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Le jardin dans la Bible

Prédication prononcée le 27 janvier 2019, au temple de l'Étoile à Paris,

par la pasteure Florence Blondon

Cette prédication m’a été inspirée par une visite automnale au potager du Roi, le jardin potager du Château de Versailles, conçu et réalisé par Jean-Baptiste La Quintinie entre 1678 et 1683. J’ai toujours pensé que le travail du jardinier se rapprochait de celui de l’amoureux du texte biblique, il faut creuser, essayer, parfois rater, souvent recommencer… et soudain au détour d’un subtil croisement de labeur et de grâce (certains le nommeront le hasard) les fruits apparaissent. J’aime les jardins, et des jardins il y en a dans la Bible, j’imaginais faire une prédication légère, rafraichissante, tout comme un séjour dans un jardin, surtout lorsque l’on en est pas le jardinier. Comme une promenade dans un jardin après la pluie. Mais le texte biblique, encore une fois m’a bousculé, et j’ai découvert que ce qui se vivait dans certains jardins était loin de la légèreté que j’attendais et la prédication joyeuse que je prévoyais n’allait probablement pas être au rendez-vous.
 
On pourrait dire : « Au commencement était un jardin », mais déjà cela dans ce jardin-là, tout débute assez mal. L’on apprend que le couple va désobéir et se faire chasser du jardin. Pendant des siècles cela a été interprété comme une punition. Je n’en suis pas si sûre car les jardins ont ceci de particulier, c’est que ce sont des lieux clos. Et donc on ne peut rester enfermé à vie dans ces lieux, il faut en sortir, j’oserais dire que c’est une bonne chose que le couple soit expulsé du jardin, car c’est grâce à cela que l’humanité a pu advenir. Et puis les grands, les beaux, les somptueux jardins sont l’apanage des tyrans. Des jardins suspendus de Babylone, imaginés par des souverains sanguinaires à ceux du château de Versailles exigés par Louis XIV. Or, Dieu n’est pas un tyran et donc nous sommes toujours invités à sortir de ces lieux clos, qui risquent de devenir des lieux d’enfermement.

Finalement le jardin n’est pas toujours un lieu du bonheur imaginé par la citadine que je suis. Mais comme bien des endroits il a une dimension ambivalente. Bien entendu on la retrouve dans la Bible. Il y a en effet un livre qui dévoile le jardin comme le lieu de la rencontre et de l’amour c’est le Cantique des cantiques. À la lecture de ces nombreux autres textes, on découvre que le jardin est le lieu d’une épreuve, pour Adam et Ève et c’est aussi vrai pour Jésus dans ce jardin qui a pour nom Gethsémané c’est dire pressoir à huile. Jardin qui se situe sur le mont des Oliviers. Son emplacement n’est pas vraiment connu, et si la tradition en a fait un jardin, c’est grâce à l’Évangile de Jean, qui sans donner son nom nous indique que Jésus se rend dans un jardin avec ses disciples lors de son arrestation.

Dans ce récit, on peut mettre le focus sur l’obéissance de Jésus, je préfère d’ailleurs le terme d’écoute, car il s’agit ici d’un dialogue, dans la prière entre le fils et son père. Pourquoi ne pas déchiffrer dans cette écoute, une sorte de contre-jardin d’Eden. Où cette fois, le jardin est témoin d'une scène insolite : ce n'est plus le premier homme qui désobéit à Dieu, mais c'est Fils de Dieu, et Fils de l’homme qui se soumet à la volonté de son Père. Cette interprétation est certainement juste. C’est le sens de cette mise en scène de Jésus dans un jardin, en le plaçant face à l’épreuve ultime qu’est l’approche de la mort, qui plus est une mort violente, infamante. Quel homme ne serait pas tenter de refuser ! Alors oui Jésus se révèle ici comme Fils, et dans son acte d’écoute comme Christ.

Mais on peut mettre aussi le focus sur la souffrance de Jésus. Il révèle avant tout son humanité et nous dit que là dans ce jardin se déroule un retournement, une réorientation de l’histoire entre Dieu et l’humanité. Parce ce que ce n’est pas que la divinité du Christ qui est offerte, mais bien son humanité. Il est « triste à mourir », il se confie à ses disciples, il implore son père. Il n’est pas prêt immédiatement. Il sait, il sent, il pressent. Et il prie, comme les psalmistes ; il dit toute sa douleur, son angoisse. Mais quel combat dans ce jardin, quelle lutte ultime dans cette supplique, quel cris, quelle sueur (Luc nous dit qu’il transpire des gouttes de sang)  chez cet homme qui se jette à terre ! Nous pénétrons dans l’intimité de la prière de Jésus, dans son cheminement. Par trois fois il s’adresse à son père, ce temps nécessaire pour affronter ce qui va advenir. Rien n’était écrit, tout aurait pu se dérouler autrement, mais lorsque l’heure arrive, l’ultime combat, non pas contre les autres, mais une lutte contre soi, contre ce qu’il souhaite est à mener. C’est le combat indispensable afin de pouvoir ensuite affronter l’hostilité du monde. La lutte se mène dans la prière. Jésus a enseigné le Notre Père et voilà qu’il vit ce Notre Père. Il s’adresse à son Père et va être amené à dire « que ta volonté soit faite ». Pour cela il va faire le deuil de sa propre volonté. La volonté du Père ne correspond pas toujours à nos attentes. Jésus avait déjà mené un combat similaire, au début de son ministère, juste après soin baptême, lorsque l’Esprit l’amène au désert. Jésus aurait pu échapper, mais il est déjà allé jusqu’au bout. Ici il n’est pas seul dans le désert, mais dans un jardin accompagné de ses proches qu’il a souhaité amené avec lui. Mais pourtant c’est bien seul, comme au désert qu’il va affronter l’épreuve.

Si je mets le focus sur son combat c’est aussi pour éviter une lecture sacrificielle, qui pose une question essentielle : comment comprendre qu’un père offre son fils en sacrifice ? Jésus n’est pas un pantin entre les mains de son père, et s’il accepte de se lever pour être livré, c’est avant tout pour les siens qui pour l’heure ne sont même pas capables de veiller une heure.

Mais avant de me tourner vers les disciples j’aimerai partager avec vous ce qui me semble être plus qu’une intuition : Non  ce n’est pas Dieu qui a envoyé son fils à l’abattoir. Et la souffrance du fils fait écho à celle du père car ce sont bien les hommes qui vont clouer Jésus sur la croix. Les hommes qui justement contrairement au fils ne savent pas discerner la volonté de Dieu, les humains qui voudraient soumettre la volonté de Dieu à la leur.  Et bien j’ai trouvé une explication, tout du moins une piste de réflexion, en me penchant sur cette histoire de coupe. La volonté de Dieu n’est certainement pas de l’offrir en sacrifice comme cela a longtemps été prêché.

Car tous les commentateurs sont d’accord, personne ne remet en cause ceci : la coupe serait le symbole de la mort. Mais est-ce que ce consensus nous dit une vérité ? Il y a certainement du juste, d’autant que cela renforcé par le motif de « l’heure », si présent chez Jean, et que l’on trouve ici à la fin du récit. L’heure qui signifie l’approche de la mort, mais également la révélation. Cela interroge tout de même, je me méfie des évidences, et je me dis qu’il est possible qu’un simple mot s’invite dans l’épaisseur d’une histoire, particulièrement celle des prophètes. Car, la coupe dans tout l’Ancien Testament, en elle-même n’a rien de négatif, c’est ce que contient la coupe qui va la définir, ainsi elle est tout à fait négative lorsque qu’elle dévers la colère de Dieu chez Esaïe, mais elle devient la coupe de la consolation du réconfort chez Jérémie. Et lorsque David chante « ma coupe déborde » dans le Psaume 23, il s’agit bien de bonheur, de grâce. Cette coupe vient d’être offerte aux disciples marquant ainsi l’alliance de Jésus avec les siens. Cette coupe-là n’est pas la mort qui nous serait offerte, mais au contraire un symbole de vie.  J’aimerais approfondir en convoquant une petite parabole où il est question d’une coupe, qui m’a un peu éclairée, la voici :

« 1L'Éternel envoya Nathan vers David. Nathan vint à lui et lui dit : Il y avait dans une même ville deux hommes, l'un riche et l'autre pauvre. 2Le riche avait du petit et du gros bétail en très grande quantité. 3Le pauvre n'avait rien du tout sinon une petite brebis, qu'il avait achetée ; il la nourrissait, et elle grandissait chez lui avec ses fils ; elle mangeait de son pain, buvait dans sa coupe, dormait sur son sein. Elle était pour lui comme une fille. 4Un voyageur arriva chez l'homme riche ; et le riche ménagea son petit ou son gros bétail, pour préparer un repas au voyageur arrivé chez lui : il prit la brebis du pauvre et l'apprêta pour l'homme arrivé chez lui. » (2 Samuel 12)

Ce que j’apprécie particulièrement dans les paraboles c’est que l’on peut  les interpréter à l’infini. Et si celle si a été dite pour David, nous pouvons l’extraire de son contexte la mettre en dialogue avec un autre texte biblique. Et dans ce récit, la coupe est plutôt positive. Et cette histoire nous dit que le pauvre qui a élevé sa brebis avec amour, n’est pas celui qui l’a mise à mort, c’est bien le riche alors qu’il avait tout ce qu’il fallait qui est venu lui prendre et la sacrifié. Dieu est pauvre de ne pas être entendu, en manque de la reconnaissance de l’accueil par les humains. Ce n’est pas Dieu lui qui livre son fils, il l’a élevé, il l’a nourri, il l’aime profondément et on lui arrache. Ce sont ceux qui se croient riches de leurs traditions, de leur possession, de leur pouvoir qui vont le mettre à mort. Ce n’est pas Dieu qui mène Jésus à la croix, ce sont les hommes. Ceux hommes riches de ce qu’ils pensent être la vérité, riches de leur moralisme,  de leur appartenance à une caste, et  pour qui il est insupportable d’entendre le message de Jésus qui donne la parole à son Père et qui rappelle tout l’amour du Père. Ces humains qui accusent Jésus de blasphémer alors que c’est eux qui défigurent Dieu.

Mais, si le jardin est le lieu de l’épreuve pour Jésus, c’est le cas aussi pour les disciples. Des disciples pas très exemplaires, en effet Jésus leur confie son angoisse : « je suis triste à en mourir… », et pourtant, ils dorment. Jusqu’à là ils se croyaient héroïques, Pierre tout feu tout flamme vient de dire qu’il suivra Jésus jusqu’à la mort, les autres se sont inscrits dans cet élan. Leur faillibilité ne se montre jamais plus que lorsqu’ils se croient infaillibles. Mais voilà alors qu’il ne leur ait demandé qu’une seule chose : veille et prier, ils dorment. Ils se retirent de l’histoire, ils disparaissent, ils sont effacés. Ils auraient pu mener le combat avec Jésus.  Car la prière est une arme, pour cela il faut se mettre à l’écoute. Et l’on retrouve ici également des bribes du Notre Père. Jésus leur demande de prier pour ne pas « entrer » dans l’épreuve. Et ici le » verbe est beaucoup plus explicite que dans la prière du Notre Père, il est clair qu’il s’agit d’entrer dans l’épreuve. Car, l’épreuve est là présente, et il s’agit de ne pas être vaincu par elle. Et, ne pas veiller, ne pas prier, c’est ne pas être à la manière des scouts « toujours prêts ». Ils n’ont pas prié et donc ne sont pas armés : cela va entrainer leur défaillance, alors que Jésus veut accomplir la volonté de son Père ; que Jésus ne cherche pas à accomplir ses propres attentes, mais celles de son Père.

Ne pas prier c’est ne pas faire la volonté du Père qui nous offre la prière pour ne pas entrer en tentation. Et, oui ces disciples ne sont pas héroïques. Mais n’est-ce pas quelque peu réconfortant pour nous ? Ne fallait-il pas que les humains soient humains pour que la bonne nouvelle soit entendue de tous. Car si les disciples avaient été exemplaires pourrions-nous nous inscrire dans leur pas ? Leur médiocrité fait écho à la nôtre. Et, de plus elle nous dit l’amour de Dieu pour nous. Car au bout du compte ce sont tout de même eux, avec leur faiblesse, leurs failles qui sont choisies pour annoncer la bonne nouvelle.

Pour conclure, je soulignerais qu’il y a de nombreux récits qui se déroulent dans un jardin, mais au cœur de la Bible il y a un jardin, et ce jardin c’est la livre des Psaumes. Ces prières qui disent la vie avec ses luttes et ses victoires, ses angoisses et ses guérisons. C’est dans ce jardin que se découvre la présence de Dieu. Et, Jésus va se révéler dans un autre jardin. Un jardin, où comme dans celui du Cantique des cantiques une femme est en quête. Cette femme c’est Marie de Magdala, qui cherche le corps de Jésus, mais elle va découvrir le Christ ressuscité qui va l’envoyer annoncer la nouvelle de sa résurrection. Ainsi, si le jardin est le lieu de l’épreuve, l’épreuve n’est jamais la fin, le jardin c’est aussi le lieu de la révélation, du bien aimé pour sa bien-aimée, comme dans le cantique des cantiques, le lieu de la résurrection, où nous sommes relevés et envoyés

 

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Psaume 85, versets 8 à 14

8Éternel ! Fais-nous voir ta bienveillance Et donne-nous ton salut !

9J'écouterai ce que dit Dieu, l'Éternel ; Car il parle de paix à son peuple et à ses fidèles, Pour qu'ils ne retournent pas à la folie.

10Oui, son salut est proche pour ceux qui le craignent, Afin que la gloire demeure dans notre pays.

11La bienveillance et la vérité se rencontrent, La justice et la paix s'embrassent ;

12La vérité germe de la terre, Et la justice se penche (du haut) des cieux.

13L'Éternel aussi donnera le bonheur, Et notre terre donnera ses produits.

14La justice marchera devant lui Et marquera ses pas sur le chemin.

 

Matthieu chapitre 26, versets 36 à 46

36Là-dessus, Jésus arrive avec eux au lieu-dit Gethsémani et il dit aux disciples : Asseyez-vous ici, pendant que je m'éloignerai pour prier.

37Il prit avec lui Pierre et les deux fils de Zébédée. Il commença alors à éprouver la tristesse et l'angoisse,

38et il leur dit : Je suis triste à mourir ; demeurez ici et veillez avec moi.

39Puis il s'avança un peu, tomba face contre terre et pria ainsi : Mon Père, si c'est possible, que cette coupe s'éloigne de moi ! Toutefois, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux.

40Il vient vers les disciples, qu'il trouve endormis ; il dit alors à Pierre : Vous n'avez donc pas été capables de veiller une heure avec moi !

41Veillez et priez, afin de ne pas entrer dans l'épreuve ; l'esprit est ardent, mais la chair est faible.

42Il s'éloigna une deuxième fois et pria ainsi : Mon Père, s'il n'est pas possible que cette coupe s'éloigne sans que je la boive, que ta volonté soit faite !

43Il revint et les trouva encore endormis ; car ils avaient les yeux lourds.

44Il les quitta, s'éloigna de nouveau et pria pour la troisième fois en répétant les mêmes paroles.

45Puis il vient vers les disciples et leur dit : Vous dormez encore, vous vous reposez ! L'heure s'est approchée ; le Fils de l'homme est livré aux pécheurs.

46Levez-vous, allons ; celui qui me livre s'est approché.

Ps. 85:1-14, Mat. 26:36-46