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Foi et doute: "Je crois Seigneur, viens au secours de mon manque de foi!"
Prédication prononcée le 11 juin 2017, au Temple de l'Étoile à Paris,
par les pasteurs Florence Blondon et Louis Pernot
Texte de Louis Pernot
Je crois
Il est à la mode de dire que le doute fait partie de la foi, mais pour moi, la foi c’est justement ce qui n’est pas objet de doute, c’est une certitude, une ferme assurance (Heb. 11 :1). La foi ce n’est pas forcément le sentiment religieux, la capacité à prier ou la dimension mystique, mais justement ce qui est le fondement, le rocher de conviction sur lesquels je bâtis ma vie.
Et pour moi Dieu est ce roc. Et même de l’existence de Dieu je ne doute pas. Certes, je ne crois pas toujours bien comme on le dit dans les catéchismes officiels. Je ne crois pas comme il faut à tout les miracles de la Bible, ou à la toute-puissance de Dieu, ou au fait que Jésus soit Dieu. Mais ce n’est plus pour moi des sujets de doute. J’ai renoncé à croire à tout ce qu’on m’a enseigné et j’assume parfaitement et sans culpabilité. Mais ce que je crois, je le crois très fermement ! Je ne crois donc pas en tout et n’importe quoi, mais il y a des années que j’ai cessé de m’en faire un problème. Lors de ma consécration comme pasteur j’ai prêché sur le verset de Paul disant : « je sais en qui j’ai cru » (2 Tim 1 :12), et je peux faire mienne encore aujourd’hui cette parole!
Et pour ce qui est de Dieu en particulier, je ne le vois pas forcément comme une personne ou un Dieu magicien pouvant intervenir un peu partout et n’importe comment dans le monde, mais j’ai aussi sur lui des idées très précises de ce qu’il est. Mon Dieu est un Dieu fort, il est l’ossature de toute mon existence.
Ce qu’est Dieu peut-être dit de manières très différentes. Il peut être vu comme des valeurs fondamentales et structurantes, un idéal qui oriente et donne sens à sa vie, ou encore une dimension de transcendance qui nous dépasse et nous sauve de la finitude de ce monde. Et puis si je ne crois pas que Dieu puisse agir comme un magicien dans le monde, je crois néanmoins qu’il agit, et ce depuis 15 milliards d’années, comme une puissance d’évolution, un dynamisme de création, une force de vie et d’amour.
Sans doute d’ailleurs que pour moi la base la plus solide de ma foi est dans l’attachement à certaines valeurs essentielles qui sont celles que nous enseigne l’Evangile. Ainsi n’est-il pas utile de se livrer à une introspection permanente pour savoir si on a encore ou non « la foi ». Mais quel que soit l’état de ma vie mystique, je garde comme un roc inébranlable la foi dans le fait que le programme que donne le Christ pour l’humanité est le seul possible, tant pour vivre heureux que même pour que la société humaine puisse perdurer. Ces valeurs, ce sont l’amour, le pardon, l’humilité, le service, la fraternité le don de soi, le service... et par dessus tout, peut-être que l’essentiel est la grâce. C’est un terme technique de théologie qui peut se dire simplement par l’idée de gratuité. Notre monde matérialiste n’est pas habitué à cela, tout de paye, se gagne, tout est rétribution, mérites, récompenses et punitions. Ce qui est beau dans la vie, c’est tout ce qui est gratuit, c’est le don, agir, accueillir, pour rien, par conviction, ou par amour. Cela est une merveille, c’est là qu’est la vraie vie, et il est fondamental pour le même qu’il y ait des lieux où cela est dit, et des personnes pour le prêcher et en témoigner.
Ces valeurs sont essentielles, moi je veux mettre ma vie au service de l’annonce de ces choses. Prêcher au milieu de ce monde matérialiste et égoïste que ce qu’il y a de beau dans la vie, c’est l’amitié, la fraternité, la gratuité, le don, l’accueil de l’autre, la grâce et l’amour. Il n’y a aucun doute là dessus, et ma vocation est fondée sur un roc inébranlable.
Je doute:
Cela dit, bien sûr que dans ce dispositif, le doute n’est pas totalement absent. D’abord il peut l’être sous forme de questions. Il est bon de se poser des questions, ça fait avancer et permet de se remettre en cause, de découvrir des choses encore plus profondes, riches et constructives. Rien ne serait pire qu’un système clos, fermé, sûr de lui, ce ne serait qu’un intégrisme sectaire et stérile. Et bien sûr aussi que dans les débats théologiques, il faut laisser à l’autre le bénéfice du doute. On peut avoir ses propres certitudes, mais les avoir pour soi et en même temps faire preuve d’une humilité suffisante permettant de penser que l’autre n’est pas forcément pour autant totalement exclu de la vérité.
Mais peut-être que le doute le plus essentiel pour moi est un doute positif et non pas négatif. Il n’est pas de se demander si par hasard les choses ne seraient pas moindres que ce que j’essaye de croire ou pense que je devrais croire, mais plutôt dans l’autres sens que la vérité pourrait être plus que ce que j’en crois. En particulier, Dieu ne serait-il pas plus grand que ce que j’imagine ?
Souvent je dis que je n’attends pas d’action de Dieu dans le monde matériel, mais finalement est-ce que le monde ne serait pas tout de même un peu conduit par Dieu ? Est-ce qu’il n’y aurait pas une providence veillant au destin du monde ?
Et même si j’enseigne aux enfants à ne pas prier pour n’importe quoi, je me surprends à le faire un peu tout de même.
Et si je prétends avoir réponse à tout, mais est-ce que Dieu, par hasard ne serait-il pas infiniment plus que ce que j’en dis ?
Et puis peut-être encore plus fondamentalement, si mon doute n’est pas trop sur les idées, je peux en avoir un sur la qualité de ma foi : ma foi est-elle assez forte ? Je sais bien que malgré mes grandes convictions, elles ne guident pas toute ma vie. Je ne vis pas en totale cohérence par rapport à ce que je prêche, je ne fais pas tout ce que je devrais et même pas ce que j’enseigne. J’ai des grandes théories, mais je suis loin d’en être un exemple. Ma foi ne dirige pas toute ma vie, souvent je m’égare, je suis oublieux, et je manque d’engagement.
Donc, oui, je crois plein de choses, mais ma vie n’est pas entièrement foi, engagement, sincérité ou confiance en Dieu. Donc oui, tout n’est pas foi dans ma vie, je manque de foi. Je le regrette
Et je peux ainsi infiniment m’identifier à ce père du récit biblique, et faire miennes ses paroles : « je crois Seigneur... viens au secours de mon manque de foi ».
La foi est merveilleuse!
Mais même imparfaite, la foi est une chose merveilleuse. Même incomplète, elle peut guérir. C’est ce que nous entendons dans le récit, le père avoue qu’il y a en lui du manque de foi, mais cela n’empêchera pas son enfant d’être guéri par le Christ. C’est cela qu’il faut savoir, trop peu de foi n’est pas un obstacle pour être au bénéfice d’immenses grâces, et même le peu de foi que chacun peut avoir est en soi une merveille et peut-être la plus belle de toutes les choses de sa vie.
Ce que Dieu apporte dans une vie n’est pas forcément à la mesure de sa propre foi. Il ne s’agit pas d’une sorte de récompense qui serait accordée à ceux qui auraient une foi exemplaire, mais Dieu donne ses dons sans mérite de notre part. Il n’y a donc pas besoin d’avoir une foi immense, il suffit d’un tout petit peu de foi pour garder ce lien vital avec Dieu. La foi, c’est une ouverture à Dieu, à l’absolu, à une puissance de renouveau, de guérison intérieure, de force, de joie, de dynamisme venant d’une puissance extérieure à nous et que nous appelons « Dieu ». Or cette puissance est en elle même immense, infinie, il n’y donc pas besoin d’une grande ouverture de notre part pour que cette puissance puisse agir en nous. Même si l’ouverture est petite, s’ouvrant sur une réalité immense, cette ouverture de la foi donne accès à cette puissance de vie. La foi, c’est cette ouverture, ouverture vers Dieu qui ne se juge pas en terme de quantité, mais qu’il suffit qu’elle soit une ouverture, l’opposé, ce serait la fermeture, le refus catégorique coupant de tout dialogue, de la possibilité de toute découverte.
Ainsi, les catéchumènes qui disent leur foi disent simplement qu’ils veulent rester ouverts, ouverts, vis-à-vis de Dieu, ce Dieu qu’ils connaissent peut-être ou dont ils peuvent avoir une idée plus ou moins confuse, mais peu importe. Et c’est aussi une porte ouverte vis-à-vis de l’Eglise. Cette porte ils la pousseront peut-être un jour, ils savent peut-être confusément que ce qu’il s’y trouve peut-être quelque chose de positif, peut-être l’ont-ils déjà expérimenté sous une de ses formes, ou peut-être pas, mais en tout cas, tant qu’il y a une ouverture, tout est possible.
Cette foi est donc une merveille, même à l’état embryonnaire, ou de potentialité, elle peut-être, ainsi que le dit l’Evangile, comme un simple minuscule grain de moutarde, cela peut sembler peu de chose, mais cette même foi si petite ou minuscule qu’elle peut être peut grandir et devenir comme un arbre portant de beaux fruits et au point que les oiseaux du Ciel qui représentent le saint Esprit puissent y faire leur résidence.
Pour dire ce que la foi peut apporter dans une vie, je me rapporterais au Psaume 23, psaume bien connu commençant par « l’Eternel est mon berger ». Parlant à Dieu, le psalmiste dit : « ton bâton me guide et me rassure ». Il y a là l’essentiel :
La foi guide : elle donne un sens à une vie, parce qu’il y a en elle des valeurs, des convictions à même de structurer son existence. Il y a dans l’enseignement du Christ un chemin de bonheur, de rayonnement dans ce monde. Et ce chemin est une merveille pouvant apporter tant de bonheur pour soi, et pouvant être une chance pour la construction d’un monde meilleur et plus fraternel.
Et puis la foi rassure : c’est la dimension mystique, pour celui qui apprend à connaître et à sentir cette présence d’amour de Dieu qui l’accompagne. Qu’il est merveilleux alors de savoir que l’on a en Dieu un ami toujours disponible, merveilleux de se savoir aimé, accompagné, compris, d’une manière inconditionnelle et totale. C’est une force exceptionnelle, dans sa vie courante, dans ses joies, que dans ses peines par la force et la consolation que cela peut donner.
Là se trouve la source d’une vraie force, la foi est un trésor que l’on peut emporter partout avec soi, et que personne ne peut nous retirer. Certes, ce n’est pas facile, et cette foi même est l’objet d’une quête, d’une recherche, d’une construction intime que chacun peut faire, mais cette quête même est un trésor et une joie. Qu’y a-t-il plus merveilleux que de chercher la présence d’un être aimé, d’une source de vie. Tous ceux qui ont été amoureux le savent la quête même de l’être désiré est une joie infinie. Ainsi la foi n’est-elle pas tant d’être arrivé dans la plénitude de la présence de Dieu que de chercher ce Dieu d’amour, de paix, de joie de force et de vie que nous annonce le Christ dans l’Evangile.
Dieu est un trésor, la foi fait de ce trésor notre propre trésor, et l’Evangile est le cadeau immense de la carte au trésor. Que celui qui a des oreilles pour entendre entente, et qui cherche trouve.
Dieu pour finir est certes bien compliqué, mais il n’y a rien d’autre de mieux à chercher que ce Dieu de Jésus Christ. C’est ce que Dieu Pierre dans l’Evangile de Jean : après un discours particulièrement difficile fait par Jésus, tous ses auditeurs le quittent et s’en vont en disant : « ces paroles sont difficiles, qui les écouterait » (Jean 6 :60, 66) ? Alors Jésus se tourne vers les douze encore autour de lui, il leur dit : « Et vous, vous allez aussi vous en aller ? » Sans doute que Jésus aurait voulu que l’un deux disent que bien sûr non parce que eux comprennent bien tout, mais Pierre dit juste : « Seigneur, à qui d’autre irions nous ? » Sous entendu : il le ferait bien, parce que lui non plus sans doute ne comprenait pas tout, mais où aller d’autre ? Quelle alternative ? Il n’y a rien de mieux en fait, alors autant rester. Et finalement il conclue par une magnifique profession de foi : « tu as les paroles de la vie ! ».
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Marc 9:14-27
14Lorsqu’ils furent arrivés près des disciples, ils virent autour d’eux une grande foule, et des scribes qui discutaient avec eux. 15Dès que la foule vit Jésus, elle fut très surprise, et l’on accourait pour le saluer. 16Il leur demanda : Sur quoi discutez-vous avec eux ? 17Et un homme de la foule lui répondit : Maître, j’ai amené auprès de toi mon fils, en qui se trouve un esprit muet. 18En quelque lieu qu’il le saisisse, il le jette par terre ; l’enfant écume, grince des dents, et devient tout raide. J’ai prié tes disciples de chasser l’esprit, et ils n’en ont pas été capables. 19Jésus leur répondit : Race incrédule, jusques à quand serai-je avec vous ? Jusques à quand vous supporterai-je ? Amenez-le-moi. On le lui amena. 20Et aussitôt que l’enfant vit Jésus, l’esprit le fit entrer en convulsions ; il tomba par terre et se roulait en écumant. 21Jésus demanda au père : Combien y a-t-il de temps que cela lui arrive ? Depuis son enfance, répondit-il ; 22et souvent l’esprit l’a jeté dans le feu et dans l’eau pour le faire périr. Mais si tu peux quelque chose, viens à notre secours, aie compassion de nous. 23Jésus lui dit : Si tu peux… tout est possible à celui qui croit. 24Aussitôt le père de l’enfant s’écria : Je crois ! viens au secours de mon incrédulité ! 25Jésus, voyant accourir la foule, menaça l’esprit impur et lui dit : Esprit muet et sourd, je te l’ordonne, sors de cet enfant et n’y rentre plus. 26Et il sortit en poussant des cris, avec une violente convulsion. L’enfant devint comme mort, de sorte que plusieurs le disaient mort. 27Mais Jésus le saisit par la main et le fit lever. Et il se tint debout.