les autres et de vivre en communauté avec ceux qui partagent la même bonne nouvelle.
La grâce en elle même ne suffit pas, elle lave, certes, je suis propre, mais pour aller où ? Elle peut même être angoissance, parce qu’elle donne la liberté et ouvre sans orienter. Ainsi le prisonner qui sort de sa prison alors qu’il attendait tant ce jour, se trouve à ce moment totalement désemparé devant le vide qui s’ouvre devant lui. Et la grâce signifiée au petit enfant lors de son baptême ne pourra être vraiment pour lui une source de joie que si il parvient à transformer l’eau de son baptême dans le vin messianique de la Cène. Pour cela, il faudra, comme les protagonistes de la Noce de Cana, entrer en interaction avec le Christ, lui parler, lui signifier son manque, lui demander et puiser comme il l’indique.
En attendant, la base de tout, c’est que Jésus a été invité au départ, même s’il ne faisait rien. Au départ, rien n’était demandé à Jésus, mais il était là. Comme un familier. C’est une situation fréquente chez chrétiens de tradition familiale: Jésus est un familier, un ami de la famille, même si il n’est pas très actif. Nous avons vu que Jésus ne culpabilise pas ceux qui sont dans cette situation, il attend le moment opportun pour s’activer, et au moment où il pourra faire quelque chose, il sera là, pas loin, prêt à agir. Cette situation ressemble à celle de bien des jeunes qui ayant confirmé ne pratiquent pas beaucoup pendant un temps. Cela n’est pas grave, chaque chose en son temps, il faut être patient, si le Christ est là, il pourra se révéler au moment voulu. C’est comme le blé d’hiver, celui qui est planté en automne, il lève puis reste dans un état de latence pendant les quelques mois d’hiver, sans qu’il grandisse ni ne produise quoi que ce soit, mais tout est là, prêt à sortir, et dès que vient le printemps, il peut pousser et donner du grain très rapidement.
Donc, sachez le, vous avez en vous, un ami. C’est Jésus. Qu’il soit actif ou non, gardez le précieusement, il est peut être celui qui vous sauvera la vie un jour... Ou tout au moins qui pourra remplir votre vie de la joie qui vous manque.
Moi je l’ai trouvé, et Jésus est ma joie, mon amour et ma fête.
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Jean 2
Il y eut des noces à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus fut aussi invité aux noces, ainsi que ses disciples.
Comme le vin venait à manquer, la mère de Jésus lui dit : Ils n'ont pas de vin. Jésus lui dit : Femme, qu'y-a-t-il entre toi et moi ? Mon heure n'est pas encore venue.
Sa mère dit aux serviteurs : Faites tout ce qu'il vous dira.
Il y avait là six jarres de pierre, destinées aux purifications des Juifs et contenant chacune deux ou trois mesures. Jésus leur dit : Remplissez d'eau ces jarres. Et ils les remplirent jusqu'en haut. Puisez maintenant, leur dit-il, et portez-en à l'organisateur du repas. Et ils lui en portèrent.
L'organisateur du repas goûta l'eau changée en vin ; il ne savait pas d'où venait ce vin, tandis que les serviteurs qui avaient puisé l'eau le savaient ; il appela l'époux et lui dit: Tout homme sert d'abord le bon vin, puis le moins bon après qu'on s'est enivré ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent.
Tel fut à Cana en Galilée, le commencement des miracles que fit Jésus. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.