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Comment Jean Baptiste prépare les chemins du Seigneur

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Prédication prononcée le 7 décembre 2014, au temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

    Il est traditionnel de s’intéresser à Jean Baptiste dans la période de l’Avent qui précède Noël. Pourtant, ce n’est pas respecter la chronologie. Dans l’Evangile, Jean-Baptiste n’apparaît pas avant la naissance de Jésus Christ, mais bien après, on devrait parler de lui après Noël, et non avant. Mais c’est sans doute que le sens de la fête de Noël n’est pas de fêter un anniversaire, ou un événement historique, c’est plutôt de dire qu’il ne suffit pas que Jésus soit né il y a deux mille ans, il faut encore qu’il naisse dans nos cœurs. Autrement dit, Noël est plus la fête du retour du Christ (dans nos vies) que celle vraiment de sa naissance historique.

Et ce que nous dit ce temps de l’Avent, c’est qu’accueillir le Christ dans sa vie n’est pas facile et que ça demande une préparation, et Jean Baptiste, en tant que précurseur du Christ est le mieux placé pour nous montrer comment nous pouvons nous mettre en disposition favorable à la réception de l’Evangile, c’est à dire au Christ dans nos vies.

Cela est essentiel, et Jean Baptiste devrait avoir plus de place qu’il n’en a. Il est remarquable que tous les quatre Evangiles parlent de lui, alors que deux seulement parlent de Noël. En ce sens, Jean Baptiste est deux fois plus important que Noël, et il devrait être fêté d’autant.
Ce qu’affirme Jean, ce qu’il nous dit, c’est : « Préparez les chemins du Seigneur ». Rien que cela nous permet de corriger deux erreurs théologiques très courantes.

La première, c’est de croire que la foi serait un pur don de Dieu. C’est ce que croient certains qui pensent ne pas l’avoir et qui disent que Dieu ne leur a pas donné, ou qui attendent de la recevoir. Ici, nous voyons que Jean n’invite pas à attendre une réception passivement, mais qu’au contraire, nous pouvons faire quelque chose pour apprendre à accueillir cette foi. Nous avons donc un rôle, et Dieu n’a pas toute la responsabilité de notre foi.

La seconde erreur, plus fréquente chez les croyants, est de prétendre que la foi, au contraire, serait toute à l’initiative, non de Dieu, mais de l’homme, comme une réponse à la grâce. Dans ce système, ce que Dieu offre, c’est la grâce, et la foi de l’homme, c’est sa responsabilité d’accepter cette grâce, de lui dire « oui ». Là encore, Jean Baptiste présente les choses autrement, certes, l’homme a à faire quelque chose, mais il ne peut pas tout faire, on ne peut pas se donner à soi-même la foi, on ne peut qu’apprendre à s’ouvrir à Dieu, faire en sorte de se mettre en état de recevoir cette foi qui ne vient pas de nous, mais à laquelle nous devons adhérer. L’homme a donc un rôle, mais pas tout le rôle, c’est une synergie. Ce que l’homme peut faire, c’est de se préparer, et ensuite d’apprendre à accueillir quelque chose qui ne vient pas de lui.

C’est cela préparer les chemins du Seigneur, c’est enlever les obstacles entre Dieu et nous, être prêt à recevoir Dieu, éraser les montagnes d’égoïsme, de bêtise, et d’orgueil qui nous empêchent de voir les Dieu et les autres, et les laisser venir à nous, et puis combler les trous, les vallées, les gouffres d’indifférence, d’échecs divers et de manquement qui parsèment notre vie. Bref, Jean nous invite en citant Esaïe à déblayer notre vie, à enlever tout ce qui ne vaut rien et qui fait obstacle, tout en ajoutant ce qui manque.

C’est dans ce sens aussi qu’on peut comprendre le « Rendez droits ses sentiers » , peut-être pouvons nous également, en attendant que le Christ viennent faire sa demeure en nous, mettre un peu d’ordre dans notre vie, un peu de rigueur morale, redresser ce qui en nous est tordu et qui là aussi complique la relation avec Dieu et avec les autres.

Ce travail pour apprendre à accueillir Dieu dans nos vies, il est merveilleusement exprimé par le Psaume 24 : « Portes élevez vos frontons, qu’il entre le roi de gloire... Ouvrez vous portes éternelles » Oui, nous devons apprendre à nous ouvrir à l’autre, aux autres, au tout-autre, au lieu de nous renfermer sur nous mêmes et nos certitudes. C’est un travail important.

 

Et Jean Baptiste nous montre plus précisément comment nous pouvons ainsi nous préparer à accueillir Dieu dans nos vies. Il est dit qu’il invitait ceux qui venaient à confesser leur péché, et qu’il les plongeait dans l’eau en annonçant le pardon des péchés.

Mais pour comprendre cela, il faut dépasser de nombreux contresens possibles. D’abord « confesser », cela veut dire tout simplement « reconnaître ouvertement», c’est ainsi qu’on peut « confesser sa foi », quand on dit publiquement en quoi l’on croit, et « confesser ses péchés », quand on les reconnaît devant les autres. On voit ainsi la première chose importante à laquelle invite Jean, c’est de se reconnaître pécheur. Et cela ne veut pas dire de se culpabiliser sur ses nombreuses fautes, mais de savoir qu’on n’est pas parfait, qu’on a besoin des autres, besoin de Dieu, et qu’on a des progrès à faire. Le contraire de cela, serait pécher d’orgueil, croire qu’on serait une merveille du monde, sans besoin de personne, ni de Dieu ni des autres. Il est certain que pour pouvoir accueillir Dieu, il faut au moins penser en avoir besoin.

Ensuite, il est dit que Jean « baptisait » dans le Jourdain, en fait, le verbe « baptiser » n’existe pas en français, c’est un décalque du grec « baptiszein » qui ne parle pas forcément d’un geste sacramentel, mais du simple fait de plonger quelquechose dans un liquide. Le «baptême » de Jean n’avait donc rien à voir avec le baptême que nous pratiquons dans nos Eglises, ce n’était même pas, évidemment, un geste chrétien, (puisque Jésus n’avait pas encore commencé son ministère), c’était juste un rite d’ablution comme il y en avait beaucoup dans le judaïsme, et comme il y en a encore. L’idée, était d’exprimer d’une façon imagée que la personne qui avait reconnu sa faute était pardonnée, pour cela, elle était plongée dans l’eau et sortait comme lavée, purifiée de sa faute. Cela ne devait pas se faire une seule fois dans sa vie, mais sans doute être répété, comme le rite de confession et de pénitence chez les catholiques romains d’aujourd’hui.

Donc Jean simplement annonçait, et ce, d’une manière très ferme et imagée, le pardon du péché. Or c’est là la base de tout, le chemin pour se rendre disponible, pour avoir une chance de pouvoir entendre l’Evangile et d’accueillir Dieu dans sa vie, de se savoir pécheur et pardonné. Se savoir pécheur, c’est se mettre en disposition d’avoir besoin de l’aide, du pardon, du soutien de Dieu, et se savoir pardonné,  c’est ne pas rester à la culpabilité mais se sentir libéré, joyeux et reconnaissant pour pouvoir avancer plus loin. Mais il faut garder les deux à la fois, les tenir dans une sorte de tension permanente qui crée une dynamique interne. Si on en reste au « pécheur », alors on n’ose plus rien faire, on est empêtré dans la culpabilité, et si on se contente du « pardonné », alors plus rien n’a d’importance, et on risque de faire n’importe quoi. Il faut savoir qu’on est pécheur et que notre péché n’empêche jamais que nous puissions être pardonnés, et que si nous sommes pardonnés, nous savons aussi que cela n’enlève pas le fait que nous soyons pécheurs, c’est à dire imparfaits.

Cela est tellement important que c’est le noyau central de toute liturgie chrétienne. Depuis 2000 ans et en fonction des lieux, des traditions, la liturgie a beaucoup varié, mais il est une chose qui est toujours présente, c’est la démarche « pénitentielle », c’est-à-dire la confession des péchés et l’annonce du pardon. La tradition chrétienne ne s’y est pas trompée, pour pouvoir entendre l’Evangile, il faut d’abord de préparer positivement en se rappelant que nous sommes pécheurs et pardonnés.Ensuite, Jean a un appel : « Repentez vous ! » Cela est traduit diversement, par « convertissez vous », ou « repentez vous »... En fait, le mot grec là dessous, c’est « Metanoïte » ce qui peut se traduire par « changez d’état d’esprit ».

On a souvent interprété cet appel dans le sens de celui à se « convertir ». La conversion, dans la Bible, ce n’est pas comme aujourd’hui de changer de religion, mais de faire demi-tour. Elle est exprimée, souvent par le verbe hébreu « Shouv » qui signifie « tourner », « se tourner » ou « se retourner ». Ce à quoi est invité le chrétien, c’est donc de reconnaître qu’il s’est égaré et qu’il faut retourner à Dieu, comme la brebis perdue qui est en danger de mort parce qu’elle s’est éloignée du troupeau et qui doit revenir, ou comme l’enfant prodigue qui s’est éloigné de son père, et qui étant tombé plus bas que les cochons dans la misère, la pauvreté et la déchéance décide de « revenir » voir son père. Et le bon message de l’Evangile, c’est que Dieu est toujours comme le père de cette même parabole, prêt à nous accueillir les bras ouverts, sans un reproche.

 

Mais on peut voir les choses autrement. Cette interprétation n’est pas fausse, mais là encore, elle va dans un sens volontariste, responsabilisant l’homme au point de le culpabiliser si tout n’est pas fait parfaitement. Si on cherche dans la traduction grecque des Septante quel mot hébreu est traduit par le verbe Metanoô, on découvre qu’il ne traduit en fait qu’une seule fois le mot « Shouv» et pratiquement dans tous les autres cas un autre verbe qui est « Naham », et «Naham »  signifie « changer d’état d’esprit », il peut l’être dans le sens en effet de « regretter son erreur », mais aussi dans celui de « consoler ». Or précisément, c’est le verbe que l’on trouve au début de ce passage d’Esaïe 40 cité si largement dans notre texte sur Jean Baptiste : « Consolez, consolez mon peuple, dites lui que sa faute est pardonnée... » . Pourquoi faudrait-il alors ici tout à coup ne plus parler de consolation, de pardon, mais d’injonction à se prendre en main soi-même pour faire demi tour, voire de « faire pénitence » avec tout ce que cela comporte d’idée de menace d’une peine qui pourrait être infligée. La tradition chrétienne a culpabilisé depuis des siècles ses fidèles en lui présentant l’Evangile comme un devoir, alors qu’en fait, c’est juste une bonne nouvelle. Et ce que dit Jean-Baptiste, ce n’est pas « faites pénitence », ni même vraiment « repentez vous », mais « soyez consolés », « consolez vous». C’est donc une vraie parole de libération. Oui, nous pouvons nous consoler, parce que Dieu a accepté de nous pardonner, parce qu’il a décidé d’oublier nos erreurs passées et qu’il est prêt à repartir à zéro avec nous, comme si nous étions des êtres neufs. Nous sommes consolés, parce que même si nous arrivons penauds comme le fils prodigue, ce que dit le père, c’est : « réjouissez vous, faites la fête, parce que mon fils était mort et il est revenu à la vie ».

La morale, la culpabilisation ne sont pas des bons procédés pour parvenir à la conversion véritable, tout cela ne conduit qu’à la tristesse, l’aigreur, la violence même, vis-à-vis de soi même et vis-à-vis des autres. Ce que nous dit Jean Baptiste, c’est : acceptez le pardon, et consolez vous, soyez heureux, libres, joyeux, reconnaissants, et levez vous tout pleins de l’amour de Dieu pour aller vous mettre à son service.

C’est en effet à cela que Jean Baptiste nous mène, c’est à l’Evangile, à la prédication du Christ. Etre un pécheur pardonné ne donne pas du sens à sa vie, c’est juste un point de départ, un préalable essentiel. Une fois qu’on est ainsi libéré, on peut aller écouter Jésus et lui demander : « Seigneur, que ferais-je ? ». Une fois qu’on a reçu le pardon, on peut avec Jésus être plongé non pas dans l’eau qui lave, mais dans l’Esprit qui fait vivre, qui ouvre à une dimension nouvelle, pour notre joie, pour le service du monde et celui de Dieu.

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Marc 1:1-8

Commencement de l’Évangile de Jésus-Christ,
Selon ce qui est écrit dans le prophète Ésaïe :
  Voici, j’envoie devant toi mon messager  pour frayer ton chemin ;
 C’est la voix de celui qui crie dans le désert :
  Préparez le chemin du Seigneur,
  Rendez droits ses sentiers.

Jean parut ; il baptisait dans le désert et prêchait le baptême de repentance pour le pardon des péchés. Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui ; et ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain en confessant leurs péchés. Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.

Il prêchait : Il vient après moi, celui qui est plus puissant que moi, et je ne mérite pas de délier, en me baissant, la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés d’eau ; mais lui vous baptisera d’Esprit Saint.

Esaïe 40:1-5

Consolez, consolez mon peuple,
  Dit votre Dieu.
 Parlez au cœur de Jérusalem et criez-lui
  Que son combat est terminé,
  Qu’elle est graciée de sa faute,
  Qu’elle a reçu de la main de l’Éternel
  Au double de tous ses péchés.
 Une voix crie:
dans le désert  ouvrez le chemin de l’Éternel,
dans la steppe nivelez une route pour notre Dieu.
  Que toute vallée soit élevée,
  Que toute montagne et toute colline soient abaissées !
  Que les reliefs se changent en terrain plat
  Et les escarpements en vallon !
  Alors la gloire de l’Éternel sera révélée,
  Et toute chair à la fois (la) verra ;
  Car la bouche de l’Éternel a parlé.

Marc 1:1-8, Esa: 40:1-5