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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

 

Le Messie est un enfant!

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Prédication prononcée le 25 décembre  2015, au temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

 

Au moment de Noël, il est d’usage de relire les beaux textes de promesses messianiques se trouvant dans l’Ancien Testament, et en Esaïe en particulier, ainsi est-il dit que quand le Messie viendra, il accomplira toutes les promesses de Dieu, la paix sera donnée en plénitude, le loup ne mangera plus l’agneau, et l’enfant pourra se coucher sur le nid de l’aspic sans être mordu (Esaïe 11), ainsi que d’autres merveilles.

Cela est juste, puisque nous disons que Jésus est le « Christ », et que « christ » est un mot grec qui signifie « messie ». C’est d’ailleurs pour cela que les juifs ne reconnaissent pas Jésus comme Messie. Ils disent que sa venue n’a pas apporté la paix dans le monde puisqu’il y a encore des guerres, et que les loups mangent encore les agneaux, donc les promesses ne sont pas accomplies, et il ne peut avoir été le messie qu’il a prétendu être.

Comment font alors les chrétiens pour, à la fois dire que Jésus est le Christ, et bien admettre que ces promesses ne sont apparemment pas accomplies concrètement ?

Certains chrétiens pensent que les promesses ne seront accomplies en fait que lors du retour du Christ, mais ce serait nier que Jésus soit pleinement le Christ, et dévaloriser sa venue comme n’étant qu’une sorte d’échantillon publicitaire factice et sans effet. Cela revient à rester dans l’attente messianique juive et à nier le message fondamental de l’Evangile qui est célébré à Noël : le Messie est venu puisque Jésus est né et qu’il est le Christ, le Messie.

Si l’on est chrétien, il faut donc admettre que Jésus est bien le Christ, le Messie malgré les apparences. La question, ce ne sont pas les promesses, mais la manière avec laquelle on envisage qu’elles doivent se réaliser. Certes, certains juifs attendaient une réalisation simple, brutale et immédiate de toutes les promesses, lues matériellement, politiquement, et ceux qui ont reconnu en Jésus le Christ ont dû changer de modèle d’espérance. La question en fait est de savoir ce que l’on attend de Dieu et comment on pense qu’il va pouvoir le réaliser pour nous. On voit ainsi s’opérer chez les berger de l’Evangile de Luc une sorte de révolution. Loin d’une scène un peu niaise et pastorale, ce passage nous montre une véritable leçon de théologie qui leur est donnée pour leur faire comprendre la manière nouvelle avec laquelle il faut attendre que Dieu accomplisse ses promesses en ce Messie Jésus.

Les juifs, avons-nous dit attendaient un messie glorieux, venant avec une action spectaculaire mener une sorte de révolution politique pour rétablir la paix politique et redonner la suprématie à Israël en tant que royaume. Et même Hérode ainsi tremble à l’annonce de cette naissance, pensant qu’il pouvait y avoir une menace pour son règne politique, et à la fin de sa vie, Jésus sera condamné à mort pour la même raison : se prétendre « roi des juifs » et ainsi être une menace à l’encontre du pouvoir de l’Empereur romain.

Aux bergers, un ange apparaît pour annoncer la venue du Messie, cela ne les étonne pas. Par contre il leur donne un signe curieux : « un bébé dans une étable » (Luc 2 :12) et c’est cela qui comporte une leçon de théologie essentielle. En effet, c’est un signe pour le moins inhabituel pour représenter la puissance de Dieu à l’œuvre. Normalement pour accompagner la venue de Dieu, il y a des signes dits théophaniques grandioses : des éclairs, du tonnerre, des tremblements de terre, de la fumée... Ici, juste un bébé dans une étable. Les bergers on du mérite à accepter cela comme signe théophanique, c’est une révolution pour eux, et ils vont ainsi devoir changer toute leur théologie.

Le premier point en effet, c’est qu’un bébé, c’est très peu de chose, et en tout cas un être tout à fait impuissant matériellement. Un bébé pour changer le monde ? Voilà une curieuse idée, ils auraient sans doute préféré un général d’armée, un héro puissant, mais non, là c’est le comble de la faiblesse. Il leur faut donc changer de théologie : abandonner leur idée d’un Dieu fort, tout-puissant pour accueillir un Dieu qui vient, non pas en force, mais en douceur, en tendresse, un Dieu dont la principale arme est l’amour, le don et la promesse d’avenir. C’est une révolution. Et ce peut l’être aussi pour nous aujourd’hui : nous devons renoncer au Dieu infantile ou idolâtre de notre enfance que nous pensions naturellement tout-puissant et omniscient, capable de faire en sorte que n’importe quoi s’accomplisse selon sa volonté. Le Dieu de l’Evangile n’est pas ainsi, c’est un Dieu de tendresse, un Dieu faible qui ne gagne pas de batailles politiques, qui n’impose pas sa force, mais un Dieu identifié à celui qui meurt sur une croix abandonné de tous. La bonne nouvelle n’est pas dans l’idée que Dieu pourrait faire tout ce qu’il veut sur terre, mais qu’il apporte ce qui lui manque tant, c’est-à-dire l’amour et la grâce.

Mais cette douceur peut aussi être une force : un bébé, ça désarme la violence, c’est ainsi ce que dit le Psaume 8 : « Jusqu'aux cieux ta splendeur est chantée par la bouche des enfants, des tout-petits rempart que tu opposes à l'adversaire où l'ennemi se brise en sa révolte ». Il démontre que la force n’est pas forcément dans la puissance réelle, il y a une vraie force dans la non violence qui peut transformer le monde.

La plus value d’un enfant n’est pas dans le domaine matériel, avoir un enfant n’est pas un avantage matériel, c’est au contraire aujourd’hui une charge importante, un enfant, ça coûte cher, ça prend du temps, il faut s’en occuper, lui consacrer beaucoup de soi-même, matériellement, c’est une mauvaise affaire, mais quelle merveille ! Ca change une vie, quand on fait l’expérience de la parentalité on apprend à donner, à pardonner, à vivre pour un autre, à se tourner vers la vie, vers l’avenir et à s’oublier soi-même.

Et de toute façon, choisir la fécondité, choisir de donner, de faire confiance, c’est aussi renoncer à la toute puissance. Le Dieu idolâtre et magique qui est tout, est infécond. Etre parent, c’est accepter de se départir d’une partie de sa puissance, accepter de ne pas tout maîtriser et de faire confiance. C’est dans ce sens qu’est le Dieu qui est présenté aux bergers et auquel nous sommes appelés à nous rallier pour que notre foi puisse se tourner vers la vie et non vers une impasse le jour où elle sera confrontée au mal et à la mort.

Certes, tout le monde n’a pas la chance de faire l’expérience d’être parent, mais il n’est pas nécessaire de la faire concrètement avec ses propres enfants dans la chair, il y a beaucoup de prochains à aimer et à qui on peut donner ou transmettre, il suffit de vouloir s’occuper d’un autre et d’aimer. Ca tout le monde peut le faire. Et de plus, l’enfant Jésus est un bébé donné à tout le monde, ce peut être l’enfant de chacun qui est offert à Noël, et chacun doit faire de sa foi le lieu de l’accueil non pas d’un sauveur tout-puissant, mais de celui qui nous sauve, précisément parce qu’il ne donne rien de matériel, mais qu’il nous apprend à nous tourner d’une autre manière.

C’est de toute façon là la fonds de la conviction chrétienne, c’est que les promesses messianiques ne sont pas à comprendre d’un point de vue matériel, mais spirituel : elles ne sont pas à attendre politiquement, mais personnellement et intérieurement, certes nous attendons que Dieu nous donne la paix, et le Christ nous donne la paix... mais intérieure, quelle que soit la situation politique dans laquelle on se trouve, et en soi même il peut nous aider à trouver l’harmonie, si nous intégrons son pardon et sa grâce, harmonie faisant que ce qui est loup en nous puisse cohabiter pacifiquement avec ce qui est agneau, faisant l’union du serpent et de la colombe comme nous y invite Jésus en Matt. 10 :16:  « soyez prévoyants comme des serpents, et parfaits comme des colombes ».


L’autre leçon que donne le bébé aux bergers concernant la manière avec laquelle on doit accueillir les temps messianiques, c’est qu’un bébé n’est pas condamné à rester toujours semblable, il est appelé à grandir. Ainsi il faut comprendre que le Royaume de Dieu ne doit pas être attendu comme devant venir brutalement, d’un coup, à un moment donné de l’histoire, mais progressivement, petit-à-petit. Cela, Jésus le redira bien des fois avec toutes ses paraboles agricoles, ainsi : « le royaume de Dieu est semblable à un grain de moutarde » dit-il (Matt. 13:31), au départ il est comme une graine minuscule, mais elle doit grandir jusqu’à devenir comme un arbre où les oiseaux du ciel peuvent trouver refuge. Cet enfant Jésus, ainsi, il est peu de choses, mais il est appelé à grandir, il n’est, en quelque sorte, que le germe. C’est le début d’un processus qui s’enclenche avec lui et qui prendra du temps à se réaliser totalement. Il est comme la graine de la réalité à venir. Mais la graine n’est pas rien, la biologie nous apprend même qu’elle contient, dans un volume minime, toute l’information de l’ADN nécessaire à la définition de la plante et de ce qu’elle devra être à l’état accompli. Ainsi, Jésus est bien le Christ en tant qu’il inaugure l’arrivée des temps messianiques, et a en lui toute l’information qui en se développant pourra donner ce que doit être la nouvelle terre.

Cette théologie permet de comprendre le problème du mal : il n’y a pas à juger Dieu à partir d’un monde imparfait comme s’il était son chef-d’œuvre, le monde est actuellement en genèse, en construction, et le stade ultime attendu, c’est un monde informé par le message du Christ dans l’Evangile. Et nous, nous sommes invités à être des ouvriers du Royaume de Dieu, travailler à un monde meilleur où il y ait plus de paix et de fraternité. Pour cela, il faut que nous soyons nous-mêmes fécondés par cette parole de l’Evangile pour devenir à notre tour les ferments de ce monde nouveau.

On peut néanmoins avoir des doutes sur le fait que le monde soit en progrès, et encore plus sur le fait qu’il puisse un jour parvenir à la perfection du Royaume de Dieu. Mais ce n’est pas grave parce qu’en fait, chacun est comme un monde en lui-même. Ce progrès, il peut être intérieur et personnel. Quand au Royaume de Dieu, Jésus lui-même invite à ne pas le chercher ici ou là, mais dit-il : « le Royaume de Dieu, il est au dedans de vous» (Luc 17:21). Il n’y a donc pas à attendre que le monde progresse, c’est à nous de progresser, et pour cela, il faut que nous intégrions le message qui est le germe de ce Royaume. Il faut faire de l’Evangile le message informateur de notre vie. Comme on met un nouveau logiciel système dans un ordinateur, l’Evangile est un nouveau logiciel qui nous est proposé et qui peut changer nos vies si nous le prenons comme base de toute notre vie, de notre système de pensée et de notre manière de vivre.

Pour reprendre l’image du bébé, on pourrait dire que cet enfant de Noël, il faut que nous l’adoptions, que nous en faisions un membre de notre famille, que nous le mettions dans notre intimité pour qu’il fasse partie de notre quotidien. Sinon, pour nous en tout cas, il mourra. Ce petit Jésus que nous accueillons, c’est cette faible présence de Dieu, ou du message de l’Evangile sur lesquels il veiller avec attention, qu’il faut nourrir, soigner, préserver pour qu’il puisse grandir et accomplir son œuvre.


Ainsi voyons nous un autre point essentiel sur la conception chrétienne de la venue des temps messianiques, ce Royaume ne sera pas imposé aux hommes mais ne pourra, pour chacun, être que s’il le veut bien, il demande l’adhésion personnelle. Le Messie ne peut donc pas venir et tout faire à notre place malgré nous, il n’est même pas un Messie cosmique, collectif, mais un Messie proposé pour qu’il devienne le Messie personnel de qui l’acceptera dans son cœur. Ce n’est que dans une synergie que peut s’accomplir la volonté de Dieu en nous.


Et puis enfin, ce bébé de Noël, c’est bien le plus grand, le plus merveilleux des cadeaux, mais il n’est pas facile à trouver. Il peut passer tellement inaperçu que même le recensement l’oublie, tout le monde sera compté... mais pas lui, et quand Hérode va essayer de le trouver, il va tuer tous les bébés de la région, mais Jésus passera encore à travers la rafle. Notre Messie, il n’est pas éclatant, tapageur, il ne naît pas dans un immense palais doré, pas d’orchestres de trompettes autour de son berceau pour annoncer sa naissance, mais cette annonce se fait très sobrement, de nuit, aux plus humbles de la société. Lui-même, ne naît même pas dans l’hôtellerie où il y avait du bruit, de l’agitation, du monde et de l’activité, il naît dans une étable, dans la tranquillité, le silence et l’humilité. C’est ce qu’il faut pour trouver Jésus : non pas de l’agitation ou de l’activisme, mais du silence, du calme, de la méditation, de l’humilité, et peut-être aussi une certaine vérité dans le rapport avec la nature que représentent les animaux de l’étable.Voici tout ce qu’ont dû intégrer les bergers quand il leur a été annoncé que le Messie était venu, mais qu’il était comme un enfant venant de naître. Véritable leçon de théologie qui explique une grande partie de ce que sera le Christ, le sens de son enseignement, et la nature de sa bonne nouvelle. Et peut être l’essentiel, que ce Royaume, c’est un amour donné, une grâce offerte pour que nous devenions nous-mêmes des êtres d’amour, de tendresse, de paix et de grâce.

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Luc 2:1-12

En ces jours-là parut un décret de César Auguste, en vue du recensement de toute la terre. Ce premier recensement eut lieu pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville.

Joseph aussi monta de la Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée dans la ville de David appelée Bethléhem, parce qu’il était de la maison et de la famille de David, afin de se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte.

Pendant qu’ils étaient là, le temps où Marie devait accoucher arriva, et elle enfanta son fils premier-né. Elle l’emmaillota et le coucha dans une crèche, parce que ce n'était pas une place pour eux dans l’hôtellerie.

Il y avait, dans cette même contrée des bergers qui passaient dans les champs les veilles de la nuit pour garder leurs troupeaux. Un ange du Seigneur leur apparut, et la gloire du Seigneur resplendit autour d’eux. Ils furent saisis d’une grande crainte. Mais l’ange leur dit : Soyez sans crainte, car je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie qui sera pour tout le peuple : aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Et ceci sera pour vous un signe : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche.

Esaïe 11:

Puis un rameau sortira du tronc d’Isaï,  Et le rejeton de ses racines fructifiera.
 L’Esprit de l’Éternel reposera sur lui :
  Esprit de sagesse et d’intelligence
  Esprit de conseil et de vaillance,
  Esprit de connaissance et de crainte de l’Éternel.
  Il respirera dans la crainte de l’Éternel ;
  Il ne jugera pas sur l’apparence,
  Il n’arbitrera pas sur un ouï-dire.
  Mais il jugera les pauvres avec justice,
  Avec droiture il sera l’arbitre des malheureux de la terre ;
  Il frappera la terre du sceptre de sa parole,
  Et du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant.
  La justice sera la ceinture de ses reins,
  Et la fidélité la ceinture de ses hanches.
  Le loup séjournera avec l’agneau,
  Et la panthère se couchera avec le chevreau ;
  Le veau, le lionceau et le bétail qu’on engraisse seront ensemble,
  Et un petit garçon les conduira.
  La vache et l’ourse auront un même pâturage, leurs petits une même couche ;
  Et le lion, comme le bœuf, mangera de la paille.
  Le nourrisson s’ébattra sur l’antre de la vipère,
  Et l’enfant sevré mettra sa main dans le trou de l’aspic.
  Il ne se fera ni tort, ni dommage sSur toute ma montagne sainte ;
  Car la connaissance de l’Éternel remplira la terre

Psaume 8

Au chef des chantres. Sur la guitthith. Psaume de David

O Eternel notre Dieu Qu'il est grand ton Nom
par toute la terre !
Jusqu'aux cieux Ta splendeur est chantée par la bouche des enfants, des tout-petits,
rempart que tu opposes à l'adversaire,où l'ennemi se brise en sa révolte
A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas
Qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui,le fils d'un homme, que tu en prennes souci ?
Tu l'as voulu un peu moindre qu'un dieu, le couronnant de gloire et d'honneur
Tu l'établis sur les oeuvres de tes mains
Tu mets toute chose à ses pieds :
les troupeaux de bœufs et de brebis, et même les bêtes sauvages, les oiseaux du ciel, les poissons de la mer, tout ce qui va son chemin dans les eaux
O Eternel notre Dieu, qu'il est grand ton Nom par toute la terre !.

Ps. 85:1-14, Luc 2:1-12, Esa. 11