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Etre un champion de la foi ?

Prédication prononcée le 28 juillet 2024, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur  Louis Pernot

 

En cette période des jeux olympiques, où l'on parle abondamment de courses, de médailles et de sport, on peut souhaiter examiner ce que la Bible dit à ce sujet. Celle-ci, en effet, évoque le sport et les compétitions, notamment à travers les écrits de Paul. Dans deux passages, Paul utilise des métaphores sportives. En I Corinthiens 9, il écrit : « Ne savez-vous pas que ceux qui courent dans le stade courent tous, mais qu'un seul reçoit le prix ? Courez de façon à l'obtenir ». Il ajoute : « Tous lutteurs s'imposent toute espèce d'abstinence, eux pour recevoir une couronne corruptible, nous pour une couronne incorruptible ». Paul poursuit en disant que pour cela, « je traite durement mon corps et le tient assujetti. Moi donc, je cours, mais non pas à l’aventure ; je donne des coups de poing, mais non pour battre l’air. » (I Cor. 9:24-27). Dans l’épître aux Philippiens, il reprend ce thème : « Ce n'est pas que j'ai déjà remporté le prix, mais je poursuis ma course afin de le saisir. Je cours vers le but pour obtenir le prix de l'appel d'en haut de Dieu en Jésus-Christ » (Phil 3:12-14). Paul ainsi, à plusieurs reprises compare l’attitude du croyant à celle d’un sportif.

es textes sont souvent utilisés dans un contexte pédagogique, notamment avec les jeunes, car ils sont faciles à comprendre. Ils paraissent exhorter à se battre, à être le meilleur, à chercher la perfection. Cependant, cette interprétation pose problème. Elle semble même totalement opposée à la théologie de Paul et au message de l'Évangile.

Un message simple... mais pas évangélique

Tout d'abord, l'idée d'un ascétisme extrême, où l'on traiterait durement son corps en lui imposant toutes sortes de privations, ne correspond pas à l'enseignement de l'Évangile. Jésus n'était pas un ascète. L'Évangile ne prône pas un dualisme invitant à sacrifier le corps pour élever l'âme.

De plus, l'idée que le salut serait quelque chose de difficile à gagner, qu'il faudrait l’obtenir par nos propres efforts en devenant des champions de la foi, est en contradiction avec le message central de l'Évangile : le salut par grâce. Que l'on soit premier ou dernier, on est aimé et sauvé. Le salut n'est pas un concours de qualité ou de sainteté.
Quant à l'affirmation de Paul selon laquelle « tous courent, mais un seul gagne le prix », elle est également problématique. Le message de l'Évangile est que nous sommes tous pécheurs, donc tous vaincus par le mal. Personne ne peut prétendre être plus fort que la tentation, le mal ou l'épreuve, mais tous nous sommes sauvés en Jésus-Christ. Ce n'est pas seulement le meilleur des apôtres qui est sauvé, mais nous tous.

La vie n'est pas un championnat de sainteté. La vie spirituelle ne consiste pas à essayer de s'élever jusqu'à être digne de décrocher le premier prix au sommet de la montagne. Le salut nous est offert par grâce, non par nos efforts ou nos qualités, mais parce que nous sommes aimés. Aucun de nous n'est vainqueur, et pourtant nous sommes tous aimés et pardonnés.

Il apparaît ainsi que ces textes de Paul semblent en opposition avec ce que nous prêchons sans cesse. Ils représentent même ce contre quoi Jésus-Christ a lutté toute sa vie, lui qui n'a cessé de s'opposer aux pharisiens qui se prétendaient champions de la foi, s’imposant toutes sortes d'abstinences et de règles, et considérant que ceux qui n'étaient pas aussi bons qu'eux ne valaient rien.

Paul peut-être plus profond qu’il n’y paraît !

Cependant, en y regardant de plus près, on peut penser que Paul ne prêche pas réellement ce que l’on entend à première lecture. Lorsqu'il parle de lutter pour obtenir le prix, il ne fait pas référence au salut ou à la vie éternelle, ce dont il s’agit, c’est, littéralement, « le prix de l'appel d'en haut en Jésus-Christ ». Ce vers quoi nous devons tendre n'est pas d'être les meilleurs ou de parfaits croyants, mais de nous savoir appelés.

Cette nuance change tout. La réponse à l'appel, chacun la donne comme il le peut. Paul ne dit pas que le but est d'avoir donné la bonne réponse, mais de travailler à se sentir appelé d'en haut en Jésus-Christ. Il s'agit d'avoir une aspiration, un désir, un idéal, de se sentir appelé à quelque chose. Quand on se sent appelé, on sauve sa vie en lui donnant un sens.

Cette dialectique rejoint la distinction entre les Eglises confessantes et les Eglises multitudinistes. Dans les Eglises confessantes, on devient membre en professant sa foi. Dans les Eglises multitudinistes, comme la nôtre, fait partie de l'Eglise quiconque accepte de se mettre à l'écoute de la Parole, sans préjuger de la réponse. Donc il y a dans nos Eglises des gens pratiquants et d’autres peu pratiquants. Nous ne jugeons pas la manière dont chacun répond à l'appel. Nous disons que fait partie de l'Eglise quiconque se sent appelé et se met à l'écoute de la Parole, quelle que soit sa réponse.

Ainsi, Paul nous invite à avoir une ambition spirituelle, à aspirer à quelque chose de plus élevé que le simple monde de la consommation, du pouvoir, de l'égoïsme et de la violence. Il nous encourage à travailler pour avoir dans notre vie une aspiration vers le haut, un idéal, une soif, un désir. La manière dont nous y parvenons est autre chose, l'essentiel est d'avoir cette soif c’est elle qui peut sauver notre vie parce qu’elle est un élan et nous tend vers Dieu.

Si l'on poursuit la comparaison avec le sport, on pourrait dire que le but n'est pas de gagner la course. L'objectif est de comprendre que, quelles que soient nos compétences ou notre niveau de sainteté, notre dignité ne réside pas dans la victoire, mais dans le fait d'avoir été sélectionné.

Vous êtes sélectionné. Que vous gagniez ou non n'est pas la question. Dieu vous appelle. Il vous a choisi et vous considère déjà comme un vainqueur. Il vous juge digne et apte à la mission, capable d'accomplir quelque chose. Quel honneur ! Travaillez à vous en convaincre et à en faire le fondement de votre vie. Et ce n'est pas si simple, et c'est là où Paul a raison : il faut y travailler comme un sportif qui s’entraîne, il y a un travail à faire pour accepter cette dignité qui nous est donnée. Souvent dans notre vie, nous avons tendance, soit à oublier que nous pouvons agir, nous laissant entraîner par le cours du monde et le quotidien, soit à nous dévaloriser, croyant que nous ne valons rien et que nous sommes incapables de quoi que ce soit. Il y a donc un travail à faire pour reconnaître que nous avons la dignité d'être appelés d'en haut et ne pas l’oublier.

Un seul emporte le prix ?

Comment y parvenir ? La solution se trouve peut-être dans une de ces affirmations paradoxales de ce texte, lorsque Paul dit : « Tous courent, mais un seul obtient le prix. Luttez pour l'obtenir ». Cette affirmation est, comme nous l’avons vu, discutable, mais on peut le comprendre d’une certaine manière. Ce travail pour accueillir la grâce, ne peut se faire que si l'on parvient à avoir une conception individuelle de la foi. Il faut travailler sa vie spirituelle pour soi-même et accepter que ce travail soit personnel et individuel.

En effet, Dieu n'est pas simplement une vocation globale, comme dans le New Age où l'on parle d'un esprit du monde qui nous soutient tous. Ce que Paul dit, c'est qu'il ne faut pas en rester là. Il n’y a pas juste un appel général à bien faire et qui ne motive pas grand monde. Ce qui est important, c'est de se savoir soi-même appelé par Dieu. Ce n'est pas le monde entier que Dieu appelle à la paix, c'est moi. Et je dois me considérer comme l'ouvrier de paix choisi par Dieu. C'est ma vocation personnelle. Il y a un travail à faire pour comprendre que cette vocation globale de l'humanité, s'adresse à moi, individuellement. J'ai un rôle unique à jouer pour Dieu et dans le monde. Je dois me considérer comme un ouvrier de paix, avec un rôle unique parce que je suis unique.

Paul dit : « Travaillez pour être le meilleur ». Mais en réalité, il s'agit de travailler pour être la meilleure version de soi-même. Chacun de nous est unique, une pièce unique aimée et sauvée par Dieu. Nous sommes chacun une merveille du monde, et le seul prix à gagner est d'être la meilleure version de nous-mêmes. C'est une véritable ambition et un véritable appel.

On peut avoir de l'ambition pour soi-même. Pour se sentir appelé, il faut accepter de ne pas se croire totalement nul. Chacun de nous compte infiniment, et trop se dévaloriser est démobilisant. Celui qui croit ne rien valoir, qu’a-t-il à donner ? Même quand on nous dit qu'il faut aimer son prochain, si je ne suis rien, que vaut mon amour ? Mon amour a de la valeur parce que je suis quelqu'un, que j'ai quelque chose à donner et que je ne suis pas rien. Dieu qui m'aime... c'est la plus grande et la plus belle nouvelle de toute l'histoire de ma vie. Cet amour vaut quelque chose parce que Dieu est infiniment grand. Le Dieu de l’Univers s’intéresse à moi ! Quelle nouvelle ! Quel honneur ! Quel amour ! Pour que mon amour ait aussi de la valeur, il faut que j'admette que je ne suis pas rien.

Nous sommes champions par grâce, choisis par Dieu. Comme ce verset d'Ésaïe cité souvent lors des baptêmes d'enfants : « Je t'ai appelé par ton nom, tu es à moi, ne crains rien, car je t'aime ». C'est une des plus belles paroles qui soit. Chacun a une valeur infinie parce qu'il est aimé et choisi.

Voilà la couronne impérissable dont parle Paul. Ce n'est pas ce que vous réaliserez matériellement dans votre vie, que ce soit dans le sport, le travail ou autre. Ce sont là des couronnes périssables. La seule chose impérissable, c'est vous. Vous êtes irremplaçable. La couronne impérissable, c'est celle qui ce que l’on est soi-même éternellement pour Dieu. C’est de se considérer comme choisi par Dieu. Nos réalisations et nos actes sont des choses temporelles, mais notre être intérieur, notre être intime, qui est aimé pour aimer, est la chose la plus essentielle qui soit.

Tout cela est merveilleusement illustré par l’histoire du petit Samuel qui entend un appel indistinct, mais qui comprend finalement que cet appel est pour lui. « Samuel, Samuel »... et il répond : « Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute ». Dieu l'appelle par son nom, établissant une relation unique avec lui, et il accepte d’entrer dans cette relation en écoutant l’appel. Cela nous fait comprendre que chacun de nous est un être unique aux yeux de Dieu, indépendamment de nos imperfections ou de nos accomplissements, il nous appelle par notre nom. Notre véritable honneur ne réside pas dans des couronnes périssables, mais dans le fait d'être aimés et appelés par Dieu en Jésus-Christ. C'est cette vérité que nous devons garder à l'esprit en permanence.

Efforts et intelligence

Pour cela, Paul nous donne encore deux consignes. La première, la plus difficile à comprendre, est de tenir son corps « sévèrement assujetti ». Cette exhortation ne doit pas être comprise comme un appel à un ascétisme radical ou à un dualisme corps-esprit. Jésus lui-même n'était pas un ascète.

Il peut s’agir d’abord d'une invitation à ne pas se complaire dans le salut par grâce, mais à maintenir une certaine rigueur morale. Le message de la grâce n'est pas une dispense de toute exigence éthique. Il implique une discipline spirituelle : assister au culte, lire la Bible, prier, se rappeler constamment cet appel divin qui donne sens à notre vie.

Mais d’une façon plus générale, ce que Paul évoque en parlant du « corps » peut signifier la personne toute entière. Et cette mise à l'écart du corps peut être comprise comme la nécessité d’un dépassement de soi. Bien que valorisés en tant qu'individus, nous ne devons pas rester centrés sur nous-mêmes, mais nous mettre au service de Dieu et des autres. Il y a donc un double mouvement : d'abord une revalorisation de l'individu, puis un don de soi. Notre vie n'est pas faite pour être préservée égoïstement, ni pour se mettre au service de soi-même, mais pour être sacrifiée au service d'une cause plus grande. C'est en nous mettant au service de Dieu, la plus grande chose au monde, que nous trouvons notre plus grande dignité.

La deuxième exhortation de Paul est particulièrement facile à comprendre : il nous invite à agir avec intelligence et discernement : « je cours, mais non pas à l’aventure ; je donne des coups, mais non pour battre l’air ». La foi ne doit pas être un abandon aveugl qui dispenserait d’être intelligent. Nous sommes appelés à utiliser notre intelligence pour déterminer nos actions. L'activisme sans réflexion ne mène à rien. Il faut réfléchir, peser les options, avoir de l'ambition spirituelle tout en agissant avec raison

 

Voici que ces passages de Paul à propos des sportifs, apparemment simples, recèlent en réalité une profonde leçon de théologie. Paul ne se contente pas de nous faire la morale ; il nous offre une vision bien plus riche. Pour en saisir toute la portée, il faut creuser le texte et le replacer dans le contexte global de la prédication de l'Évangile.
Alors on peut voir que ces exhortations sportives de Paul nous rappellent la grâce extraordinaire qui nous est faite. Chacun de nous est considéré comme un champion aux yeux de Dieu, aimé, choisi et jugé digne d'être son serviteur. C'est là notre plus grande dignité, notre plus grande joie et notre couronne incorruptible. Nous sommes appelés à servir un Dieu d'amour, de pardon, de grâce, de joie, de paix et de service. Là est notre couronne incorruptible.

Louis Pernot

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I Corinthiens 9:24-27

24Ne savez-vous pas que ceux qui courent dans le stade courent tous, mais qu’un seul reçoit le prix ? Courez de manière à l’obtenir. 25Tout lutteur s’impose toute espèce d’abstinences ; eux, pour recevoir une couronne corruptible, nous, pour une couronne incorruptible. 26Moi donc, je cours, mais non pas à l’aventure ; je donne des coups de poing, mais non pour battre l’air. 27Au contraire, je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur, après avoir prêché aux autres, d’être moi-même disqualifié.

Philippiens 3:12-14

12Ce n’est pas que j’aie déjà remporté le prix ou que j’aie déjà atteint la perfection ; mais je poursuis (ma course) afin de le saisir, puisque moi aussi, j’ai été saisi par le Christ-Jésus. 13Frères, pour moi-même je n’estime pas encore avoir saisi (le prix) ; mais je fais une chose : oubliant ce qui est en arrière et tendant vers ce qui est en avant, 14je cours vers le but pour obtenir le prix de la vocation céleste de Dieu en Christ-Jésus.

 

 

I Cor. 9:24-27, Phil. 3:12-14