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Le ressuscité porte du Paradis

Prédication prononcée le 21 mai 2017, au Temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

A Pâques, nous fêtons la résurrection du Christ comme un événement extraordinaire, et souvent nous nous concentrons sur le fait qu’un mort ait pu revenir à la vie. Or il se pourrait que nous fassions là un contresens. Dans notre culture, l’idée qu’un mort ressuscite est de l’ordre du merveilleux, de l’incroyable même. Certains prédicateurs centrent d’ailleurs le message de Pâques là dessus : si Jésus ressuscite, c’est qu’il fait là quelque chose d’unique et de normalement impossible, il montre là sa divinité et la toute-puissance de Dieu.

Mais ce serait lire ces récits anciens d’une manière anachronique. L’idée qu’un mort puisse ressusciter si elle est pour nous normalement impossible, semble avoir été tout à fait admissible du temps des évangiles. On trouve même bien d’autres résurrections dans le Nouveau Testament. Lazare par exemple a ressuscité, bien avant Jésus, et nous ne faisons pas de grande fête pour saint Lazare qui évoque plutôt pour nos contemporains une gare de train parisienne. Quand Jésus meurt, les évangiles affirment que « les tombeaux s’ouvrirent, et les corps de plusieurs saints qui étaient décédés ressuscitèrent » (Matt. 27:52). Mais on ne fête pas ces gens là. Quand Jésus envoie en mission ses disciples il leur dit (Matt. 10:8) : « allez, guérissez les malades, ressuscitez les morts, pardonnez les péchés ». Et encore Paul dans les Actes qui ressuscite le jeune homme qui s’étant endormi lors d’un de ses discours interminable était tombé par la fenêtre. Cela n’étonne personne. Dans l’esprit des gens de l’Evangile, c’était donc une chose possible, et tous ces ressuscités là ne font pas des sauveurs.

Il faut donc admettre que le fait même de la résurrection d’un mort était, si ce n’est banal à l’époque, au moins de l’ordre du possible, et ce pour n’importe qui, pas seulement pour le fils de Dieu. Si donc l’on parle encore aujourd’hui de la résurrection du Christ, c’est que celle là avait quelque chose d’extraordinaire, un sens particulier, qu’elle supporte un message qu’il nous faut découvrir.

Pour cela, il faut lire attentivement les récits et essayer de trouver le sens, ce que les évangélistes ont essayé de nous faire comprendre par delà l’événement historique : il y a certainement un une lecture symbolique à faire. Et souvent, le sens d’un texte biblique se trouve dans les allusions qui y sont faites à d’autres textes de la Bible, en particulier de l’Ancien testament.

Dans le magnifique récit de Pâques donné par l’évangile de Jean, il y a un détail tout à fait intéressant qui peut être une piste : il est écrit explicitement que tout cela se passe dans un jardin : « Il y avait dans le jardin, la où Jésus avait été crucifié un tombeau où personne n'avait encore été mis » (Jean 19:41). Et un peu plus loin, Marie qui est au tombeau voit Jésus, elle ne le reconnaît pas et elle pensa : « que c’était le jardinier » (Jean 20:15). Or quand la Bible parle de « jardin », on ne peut que penser au jardin primordial : le jardin d’Eden, le Paradis terrestre d’Adam et Eve. Voici donc ce qui nous apparaît, c’est que le Christ nous fait revenir dans ce paradis perdu.

Le jardin d’Eden est, mot-à-mot, le « jardin des délices », il symbolise le bonheur, la paix que l’on peut avoir avec la plénitude d’une relation parfaite avec Dieu. Adam et Eve vont être chassés de ce paradis à cause du péché originel. Ce n’est pas que Dieu chasse qui que ce soit, mais c’est qu’Adam et Eve se sont exclus eux-mêmes de cette bonne situation par leur attitude. Le péché originel consiste, comme l’a suggéré le serpent, à se prendre soi-même pour Dieu, à se considérer comme le centre du monde ou la chose la plus importante, à tout voir par rapport à soi et à son propre plaisir. Le péché originel, c’est le péché fondamental à la base de tout péché, péché qui nous menace tous, c’est en fait celui de l’égocentrisme et de l’oubli de Dieu, l’oubli des autres, de l’universel. Or cet égocentrisme matérialiste condamne celui qui s’y adonne à être exclu du délice et de la vraie vie. Parce que vivre heureux, c’est vivre avec les autres et pour les autres, c’est s’oublier soi-même pour donner aux autres. Il n’y a de vraie et bonne vie que dans l’amour, et l’amour, c’est précisément ne pas se prendre soi-même pour préoccupation centrale, mais se décentrer vers les autres et vers le tout-autre.

Mais comment revenir dans le Paradis, retrouver la paix et le bonheur, même dans notre vie ici-bas ? Normalement le seul moyen serait d’être parfait, d’être totalement saint, plein de foi, de don de soi et de fidélité. Cela est impossible pour le commun des mortels, personne ne peut être suffisamment parfait pour mériter de vivre ainsi dans le paradis de Dieu. La bonne nouvelle que nous donne l’évangile de Jean, c’est que le Christ nous fait entrer dans ce Paradis que nous ne méritons pas. Il y a là une porte secrète, une entrée dérobée permettant d’accéder au Paradis sans le mériter en quelque sorte.

Cet accès au Paradis, il est précisé dans le texte de l’évangile de Jean. Dans la Genèse, il est dit que l’entrée du Paradis était gardée par des chérubins avec des épées flamboyantes. La tradition juive du Talmud dit que ces anges étaient deux. Or Marie, quand elle regarde au tombeau, précisément, elle voit deux anges (Jean 20:12). Et ces anges, il est dit qu’ils sont l’un aux pieds et l’autre à la tête de Jésus. C’est donc là l’entrée du Paradis, c’est Jésus au tombeau.

On peut le comprendre de deux manières différentes. Soit il s’agit du Jésus mort, au quel cas le message, c’est qu’il nous faut mourir comme lui pour accéder au Paradis. C’est-à-dire, nous aussi « prendre notre croix » (Matt. 10:38), aimer et offrir notre vie en sacrifice comme lui. Et si nous suivons l’exemple du Christ jusqu’à mourir comme lui, nous entrerons dans le Paradis. C’est sans doute vrai, mais là encore nous ne pouvons prétendre tous à vivre notre vie entièrement comme le Christ.

Ou alors, il faut comprendre qu’en fait, il s’agit du Christ ressuscité (puisqu’en vérité il n’est plus là corporellement). Le passage, ce n’est pas le Jésus historique, pas un exemple moral à suivre, mais la réalité éternelle du fils de Dieu. Or le Christ nous est présenté dans le prologue de l’évangile de Jean comme étant l’incarnation de la Parole de Dieu. La porte d’entrée, c’est la Parole que Jésus nous a transmise par l’Evangile. L’Evangile est la clé d’une vie heureuse. Or l’Evangile, ce n’est pas très compliqué, essentiellement, c’est d’aimer Dieu et d’aimer son prochain, c’est le pardon, le service, l’humilité et la grâce, c’est-à-dire la gratuité. Certainement que c’est là « le chemin, la vérité et la vie » (Jean 14:6). Que l’on connaisse le Christ ou non, qu’on soit chrétien, ou d’une religion improbable de quelque jungle éloignée, le chemin, la vérité et la vie, c’est de savoir aimer, pardonner, donner, recevoir et vivre de la grâce. Quand on reste dans l’égoïsme, dans la matérialisme, dans la seule préoccupation de soi, dans la lutte du pouvoir, dans la rétribution, les mérites et la loi du plus fort, on s’exclue soi-même des délices. L’amour, et tout ce qui est de l’ordre de la gratuité dans ce monde, comme de savoir donner et recevoir, comme l’amitié, c’est cela qui donne la vraie joie, et fait vivre dès ici-bas dans le Paradis.

Ou encore, on peut dire que cette Parole de l’Evangile qui nous fait entrer dans le Paradis, c’est ce n’est pas seulement ce qu’il nous exhorte à vivre, mais ce qu’il nous dit à nous. Et en particulier que nous sommes aimés, pardonnés et sous la grâce de Dieu. Là aussi il y a quelque chose d’essentiel. Cela semble simple, mais en fait, ce ne l’est pas tant que ça. Se savoir aimé, savoir que par Dieu nous avons le droit de vivre, que nous sommes libérés de tout sentiment de culpabilité stérile, libérés du poids de nos erreurs, de notre imperfection, de notre passé est une des plus belles choses qui soit. C’est la clé du Paradis.

C’est précisément aussi ce que dit Jésus ailleurs dans l’Evangile de Jean : « Je suis la porte » (Jean 10:9), oui, si nous passons par lui, par son message, si nous l’entendons, si nous le recevons, nous avons un passage secret et direct pour entrer dans le Paradis, et rendre notre vie sur Terre comme un jardin de délices.

Il semble d’ailleurs que cela ait-été un thème central dans la foi des premiers chrétiens. Nous en avons un témoignage par un texte d’Hégésippe datant du tout début du IIe siècle, soit quelques décennies seulement après l’Evangile de jean. Ce texte cité par Eusèbe de Césarée dans son Histoire ecclésiastique nous raconte l’histoire de Jacques, le frère du Seigneur, dit « le juste » qui était pris à partie par les juifs s’opposant aux chrétiens. Ils le mirent sur le sommet du Temple en lui demandant : « dis nous, qu’est-ce que la porte de Jésus ». Il dit alors sa foi en Christ, ils le jetèrent en bas et l’achevèrent à coup de pierres. Cette histoire est dramatique, mais elle dit bien que l’essentiel, c’est de savoir que Jésus est véritablement la porte d’accès à la plénitude de la présence de Dieu et cette porte elle mène au Paradis qui est dès sur cette terre délices paix et joie.Et c’est même plus que tout cela. En effet, Jésus ressuscite dans le jardin, mais d’après l’évangile de Jean, il y a aussi été crucifié : « Il y avait dans le jardin, la où Jésus avait été crucifié un tombeau où personne n'avait encore été mis » (Jean 19:41). Donc au centre de ce jardin, il y avait la croix. Or dans le grec du Nouveau Testament, plusieurs fois, au lieu du mot « croix », on trouve le mot « bois ». Ainsi en Actes  5:30 avons nous : « le Christ a été pendu sur le bois ». Et en d’autres endroits quand il y a ce mot « bois », les traducteurs mettent simplement « croix ». Or en hébreu, il y a un seul mot : « ets » pour dire le bois, l’arbre, ou le fruit. Ainsi quand nous disons que la croix est au milieu du jardin, le lecteur biblique entend que cette croix, c’est le bois, et est donc l’arbre au centre du jardin. Voici la grande nouvelle : la croix est symboliquement l’arbre de la vie, le Christ crucifié est la source de la vie. Cette idée, les pères de l’Eglise l’ont déjà eue, et en particulier saint Augustin l’a développée, mais elle est particulièrement essentielle. Et dans le christianisme primitif, le thème de l’arbre de vie avait aussi une grande importance et était représenté bien avant la croix comme symbole chrétien.

Ainsi Jésus est plus que la porte ou le chemin menant à la vie et à la félicité, il est l’enjeu fondamental de la vie elle-même. Il est celui qui nous donne la vie.

Cela peut s’entendre par rapport au Ciel : bien sûr nous mourrons sur cette terre, mais le Christ nous donne la vie éternelle. Il nous ouvre à une autre dimension que celle seule de l’animal, il permet à notre vie d’aller au delà du visible qui est pour un temps pour toucher à l’invisible qui est éternel. Il nous apprend l’amour qui est la seule chose qui demeure éternellement, et tout ce qui touche à l’Evangile, à l’amour, au don de soi dans notre vie donne à celle-ci une dimension transcendante qui est éternelle.

Mais même dans notre vie terrestre, le Christ est une source de vie, parce qu’il y a en lui une source inépuisable d’espérance, de réconfort, de paix, de consolation. Il nous relève, nous redonne la force de vivre, il nous donne l’enthousiasme, la vitalité. Il nous ressuscite même de tous ces moments où notre vie terrestre touche au deuil ou à la mort, de tous nos enfermements ou nos désespoirs. Et pour cela, il n’y a qu’à s’approcher du Christ, il n’y a qu’à se mettre sous sa croix et en recevoir les fruits. Comme Newton sous son pommier qui reçoit la pomme qui lui donnera l’idée de la théorie de la gravitation universelle, quand on est sous la croix, les fruits en tombent directement sur nous, dans notre bouche pour nous nourrir.

C’est aussi ce que dit l’apôtre Paul en Philippiens (1 :21) : « pour moi, vivre, c’est Christ », (ma devise quand j’étais jeune et que j’avais gravé en grec sur l’un de mes luths : « Ἐμοὶ τὸ ζῆν Χριστὸς »).

Et le Midrash dit à propos de l’arbre de vie, que s’il est au centre, c’est qu’on peut l’aborder de tous les côtés, il y a une multitude d’accès possibles. Il n’y a donc pas une seule manière de s’approcher du Christ, c’est à chacun de trouver la sienne, mais il faut tout faire pour aller se mettre sous la croix. Pour cela, il faut prier, lire l’Evangile encore et encore, puisque c’est le plus proche témoignage sur le Christ, il faut aller au temple, participer aux liturgies, rechercher avec d’autres, s’imprégner de la théologie, Il faut chercher le Christ et le mettre dans sa vie, et cela selon sa sensibilité, peu importe, que l’on croie qu’il est Dieu, ou qu’il est un homme ayant parfaitement compris qui est Dieu, peu importe, mais aller vers lui. Et il faut aller chercher la croix et la résurrection, là encore que l’on croie à la résurrection corporelle, ou que l’on pense qu’il s’agisse d’expressions imagées de l’expérience spirituelle des disciples, la croix et la résurrection sont la clé de tout. Approchez vous du Christ, allez sous la croix et vous mangerez des fruits merveilleux.

C’est aussi ce que dit Jésus dans ce beau chapitre sur le pain de vie en Jean 6 (54-57 : « je suis le pain vivant qui descend du Ciel... et mon corps est vraiment une nourriture ». C’est ce qu’il dira aussi lors de son dernier repas : « prenez et mangez, ceci est mon corps... et ceci est mon sang, buvez en tous ». Oui, la présence du Christ est vraiment le pain qui peut nous donner la force dont nous avons besoin, et sa vie le vin qui peut réjouir notre âme.

Et puis quand nous avons trouvé le Christ, il ne nous reste qu’à construire notre vie autour, comme un jardin centré sur l’arbre de vie. Notre vie sera un Paradis, si et seulement si le Christ en est le cœur et la source vitale.

Quant à nous, nous sommes invités au festin du Royaume, sans jugement, sans condition, tous sont invités. Il n’y a plus de sélection plus de places qui seraient réservées à seuls les parfaits qui les mériteraient. Christ nous ouvre une porte secrète, et il nous invite à le suivre, il a ouvert le chemin du Ciel, tous sont invités, il n’y a qu’à entrer, et à s’approcher de l’arbre de la vie, et en cueillir les fruits, gratuitement, sans argent sans rien payer, juste en acceptant cette grâce qui nous est faite.

Venez et entrez, alors vous vivrez et serez dans les délices éternelles.

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Jean 20:1-18

1Le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine se rendit au tombeau dès le matin, comme il faisait encore obscur ; et elle vit que la pierre était enlevée du tombeau. 2Elle courut trouver Simon Pierre et l’autre disciple que Jésus aimait, et leur dit : On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l’a mis.

3Pierre et l’autre disciple sortirent pour aller au tombeau. 4Ils couraient tous deux ensemble. Mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau ; 5il se baissa, vit les bandelettes qui étaient là, pourtant il n’entra pas. 6Simon Pierre qui le suivait, arriva. Il entra dans le tombeau, aperçut les bandelettes qui étaient là 7et le linge qu’on avait mis sur la tête de Jésus, non pas avec les bandelettes, mais roulé à une place à part. 8Alors l’autre disciple, qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi ; il vit et il crut. 9Car ils n’avaient pas encore compris l’Écriture, selon laquelle Jésus devait ressusciter d’entre les morts. 10Et les disciples s’en retournèrent chez eux.

11Cependant, Marie se tenait dehors, près du tombeau, et pleurait. Comme elle pleurait, elle se baissa pour regarder dans le tombeau 12et vit deux anges vêtus de blanc, assis à la place où avait été couché le corps de Jésus, l’un à la tête, l’autre aux pieds. 13Ils lui dirent : Femme, pourquoi pleures-tu ? Elle leur répondit : Parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis. 14En disant cela, elle se retourna et vit Jésus debout ; mais elle ne savait pas que c’était Jésus. 15Jésus lui dit : Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Pensant que c’était le jardinier, elle lui dit : Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je le prendrai. 16Jésus lui dit : Marie ! Elle se retourna et lui dit en hébreu : Rabbouni, c’est-à-dire : Maître ! 17Jésus lui dit : Ne me touche pas ; car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Mais va vers mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. 18Marie-Madeleine vint annoncer aux disciples qu’elle avait vu le Seigneur, et qu’il lui avait dit ces choses.

Jean 20:1-18