Epiphanies, comment le Christ nous apparaît.
Prédication prononcée le 6 janvier 2019, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot
Après Noël, traditionnellement nous fêtons l’Epiphanie, mot qui signifie « manifestation ». Or en fait il y n’a pas une seule épiphanie, mais plusieurs, Jésus est manifesté comme le Christ aux mages dans l’évangile de Matthieu, certes, mais aussi au bergers dans celui de Luc, et encore à d’autres personnes, comme le vieillard Siméon qui reconnaît en Jésus « la gloire d’Israël son peuple ».
Or cela peut être intéressant pour nous, car le fait est que Jésus Christ est venu sur la Terre, la question, c’est comment il se manifeste à nous aujourd’hui, comment nous pouvons expérimenter qu’il est effectivement le sauveur de notre vie.
Or quand on regarde les exemples qui nous sont donnés dans l’Ecriture, ce qui frappe, c’est l’extraordinaire diversité de ces manifestations, le Christ apparaît à chacun en fonction de son propre système religieux ou psychologique préalable, et en arrivant, le Christ remplit l’espérance de chacun alors même qu’elles semblent très différentes les unes des autres.
Ainsi, les mages étaient astrologues et observaient les étoiles, et c’est par une étoile qu’ils découvrent le Christ. (Pourtant l’astrologie est très fermement condamnée dans l’Ancien Testament comme une abomination). Les bergers étaient dans l’attente de la venue du Messie, fils de David pour Israël, et c’est ainsi que Jésus leur est présenté, et ce avec toutes les modalités habituelles pour des gens de l’Ancien Testament : des anges, la gloire qui se manifeste etc. Siméon attendait la gloire pour son peuple et c’est bien ce qu’il reconnaît en Jésus.
Pourtant, bien que venant d’horizons différents, et ayant des attentes différentes, tous ces personnages ont un point commun : ils attendent quelque chose, et puis sont prêts à de l’ouverture vers les autres, comme les mages qui acceptent de dialoguer avec les prêtres de Jérusalem, alors qu’ils étaient eux-mêmes prêtres d’une autre religion perse. Les bergers, eux acceptent l’annonce des anges, bien qu’elle ne corresponde pas vraiment à ce qu’ils attendaient.
On peut en conclure que l’essentiel n’est pas tant la croyance de base que l’on a, mais la dynamique de l’existence, le fait d’être ouvert, attentif, et de savoir accueillir une réalité nouvelle, et de reconnaître dans quelque chose qui nous est présenté comme ce qui peut accomplir notre attente, quand bien même a première vue, cela nous semble totalement étrange ou étranger.
Le premier élément donc, c’est d’avoir une attente. Il faut avoir des vœux et des souhaits pour pouvoir avancer. Peu importe même la nature de ce désir, c’est en soi une dynamique possible pour notre vie. Ensuite, il ne faut pas trop formaliser précisément le mode avec lequel on souhaite que cette attente soit satisfaite, il faut être disponible. Tous nos protagonistes auraient pu être déçus : les mages viennent adorer « le roi des juifs » et tombent dans une étable. Les bergers attendaient le Messie et on leur donne un petit enfant, c’est tout à fait contraire à ce qu’ils attendaient. Dans l’Ancien Testament, jamais le messie n’est un enfant. Le messie, c’est un roi, un prophète, un homme fait que l’on consacre en l’oignant au service de Dieu, pas un bébé. Là on leur donne un bébé, d’accord, ils s’adaptent et acceptent le cadeau comme il est.
Il faut donc avoir une attente en premier c’est essentiel, sans quoi on ne saura jamais rien recevoir. Celui qui n’attend rien ne peut rien accueillir. C’est l’un des messages des Béatitudes, et particulièrement dans la version de Luc qui est plus générale. Luc dit : « heureux ceux qui ont faim et soif » (Luc 6 :21), Matthieu rajoute assez sagement « de justice » (Matt. 5 :6), mais en fait il n’est pas la peine de préciser : avoir faim de quoi que ce soit est déjà un bon point de départ. De même Luc dit simplement « heureux ceux qui sont pauvre », sans préciser si c’est spirituellement ou matériellement. Le seul fait de savoir qu’on manque de quelque chose, qu’on désire une situation nouvelle, d’être en attente est fondamental.
Ensuite, en effet, il faut être disponible et être capable de découvrir que même si les choses ne se passent pas comme on les attendait, néanmoins, on peut y trouver une réponse positive à notre attente.
Dans nos histoires de l’Evangile, à chaque fois il y a un décalage auquel consent les protagonistes. Les mages au départ sont mus par leur étoile, mais quand ils découvrent le Christ, l’étoile disparaît et ils rentrent sans étoile. Les bergers, faute de Messie opérationnel vont se contenter d’un signe (un bébé), et Siméon est tout content de cette gloire qui vient, mais en fait il ne la verra pas concrètement !
C’est peut-être la raison pour laquelle le peuple juif aujourd’hui ne reconnaît pas Jésus comme Messie. Ce qu’ils disent, c’est que quand le Messie viendra, il n’y aura plus de guerres, Jérusalem sera la capitale du monde, et les loups ne mangeront plus les agneaux. Or disent-ils, il y a encore des guerres, Jérusalem ne parvient même pas à réunir les territoires d’Israël et de la Palestine, et les loups mangent toujours de la viande, donc disent-ils nous ne sommes pas dans le temps de l’accomplissement des promesses de Dieu par la venue de son Messie. Mais c’est qu’ils sont trop fixés sur ce qu’ils attendent, et mettent tellement de conditions que jamais un tel Messie ne pourra venir. C’est comme celui qui dit qu’il ne se mariera que quand il trouvera une femme ( ou un mari ) ayant telles qualités physiques, morales et spirituelles, si l’idée est trop précise, évidemment qu’ils ne trouvera jamais celui ou celle qui pourra l’accompagner à construire une vie à deux dans le bonheur.
Jésus lui, accomplit l’attente, mais d’une manière inattendue... mais il accomplit l’attente quand même. Il est Messie, certes, mais pas comme on le pensait, il est roi... mais méprisé et humilié, sans pouvoir temporel et sans territoire, il est la gloire d’Israël son peuple... mais gloire telle que le peuple en question lui-même ne s’en glorifiera jamais !
C’est pourquoi beaucoup passent à côté de la bonne nouvelle du Christ, ainsi que le dit Paul, l’Evangile semble folie pour ceux qui cherchent la sagesse, et scandale pour les juifs. A ceux qui veulent des miracles en effet, Dieu en donne, mais pas comme ils le voudraient, le Jésus crucifié ne descend pas de la croix, il meurt comme un brigand sans l’intervention visible de Dieu. Mais pourtant il y a une bonne nouvelle pour celui qui sait la voir, c’est ce qui va se passer ensuite : à partir de la Pentecôte, la naissance de l’Eglise et de millions de croyants qui savent que pour eux Christ est vivant et les accompagne. De même à ceux qui voulaient l’obéissance stricte à la loi, Jésus dit bien qu’il accomplit cette loi, mais il le fait d’une manière curieuse en la transgressant, ce que ne pourront comprendre les pharisiens accrochés à leur intégrisme.
Ainsi le Christ accueille toutes les attentes, les espérances, les modes d’être, les pratiques, les fois, les religions, et il permet à chacun de trouver l’accomplissement de son attente, de ses espérances. Il y a une grande ouverture dans l’accueil du Christ à chacun, il n’est pas demandé aux mages de se convertir au judaïsme, ni aux bergers de cesser de croire à ces sornettes d’anges jouant de la trompette, il prend l’attente, le mode de vie, l’espérance de chacun, il l’accepte, et y répond juste à sa manière. Certes, il répond d’une façon décalée, mais sans nier l’attente ou la culture, au contraire il s’appuie dessus.
Il faut que nous sachions cela pour notre propre vie. C’est dans notre culture, dans nos préoccupations que Jésus peut se révéler et c’est là qu’il peut apporter quelque chose. Il est la réponse à nos interrogations, à nos attentes, quelles qu’elles soient, mais sans doute pas forcément comme nous l’attendrions. De même on enseigne que la prière toujours est exaucée, Dieu y répond toujours, mais pas forcément et même rarement de la manière que nous aurions envisagé nous. C’est pourquoi il faut une grande disponibilité pour écouter et être capable de comprendre et de recevoir la réponse de Dieu, et comment le Christ peut combler notre attente.
Cela doit nous amener à en tirer des conséquences pour construire un christianisme moderne : il ne faut pas prendre ces récits pour des exemples à imiter, ni vouloir imiter la foi des premiers chrétiens, ni même prendre pour exemple la manière avec laquelle on croyait du temps de nos Réformateurs. Au contraire, les récits que nous avons cités sont des preuves qu’il faut adapter l’Evangile à la culture, à l’époque, et accepter les préoccupations des gens, leurs aspirations, ne pas les nier, ni tenter de donner des réponses à des questions qui ne sont plus les leurs. Il faut donc accepter les questions, les aspirations d’une époque, et montrer que d’une certaine manière, l’Evangile y répond, même si en y répondant, même si, par cette réponse, il nous force à nous déplacer, à bouger dans nos convictions ou notre manière de voir l’issue. Il faut vivre dans notre monde, et l’Evangile ne demande pas d’en sortir. L’originalité du message se trouve dans la manière de recevoir la réponse à nos aspirations.
Il nous faut admettre un christianisme non formaté et tolérant. Le Christ peut se manifester de beaucoup de manières différentes suivant la personnalité de chacun, et même dans des voies apparemment condamnables. Le modèle de vie chrétienne en tout cas n’est pas unique. Le Christ peut se révéler comme ultime rationalité à celui qui a un esprit rationnel, source infinie d’esprit au charismatique, comme celui qui donne la paix à l’angoissé, un amour infini à celui qui se sent mal-aimé, comme celui qui accomplit la justice à celui qui est sensible à cela etc.
Quelle que soit notre question, le Christ a une réponse. La première chose à faire donc, c’est de savoir quelle est notre espérance, notre attente. En cela, la période des vœux en début d’année est tout à fait essentielle, elle permet d’exprimer, de verbaliser, ce qui nous tient le plus à cœur, de dire simplement ce que l’on espère et attend. Un bon nombre de personnes s’agacent contre ces vœux en disant qu’ils ne servent à rien, ou sont souvent sans grande élévation, mais il n’y a pas à réagir ainsi, il faut accepter ces vœux, les entendre, et tout vœu sincère est formulable, il faut l’accepter sans culpabiliser et juste voir comment le Christ peut y répondre. Notre foi consiste non pas à nous empêcher d’avoir des vœux, mais plutôt peut permettre de les sublimer. Nos désirs et nos attentes sont la dynamique de notre être, il faut s’appuyer dessus pour les orienter. Il n’y a donc pas de désir, d’aspiration, d’ambition qui soit mauvaise en soi, c’est la réponse qui compte.
Si on prend les vœux les plus simples et les plus courants, on trouve en général : la santé, l’argent, la longue vie, ne pas souffrir, l’amour, sortir de la crise, le statut social, les enfants, la vie personnelle, la famille, la vie professionnel. Admettons et voyons comment le Christ peut répondre à tout cela :
Pour ce qui est de la santé qui est le vœu de bonne année le plus répandu, il n’y a pas à s’en dé-préoccuper. Jésus lui-même a guéri les malades quand il le pouvait, et soulagé physiquement ceux qui souffraient. Mais le message de l’Evangile est bien que la santé physique n’est pas tout : « ne craignez pas ceux qui peuvent tuer le corps... mais plutôt l’âme » (Matt. 10:28). La vraie santé est intérieure, spirituelle, et la pire maladie est la culpabilité. C’est ainsi que dans le premier miracle de l’Evangile de Marc, Jésus dit au paralytique « tes péchés te sont pardonnés » (Marc 2:5). Certes il le guérira quand même physiquement, mais l’essentiel de la guérison est dans la délivrance de la culpabilité. L’Evangile ne dit pas que la vie physique n’est rien, il n’apprend pas le détachement absolu, mais que la vie physique n’est pas tout, et en tout cas pas le plus important. Il faut hiérarchiser. L’idolâtrie consiste à se préoccuper ultimement de quelque chose de non ultime. Ce peut être le cas pour la santé physique si cela devenait la seule et unique préoccupation. Peut-être que le vœu chrétien consisterait à dire non pas tellement « surtout la santé (physique) », mais « et tant que possible la santé ! ».
A celui qui désirerait rester jeune, la réponse du Christ est de dire qu’on peut rester jeune dans son cœur et que c’est le plus important. Il invite à accueillir le Royaume de Dieu comme des enfants, et que ce « royaume est pour ceux qui leur ressemblent » (Matt. 19:14). Paul dans le même sens dira que « même si notre être extérieur se dégrade, notre être intérieur se renouvelle de jour en jour ». (II Cor. 4:16)
Si quelqu’un désire être riche, pourquoi pas, il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade ! Tout dépend de l’état d’esprit. Et le Christ dira « amassez vous des trésors dans le ciel où le voleur ne perce ni ne dérobe » (Matt. 6:20).
Vous voulez avoir de bonnes vacances, très bien ! Mais même si vous ne pouvez vous payer des vacances à Saint-Tropez, le Christ dit : « venez à moi et je vous donnerai du repos ». (Matt 11:28).
Vous voulez être dans un pays en paix ? On peut le comprendre, le Christ lui nous dit : « je donne la paix, je vous laisse ma paix, mais je ne donne pas comme le monde donne » (Jean 14:27).
L’espérance du Christ n’est pas quelque chose qui doit nous nier. Jésus n’est pas pour nier le monde, mais pour l’accomplir, le transcender. Il n’est pas tant question de tuer le vieil homme que, plutôt de l’élever à Dieu. La nouvelle création naît à partir de l’ancienne. Nos désirs et nos aspirations, il n’y a pas à les rejeter, ou les refouler, mais au contraire, construire dessus pour aller plus loin encore. Si on nie ce moteur de nos aspirations, ou simplement ce que nous sommes, alors nous ne pouvons que tomber dans le vide totalement inertes. Mais inversement, si nous en restons à nos petits désirs matériels, nous n’irons pas très loin. L’Evangile ne nous demande pas de renoncer à nos ambitions, mais d’en avoir de plus grandes et de plus essentielles encore. Nous ne pouvons vivre sans dynamique et le Christ ne peut se manifester qu’à partir de nos aspirations, il vient se révéler à nous où nous sommes tels que nous sommes. Et c’est là que le Christ peut venir, et il saura nous amener vers là où il faut. Les réponses du Christ à nos vœux sont les bonnes réponses. Donc faisons tous les vœux possibles et attendons d’entendre ce que Jésus donnera comme réponse, c’est a la bonne réponse !
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Matthieu 2:1-12: Les mages
2 1Jésus était né à Bethléhem en Judée, au temps du roi Hérode. Des mages d’Orient arrivèrent à Jérusalem 2et dirent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l’adorer. 3A cette nouvelle le roi Hérode fut troublé, et tout Jérusalem avec lui. 4Il assembla tous les principaux sacrificateurs et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ. 5Ils lui dirent : A Bethléhem en Judée, car voici ce qui a été écrit par le prophète :
6Et toi, Bethléhem, terre de Juda
Tu n’es certes pas la moindre
Parmi les principales villes de Juda ;
Car de toi sortira un prince,
Qui fera paître Israël, mon peuple.
7Alors Hérode fit appeler en secret les mages, et se fit préciser par eux l’époque de l’apparition de l’étoile. 8Puis il les envoya à Bethléhem, en disant : Allez, et prenez des informations précises sur le petit enfant ; quand vous l’aurez trouvé, faites-le-moi savoir, afin que j’aille moi aussi l’adorer.
9Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici : l’étoile qu’ils avaient vue en Orient les précédait ; arrivée au-dessus (du lieu) où était le petit enfant, elle s’arrêta. 10A la vue de l’étoile, ils éprouvèrent une très grande joie. 11Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. 12Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner vers Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Luc 2:8-12: les bergers
8Il y avait, dans cette même contrée des bergers qui passaient dans les champs les veilles de la nuit pour garder leurs troupeaux. 9Un ange du Seigneur leur apparut, et la gloire du Seigneur resplendit autour d’eux. Ils furent saisis d’une grande crainte. 10Mais l’ange leur dit : Soyez sans crainte, car je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie qui sera pour tout le peuple : 11aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. 12Et ceci sera pour vous un signe : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche.
13Et soudain il se joignit à l’ange une multitude de l’armée céleste, qui louait Dieu et disait :
14Gloire à Dieu dans les lieux très hauts,
Et paix sur la terre parmi les hommes qu’il agrée !
15Lorsque les anges se furent éloignés d’eux vers le ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : Allons donc jusqu’à Bethléhem, et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. 16Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph, et le nouveau-né dans la crèche