Lève-toi, prends ton lit et marche !
Prédication prononcée le 19 janvier 2020, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot
Jésus guérit un paralytique, c’est une excellente nouvelle pour lui. Mais comment voir dans ce texte une bonne nouvelle pour nous, pour chacun aujourd’hui ? Devrions-nous conclure que Jésus pourrait nous dispenser de toute médecine ? Non certainement pas, et le grand nombre de personnes handicapées que l’on peut côtoyer ne sont heureusement pas des témoignages de l’inaction de Dieu, mais il y a dans notre texte une bonne nouvelle aussi pour eux !
Ainsi ai-je été confronté à cette question dans les débuts de mon ministère lorsqu’étant jeune pasteur je suis allé voir une vieille paroissienne, demoiselle de 85 ans, paralysée depuis qu’elle avait l’âge de 5 ans, et vivant en fauteuil roulant. Je fais ma visite tout comme il faut, je parle avec elle, lui lit la Bible, prie avec elle... Avant de partir, elle me dit : « Monsieur le pasteur je voudrais vous poser une question : pourquoi est-il dit que Jésus guérit des paralytiques, et moi ça fait 80 ans que je lui demande tous les jours de me guérir et il ne m’a jamais guéri ? ». Il me fallait trouver une réponse rapidement, que pouvais-je dire ?
C’est alors que j’ai pensé à ce texte de la guérison du paralytique. Et j’ai été frappé par un détail curieux, Jésus le guérit en lui disant : « lève-toi, prends ton lit et marche », pourquoi lui dit-il de prendre son lit. Il s’agissait bien-sûr du brancard servant à le transporter. S’il était guéri, il n’en avait plus besoin. Pourquoi lui demander de s’encombrer d’un tel fardeau devenu inutile ? Mon idée a été que ce brancard pouvait représenter son infirmité. J’ai donc dit à la demoiselle : « ce que Jésus vous dit, c’est : prenez votre chaise roulante et avancez, chargez-vous de vos infirmités et marchez... ». Avec l’aide de Jésus, on peut toujours être en route quelles que soient nos difficultés.
Je connais plein de gens en parfaite santé qui sont totalement immobiles et comme paralysés dans leur vie. Et certains en chaise roulante qui ont un dynamisme incroyable, une rage de vivre, d’apprendre, d’aller vers les autres, de progresser, d’agir. Jésus peut nous aider à avancer quels que soient les boulets que nous traînons !
Et là il y a un vrai miracle : avant c’est le lit qui porte le malade, après, c’est le malade qui porte le lit, il y a un renversement total de la situation. Jésus rend le paralytique sujet de sa propre vie. Avant, il est l’objet de sa maladie, après, il redevient sujet, et son infirmité juste un objet, qu’il porte certes, mais qui ne l’empêche pas d’avancer, ni de se prendre en main au lieu d’être porté par les autres sans choisir où il va. Il n’est plus identifié par sa maladie, il est lui-même. C’est ainsi que nous ne devrions jamais dire un « handicapé », et pas même « une personne handicapée », mais « une personne qui a un handicap ». Le handicap ne fait pas partie de la personne, il n’est qu’un caractère qui n’empêche la personne d’être sujet de sa vie.
Des handicaps, nous en avons tous, il y a les événements traumatisants de notre vie, dans le passé et les difficultés présentes... Que fait Jésus ? Le passé il ne peut l’effacer de toute manière. Même Dieu ne peut et ne pourra jamais faire en sorte que le passé ait eu lieu. Il ne peut pas l’effacer ni le transformer. Quant au présent, parfois oui, sans doute, il peut changer, mais pas toujours ! Il y a dans ce texte une bonne nouvelle pour tous. Quel que soit votre boulet, Jésus vous dit, « tu peux se remettre debout, tu peux redevenir sujet de ta vie, tu peux te redresser, marcher, avancer, et aller en paix chez toi ».
Cela est une bonne nouvelle, mais ne rend pas entièrement compte du texte : en particulier que signifie tout ce passage sur le pardon des péchés ? Quel rapport y a-t-il avec le reste ? Jésus se fiche-t-il du paralytique en lui donnant ce pardon pour lequel, apparemment, il n’était pas venu ? On ne peut le penser. Certainement cela est-il donc une incitation à lire le texte autrement, d’un point de vue plus moral que physique. Cela n’enlève rien à ce que nous avons dit, mais permet de trouver une autre lecture, et ainsi de dire de quelle infirmité il peut s’agir ici plus précisément.
En effet, moi-même, parfois je me suis paralysé, parce que je n’ose pas entreprendre, ou même vivre, aller vers les autres, me réaliser. Ce peut être de la peur, de l’auto-dévalorisation et du manque de confiance en soi, ou de la culpabilité...
Sans doute dans ce cas particulier, Jésus avait bien compris quel était le problème du paralytique, s’il ne lui dit pas hors de propos « tes péchés te sont pardonnés », c’est que ce qui le paralysait, c’était son sentiment de culpabilité.
Le sentiment de culpabilité est l’un des pires poisons de l’existence. Il empêche d’agir, dégrade l’image de soi et rend agressif. Il y a plusieurs problèmes très fondamentaux dans le sentiment de culpabilité. Le premier est que c’est un mouvement focalisant sur le passé. Il devient une obsession de ce qui a été fait au lieu de chercher à voir ce qui peut être fait. Or chaque fois que notre regard se tourne vers le passé, on risque de devenir comme la femme de Loth se retournant pour regarder Sodome et qui se trouve transformée en statue de sel. Ensuite, la culpabilité est une manière de se focaliser sur la faute, sur le mal, sur l’échec, l’erreur. Et il est toujours négatif de se tourner vers le négatif. Notre vie se nourrit de ce vers quoi l’on regarde, celui qui ne regarde que le mal et le négatif finit par suinter le mal et le négatif, tant pour lui que pour son entourage. Et enfin, toujours se préoccuper de la faute engage à chercher des responsabilités, et là il y a deux possibilités. Soit on accepte de dire que tout est de sa propre faute, c’est alors terrible ! Cela mène au découragement, à la dépression, et peut conduire au suicide même. Ou alors on veut en sortir, et alors naturellement on va chercher à faire reposer la faute sur les autres, et on culpabilise à son tour. Dans tous les cas, le sentiment de culpabilité ne génère que du mal et tourne la vie dans le mauvais sens, celui de la mort et non de la vie. Il paralyse et empêche d’aller de l’avant.
C’est pourquoi sans doute Jésus dit au paralytique : « tes péchés te sont pardonnés », ce n’est pas une parole en l’air et sans rapport avec son mal, au contraire, c’est cette parole qui va précisément lui permettre de se remettre en marche et le guérir, même physiquement.
D’ailleurs la réaction de l’entourage ne minimise pas ce que dit Jésus, au contraire, il dit que c’est une chose extrêmement sérieuse, et que Dieu seul peut le dire réellement. En effet, il est facile de dire à quelqu’un qui se sent coupable : « allons allons ce n’est pas grave ! ». Mais libérer vraiment et profondément quelqu’un est une autre affaire. Il ne s’agit pas d’une sorte de laxisme moral qui dirait que rien n’est grave et qu’il n’y a ni bien ni mal mais d’autre chose de plus profond. Le laxisme moral n’a jamais relevé personne, au contraire il ne fait qu’écraser celui qui s’égare sur lui-même sans le mettre en avant. Là il est question d’un véritable pardon divin que Christ nous donne. Quand accepte réellement le pardon de Dieu, celui du Christ, cela peut changer vraiment une vie : tout le monde vous culpabilise ; Dieu lui, vous accepte, il vous pardonne. Devant lui, vous pouvez comparaître, vous pouvez vous relever, oser être. Cela peut vraiment transformer une existence et relever une vie, la remettre en marche.
Alors donc, cela peut transformer une existence. Les interlocuteurs de Jésus ont raison de demander des preuves, ou de dire qu’une parole n’est vraiment profonde et vraie que si elle a un effet. Et Jésus a raison, et il donne la preuve que son pardon n’est pas rien : celui à qui il le dit a sa vie transformée positivement, cette parole guérit un paralytique. La parole de Jésus n’est pas une parole humaine qui n’ajoute rien, elle est une parole créatrice, elle peut refonder une existence, et en cela c’est une parole divine.
Certains veulent minimiser l’importance de la foi, de la foi en Dieu, de la confiance dans son amour ou son pardon... Mais moi, et des millions d’autres peuvent témoigner que ça change une vie. Cela peut avoir des effets extraordinaires. Et il n’y a pas d’effet sans cause ! Ill est vrai que depuis des millénaires, des vies sont transformées par cet amour de Dieu, ce pardon de Dieu, par la foi que la personne peut avoir. Et de véritables bouleversements s’opèrent quand on parvient à accepter vraiment le pardon de Dieu. Pardon qui justement doit être entendu non pas comme une petite parole rassurante, mais comme une parole divine, comme quelque chose de sacré, d’essentiel, une vérité sur laquelle il faut fonder sa vie. Alors on peut se relever, se remettre en marche, trouver le courage d’être sujet de sa vie, de l’assumer, de la prendre sous le bras comme elle est et de se mettre en marche.
Mais cela n’est pas facile et il y a beaucoup d’obstacles. Le texte lui-même nous les montre.
Le premier, c’est la foule qui gêne l’accès à Jésus. Cette foule d’admirateurs de Jésus représente sans doute l’Église : les croyants sont souvent de mauvais exemples et peuvent tout-à-fait faire obstacle au Christ.
Il y a tout d’abord, en effet, l’Église qui trop souvent en a ajouté à la culpabilité au lieu d’en libérer. Les liturgies, les sermons regorgent de confessions de péchés, de contritions répétées à l’infini, rappelant à l’homme qu’il est pécheur, misérable, bon à rien et que Dieu est tout. Le Christ dans notre texte ne commence pas par rappeler au paralytique qu’il est pécheur, il lui annonce le pardon. L’Église devrait annoncer le pardon et la grâce plus que le péché, et il serait bon que nos liturgies consacrent plus de temps aux paroles de pardon qu’aux confessions de péchés !
Et puis ceux qui sont les plus proches du Christ font trop souvent écran : les pasteurs ou les prêtres sont imparfaits, de mauvais exemples, et les « bons » chrétiens, les pratiquants ne donnent pas toujours, ni envie de se mêler à eux, ni une bonne image de ce que peut être une vie consacrée à l’Évangile ! Et même sans regarder les fidèles, la prédication de l’Église, les sermons des pasteurs ou les enseignements de ceux qui se disent chrétiens parfois nous rebutent, ou sont au service d’une théologie qui ne nous convient pas et que nous ne pouvons assimiler pour des raisons qui ne sont pas forcément mauvaises. C’est dommage, mais il ne faut pas s’arrêter à cela.
Si l’Église fait pour vous obstacle, si les paroles qu’enseigne votre Église vous rebutent, alors passez outre, passez par-dessus et allez directement au Christ, allez découvrir votre propre Jésus, c’est lui qui vous sauvera.
Et même parfois, plus grave encore, l’Église prétend déterminer qui est digne ou qui ne l’est pas d’en faire partie, d’accéder aux sacrements ou à nos célébrations. Certains chrétiens se permettent de juger et de dire que l’un ou l’autre n’est pas vraiment converti au Christ, ou qu’il n’est pas vraiment chrétien ou fidèle à l’Évangile. C’est incroyable ! Mais c’est comme dans notre texte avec ces fidèles qui barrent la porte du Christ et empêchent ceux qui sont les plus démunis d’accéder au Christ. Ne vous laissez pas intimider. Si l’Église vous ferme la porte, entrez par la fenêtre. Passez par-dessus toutes ces choses, et démontez même le toit s’il le faut, mais allez vers le Christ avec pugnacité et détermination. N’écoutez pas les fidèles, ni les spécialistes de l’Eglise, ne faites pas attention à eux, et allez à votre manière vers Jésus, même si ce n’est pas par les chemins bien balisés, autorisés, prévus par les manuels de catéchismes et officiels.
Mais Jésus n’est pas contre néanmoins toute communauté. Il ne faudrait pas conclure de tout ça que l’on pourrait se passer de toute Église et aller vivre sa foi tout seul dans son coin. Le paralytique ne s’en sort pas tout seul, mais grâce à ses quatre amis.
Les pères de l’Église qui aimaient tout interpréter disaient que ces quatre amis étaient les quatre évangiles. C’est évidemment faux, on ne pouvait savoir du temps de Jésus qu’il y en aurait quatre. Ce sont tout simplement des amis terrestres et puis voilà. Mais c’est très important. On ne peut pas vivre sa foi tout seul, il faut être accompagné, la partager avec d’autres, et donc se choisir sa communauté, comme on choisit ses amis, aller avec ceux pour qui on a de l’affinité. Il est bon donc qu’il y ait plusieurs Églises différentes et pas une seule imposée à tout le monde, trouvez celle qui vous convient et cheminez avec elle !
Ensuite ces amis montrent que quel que soit son problème, la solution est toujours avec les autres. Choisissez vos amis, ayez de vrais amis, eux peuvent beaucoup pour vous... Combien avez-vous d’amis ? Si vous en trouvez quatre, alors vous êtes sauvés, et laissez-vous porter par eux.
Si on reste dans le domaine de la foi, trouvez des amis croyants qui ont une foi, une conception de la vie, de la religion qui vous corresponde et laissez-vous porter par eux. Leur Jésus peut devenir le vôtre.
Et puis si l’on peut être parfois celui qui a besoin d’être aidé et porté, on peut aussi être celui qui donne de l’aide. Regardez, vous avez peut-être et même sûrement un ami à porter, à supporter, à aider. Et spirituellement, votre foi peut sauver un ami si, avec d’autres, vous l’amenez à Jésus. Pourquoi ne le feriez-vous pas ? Si vous croyez que Jésus est sauveur pourquoi n’offririez-vous pas à vos amis, à ceux que vous aimez de le découvrir ? Allez-y, vous avez un pouvoir extraordinaire, et votre foi peut ne pas vous sauvez vous mêmes seulement, mais aussi être un trésor pour les autres.
Il est étonnant en effet que d’habitude, Jésus, quand il guérit un malade dit : « ta foi t’a guéri ». Mais là, le paralytique, n’a aucune foi déclarée, Jésus va agir juste en regardant la foi des amis et non la sienne. Le paralytique d’ailleurs ne vient pas non plus par lui-même, il est apporté, et sauvé par la foi de ses amis.
Ayez foi en Jésus!
Tournez-vous vers Jésus, allez à lui à votre manière, même si ce n’est pas par les autoroutes de l’Église et du bon dogme, même si ce n’est pas comme tout le monde. Allez trouver votre Jésus à vous. Et il vous donnera d’être sujet de votre vie, libre et joyeux, de pouvoir revenir chez vous debout et en marche. Et il vous donnera même d’être pour ceux qui seront autour de vous une source de vie et de libération. Gloire à Dieu et merci Jésus !
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Marc 2:1-12
1Quelques jours après, Jésus revint à Capernaüm. On apprit qu’il était à la maison, 2et il s’assembla un si grand nombre de personnes qu’il n’y avait plus de place, même devant la porte. Il leur annonçait la parole. 3On vint lui amener un paralytique porté par quatre hommes. 4Comme ils ne pouvaient le lui présenter, à cause de la foule, ils découvrirent le toit au-dessus de l’endroit où se tenait Jésus, et ils descendirent par cette ouverture le lit sur lequel le paralytique était couché. 5Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : Mon enfant, tes péchés te sont pardonnés. 6Il y avait là quelques scribes qui étaient assis et qui raisonnaient en eux-mêmes : 7Comment celui-là parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés, si ce n’est Dieu seul ? 8Jésus connut aussitôt par son esprit leurs raisonnements intérieurs et leur dit : Pourquoi faites-vous de tels raisonnements dans vos cœurs ? 9Qu’est-ce qui est plus facile, de dire au paralytique : Tes péchés sont pardonnés, ou de dire : Lève-toi, prends ton lit et marche ? 10Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés : 11Je te l’ordonne, dit-il au paralytique, lève-toi, prends ton lit et va dans ta maison. 12Et à l’instant, il se leva, prit son lit et sortit en présence de tous, de sorte qu’ils étaient hors d’eux-mêmes et glorifiaient Dieu en disant : Nous n’avons jamais rien vu de pareil.
Psaume 41
Au chef de chœur. Psaume de David
Heureux qui pense au pauvre et au faible
l’Eternel le sauve au jour du malheur !
Il le protège et le garde en vie
heureux sur la terre
Eternel, ne le livre pas à la merci de l'ennemi !
L’Eternel le soutient sur son lit de souffrance
si malade qu'il soit, Tu le relèves
J'avais dit : « Pitié pour moi, Eternel
guéris-moi, car j'ai péché contre Toi ! »
mes ennemis me condamnent déjà
"Quand sera t-il mort ? son nom effacé ? ".
Si quelqu'un vient me voir, ses propos sont vides
il emplit son cœur de pensées méchantes
il sort et dans la rue il parle
Unis contre moi, mes ennemis murmurent
à mon sujet, ils présagent le pire
« C'est un mal pernicieux qui le ronge
le voilà couché, il ne pourra plus se lever »
Même l'ami qui avait ma confiance
et partageait mon pain, m'a frappé du talon
Mais toi, Eternel, prends pitié de moi
Relève-moi, je leur rendrai ce qu'ils méritent
Oui, je saurai que tu m'aimes
si mes ennemis ne chantent pas victoire
Dans mon innocence tu m'as soutenu
et rétabli pour toujours devant ta face !
Béni soit l’Eternel, Dieu d'Israël
depuis toujours et pour toujours !
Amen !