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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

 

Le golem, superman et Jésus Christ

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Prédication prononcée le 12 mars 2017, au temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Emmanuel Rolland (Pasteur à la cathédrale Saint-Pierre de Genève)

 
Nous visitions hier une magnifique exposition au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme sur le Golem. Qu’est-ce que c’est le Golem ? La légende raconte que le Golem, c’est une créature fantastique, créée de toute pièces par le Maharal de Prague, le plus célèbre des Rabbins d’Europe centrale, né à Poznan, en Pologne en 1512 et  mort à Prague en 1609. (La ville de Prague honore toujours sa mémoire aujourd’hui – on peut admirer sa statue monumentale sur les façades de l’hôtel de ville de Prague, et se recueillir sur sa tombe non moins monumentale dans le vieux cimetière juif de Prague). Le Rabbin Loew, aurait inventé le Golem pour défendre pour défendre la communauté juive contre les persécuteurs chrétiens. Vous savez comment et combien les communautés juives ont été violentées tout au long de l’histoire, victimes des accusations les plus folles et des pogroms les plus sauvages. En l’occurrence, le bruit courut à l’époque – nous sommes donc en plein milieu du XVIème siècle, en Europe centrale – la rumeur se répandit comme une trainée de poudre que les juifs fabriquaient leur matzot – c’est à dire leur pain sacré – avec le sang de petits enfants chrétiens. Les prétextes les plus fous suffisaient pour descendre dans les ghettos avec les haches, les machettes et les couteaux. Les chrétiens n’étaient pas des tendres à cette époque là. Ni envers les juifs, ni entre eux non plus notez bien. L’histoire des persécutions reste très à vif dans nos mémoires, au moment où nous fêtons le 500ème anniversaire de la Réforme. J’ouvre ici une parenthèse. Vous voyez, nous sommes une petite vingtaine à être venus de Genève à Paris mais sur les 20 que nous sommes, une seule d’entre nous a dormi cette nuit à l’hôtel. Pourquoi ? Pas du tout parce que notre amie est genevoise pure souche – ça n’existe pas, à Genève, les 100%purs souches, notre amie est originaire d’Amérique latine – mais tous les autres, chacun, chacune a un petit bout de son cœur ici. De la famille, des amis, des connaissances, un pied-à-terre ; en fait, nous sommes tous plus ou moins parisiens. Ou du moins français. C’était ici chez nous il y a 500 ans ou plutôt nous étions ici chez nous il y a 500 ans. Calvin avant de fonder l’Académie a étudié au collège de France, enseigné à Paris… C’est l’exact contemporain du Rabbin Loew, de Prague. Il est né en 1509. En 1533, il a 24 ans, il vient de participer à l’écriture d’un pamphlet qui valent à 300 personnes d’être arrêtées séances tenantes… La police poursuit Calvin à travers les rues du côté du Panthéon et il parvient à leur échapper en prenant la tangente par les toits ; et de cette époque date un vestige qu’on aperçoit encore, une espèce de corne de cerf sur laquelle Calvin s’est appuyée pour s’enfuir et que l’on nomme désormais la tour Calvin. Si nous sommes à Genève aujourd’hui, c’est que comme lui, nos parents se sont enfuis. C’est que, d’une certaine manière, nos familles sont des rescapées, pas des Pogroms d’Europe centrale mais des guerres de religion intra-chrétiennes . Je ne suis pas sûr que tout le monde sache qu’au XIXème siècle, quand les ouvriers ont commencé les travaux pour établir les fondations de la tour Eiffel, ils ont découvert des bras, des jambes, des têtes, bref des corps… les ossements des corps de quelques uns des 2000 cadavres jetés à la Seine pour l’exemple, après le massacre de la saint-Barthélémy. Certains se sont échoués sur ce qui était à l’époque une plage, une berge de la Seine, enterrés, là sans manière et c’est donc sur un charnier, celui des victimes de la Saint Barthélémy que se dresse le fier symbole du pays des droits de l’homme et du citoyen.

Mémoire des persécutions et des barbaries ici à Paris ou au loin, en Europe centrale, dans cette petite communauté juive qui devant la violence des violents, la barbarie des barbares rêvait de quoi ? D’un Sauveur bien sûr ; d’une créature qui les défendrait ; qui serait plus forte que les terroristes. Plus forte que les salauds. Le Golem et né de cette espérance et c’est l’ancêtre si vous voulez, de Superman. Jerry Siegel, le génie créateur de Superman est un fils d’émigrés juifs lituaniens, c’est à dire si on remonte le fil, un petit fils des rabbins qui ont inventé le Golem. Et lui aussi connut dans sa chair ce que c’est que d’être une victime de la barbarie du monde. Il a 14 ans quand des bandits font irruption dans le magasin de son père pour lui piquer sa caisse. Son père meurt d’une crise cardiaque sous ses yeux et c’est à cet instant là que les traits de Superman. Superman, héros caché, défenseur de la veuve et de l’orphelin. Superman, héros des zéros.

L’attente d’un Sauveur. L’attente d’un héros. L’attente d’une créature qui aurait tout ce que nous n’avons pas : la puissance, l’invulnérabilité. Le sens de la justice. L’attente d’un défenseur. C’est un vieux rêve. Aussi vieux que l’injustice en tout cas ; aussi vieux que Caïn et Abel et c’est sûr qu’autour de Jésus, il y a quelque chose de cette attente.

Le récit offert à la méditation des chrétiens le 1er dimanche de Carême, c’est le récit de la tentation du Christ dans le désert. Vous le connaissez par cœur… « Si tu es le fils de Dieu, transforme ces pierres en pain, puisque tu as faim… Jette-toi d’une tour et tu feras la démonstration de ton pouvoir… Si tu es fils de Dieu, sois notre Golem, sois notre Superman, sois notre héros, notre Sauveur ! » Jésus avance à travers ces fantasmes, à travers ces voix et je ne vais pas refaire ici un catéchisme que chacun d’entre vous sait par cœur. Vous savez qu’il dira non à chacune de ces tentations.  A l’épée, il préfèrera la croix. A l’invulnérable, le vulnérable. Au pouvoir le service. A la domination des foules, le service des individus. Au spectaculaire, l’ordinaire. Son Dieu, qui est le Dieu d’Abraham, le Dieu de Moïse et le Dieu d’Elie n’est pas un diable de Dieu… Un diable, c’est quelqu’un qui vous dit : « si vous voulez être plus, il vous faut avoir plus ». Le diable n’est pas un idiot et c’est la raison pour laquelle on l’écoute naturellement. Mais si le diable est  « le dieu du plus », n’allons pas en conclure que Le Dieu de Jésus-Christ serait « le Dieu du moins » ; le Dieu de Jésus-Christ n’est pas du tout le Dieu du moins. Le Dieu de Jésus-Christ,  c’est le Dieu du « il y a ». Du « regarde déjà ce que tu as  au lieu d’être aspiré par ce qui te manque ». Parce que « tu as »,  c’est tout le sens du Psaume qui a ouvert notre culte. Tu as. Tu es riche. Tu as été couronné. Même avant l’invention de la brouette, on savait déjà tout des prodigieux pouvoirs de l’être humain. « Tu ne manques de rien ». « Tu ne manqueras de rien » selon l’expression d’un autre Psaume célèbre. Parce qu’il y a. Et il y a, même dans la mort, de la vie. Il y a même dans la maladie, de la santé. Même dans ta vulnérabilité, il y a une puissance de vie. Et ça marche évidemment dans les 2 sens. Il y a aussi dans ta richesse de la pauvreté et ce n’est pas parce que tout a l’air d’aller bien dans ta vie qu’il n’y a pas secrètement cachée des blessures intimes, des souffrances présentes, des douleurs intolérable. Mais il y a… il y a toujours de tout et en surabondance et quand les disciples du Christ eux même viendront lui dire : « il n’y a pas »… « Pour nourrir cette foule immense, il n’y a pas », il leur claquera cette réponse « Qu’avez vous »/«Combien avez vous ? » Trois pains, deux poissons ? Pas besoin de faire de la magie. Pas besoin de transformer les pierres en pain… le peu que vous avez suffit, comme ma grâce. Et le miracle opère. Il y a en effet suffisamment de pain ici bas pour nourrir tous les affamés de la terre. Suffisamment d’amour pour aimer tous les abandonnés de la terre. Parce que ce « il y a », de Dieu, ce « je t’ai tout donné » se couple toujours avec un « je suis ». Je suis avec toi. Je marche avec toi ; je suis attentif à toi.  Au MAHJ, il y a, tout au long de l’exposition des photographies de visages de femmes et d’hommes qui témoignent en quelques mots de ce que c’est pour eux, d’être juifs. L’un d’eux dit ceci que j’ai volé au passage : « Ma seule plage de tranquillité est mon intime conviction que Dieu est là ».Je suis. Je suis avec toi. Alors par, Abraham, bouge, prends tes cliques et tes claques et lekh leka pars pour toi. Va…Je suis et tu seras… Je suis avec toi et tu seras bénédiction. Va Moïse, fonce « Fais sortir mon peuple de l’esclavage…Je suis et tu seras ! »

C’est un peu tout ce que m’a inspiré cette espèce de vagabondage autour du récit de la transfiguration : Il y a de la misère, de la violence et de la mort dans notre monde, c’est clair. Il y a de la famine spirituelle et charnelle. Il y a des drames, des maladies et de la violence.  Il y a des injustices et des souffrances que l’on ne peut nommer. Il y a le désir d’en sortir. De s’en sortir. Le désir de plus de paix, de plus d’amour. De plus de justice. Et l’histoire biblique que le récit de la transfiguration récapitule à travers la présence des trois principaux disciples et de leur Maître en gloire et en discussion avec Moïse et Elie qui récapitulent à eux seuls toute l’histoire sainte,  l’histoire biblique, ce n’est pas l’histoire de super héros. C’est l’histoire de gens comme vous et moi, qui n’avaient pas plus de pouvoir que nous n’en avons et peut-être même un peu moins que nous. Mais qui devant le manque se sont mis en marche, animés par un appel très puissant, plus puissant que tout ce qui pouvait les paralyser, les maintenir ratatinés, aplatis, écrasés. Un appel qui sonnait comme un ordre de route, un ordre de marche, un ordre de mission qui venait de plus loin qu’eux. Ils se sont exécutés. Ils se sont mis en marche, sans savoir où tout cela les mènerait et la plupart de temps, cela leur valut pas mal de contrariétés. Mais ils ont eu confiance en cette voix qui leur ouvrait la voie en leur disant : « N’aie pas peur. Je suis avec toi ». Et ils ont découvert cachés sous leur manque, une puissance électrique, qui les éclairant éclaira par eux.

Dieu lui-même ici bas n’a pas d’autre destin, n’a pas d’autre choix que d’être, d’être ni plus ni moins que l’un d’entre nous. C’est le sens de Pâques. C’esz l’histoire de Jésus-Christ qui nous sauve, non pas comme un dieu sauverait des hommes mais qui nous sauve par les forces de vie qu’il sait éveiller en nous. La lumière du monde, ne réverbère pas seulement la lumière du Père, c’est surtout un formidable extracteur de lumière pour celles et ceux qui tendent vers lui leurs pauvres mains épuisées. Sous les yeux de ses disciples, il brille de mille feux. Il est, nous dit le texte grec, « métamorphosé ». Eh bien ce verbe qu’on ne trouve qu’ici dans tous les évangiles se retrouvera deux fois dans les épîtres de Paul dont, dans ce passage de l’épître aux Romains que je vous ai relu pour la liturgie de ce jour. « Ne vous conformez pas au monde présent mais soyez métamorphosés par le renouvellement de l’intelligence. » Quelle tâche plus noble ? Non pas créer des avatars ni rêver à l’intervention d’être supérieurs qui viendraient faire le boulot à notre place mais avec le peu que nous avons et qui est déjà si grand, réfracter la lumière et la réfractant, l’éveiller, et en l’éveillant, métamorphoser le visage de notre monde.

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Genèse 12: la vocation d'Abraham

1L’Éternel dit à Abram : Va-t’en de ton pays, de ta patrie et de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai. 2Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand. Deviens donc (une source) de bénédiction.
  3Je bénirai ceux qui te béniront,
  Je maudirai celui qui te maudira.
  Toutes les familles de la terre
  Seront bénies en toi.
4Abram partit, comme l’Éternel le lui avait dit, et Loth partit avec lui.

Matthieu 17: la transfiguration de Jésus Christ

1Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère et il les conduisit à l’écart sur une haute montagne. 2Il fut transfiguré devant eux : Son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. 3Moïse et Élie leur apparurent, ils s’entretenaient avec lui. 4Pierre prit la parole et dit à Jésus : Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie. 5Comme il parlait encore, une nuée lumineuse les enveloppa. Et voici qu’une voix sortit de la nuée qui disait : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection. Écoutez-le ! 6Lorsqu’ils entendirent (cela), les disciples tombèrent la face contre terre, saisis d’une crainte violente. 7Mais Jésus s’approcha, les toucha et dit : Levez-vous, soyez sans crainte ! 8Ils levèrent les yeux et ne virent que Jésus seul.

Gen.12:1-4, Matt. 17:1-8