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Comment Jésus nous fait-il marcher sur l'eau ?

Prédication prononcée le 9 août 2020, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot

Traverser la mer

On trouve divers récits dans les évangiles où Jésus marche sur l’eau, mais le récit de Matthieu a une particularité : non seulement il le fait, mais en plus il permet à Pierre de marcher aussi sur la mer. Il y a donc une double bonne nouvelle : non seulement Jésus est extraordinaire, mais aussi il donne ses pouvoirs à Pierre. Le croyant n’est ainsi pas seulement face à un sauveur merveilleux, mais a un Christ, fils de Dieu qui lui transmet son propre pouvoir de vie.

La clé de lecture de ce type de récit est bien connue. L’eau en grande quantité dans la Bible est signe de mal, d’épreuve et de mort. En petite quantité, l’eau est signe de grâce (comme la source dans le désert ou la rosée), mais la mer, c’est le déluge, le lieu où se trouvent les monstres marins, on y perd pied et on risque de s’y noyer.

Dieu déjà avait permis de se sauver de la mer dans l’Ancien Testament, c’est l’histoire de l’Exode. Le peuple alors fuit l’Égypte et le pharaon furieux sous la direction de Moïse, il arrive devant la mer, et là il se dit qu’il ne pourra pas traverser, l’obstacle semble impossible et il pense qu’il va y mourir. Mais Dieu permet à Moïse d’ouvrir la mer en la frappant avec son bâton, et le peuple peut ainsi la traverser à pied-sec sans problème pour parvenir sur l’autre rive.

Cette histoire est bien connue des enfants de l’École Biblique, peu importe comment cela s’est passé historiquement, et quand on leur demande d’aller au-dela de la petite histoire pour en trouver le sens, assez facilement ils comprennent que cette expérience peut être la nôtre. Parfois en effet, nous pouvons être devant des événements qui nous semblent in-traversables. Nous nous disons que ce qui se profile devant nous est trop difficile, trop dur, qu’on va s’y perdre, couler... Mais Moïse montre qu’avec l’aide de Dieu on peut y arriver et traverser ce qui pouvait nous sembler insurmontable. Il faut avoir confiance en Dieu avec qui tout est possible !

Et dans notre texte de l’Evangile, nous voyons qu’avec le Christ, de nouveau, Dieu permet de survivre et de traverser les obstacles, les épreuves et même la mort, sain et sauf.

Mais il y a un changement fondamental de paradigme, une théologie toute différente, ce qui est attendu de Dieu n’est plus du tout du même ordre. Certes Dieu encore permet de traverser l’épreuve, mais plus de la même manière. Dans l’Ancien Testament, Dieu aide en enlevant les obstacles devant le croyant. On croyait alors à un Dieu qui pouvait intervenir sur les événements, et ainsi éviter les épreuves au croyant en l’en préservant. Dans le Nouveau Testament, on voit que Dieu n’intervient plus sur les événements mais sur le croyant. Il n’écarte pas la mer, mais il permet à Pierre de marcher dessus sans s’enfoncer. Il n’y a donc pas de promesse que Dieu éviterait les difficultés au croyant, mais qu’avec son aide, celui-ci pourra toujours traverser tout ce qu’il lui serait donné d’affronter. C’est une véritable révolution théologique.

Et non seulement Dieu peut aider, mais il peut même transformer le mal et la difficulté en chance. C’est ce que disait joliment le théologien Eugen Drevermann : Dieu fait que pour Pierre, ce qui menaçait de le tuer devient ce qui le porte. Dieu ne fait donc pas que d’aider à supporter la difficulté, il peut transformer le mal en bien. Et tout ce que nous avons subi ou ce que nous subissons peut, avec l’aide de Dieu, devenir une chance, des atouts pour avancer encore mieux dans la vie. L’ultime de cela est bien sûr la croix, outil de torture, symbole de mort qui deviendra pour des milliers de croyants la puissance de la vie et de la résurrection. C’est là un miracle incroyable de ce qui est possible avec Dieu, avec la force de la prière et de la foi.

Comment marcher sur l’eau ?

Et notre texte en plus montre tout-à-fait bien le processus, comment il nous est possible ainsi de marcher au-dessus de la mer menaçante.

1. D’abord, Pierre pourra le faire parce que Jésus a marché avant lui sur l’eau, celui-ci a montré l’exemple, il ouvre la voie. Il est vrai que Jésus nous montre une vie qui a transcendé la mort, l’épreuve, l’injustice, la trahison, la solitude, l’absence de famille ou d’amis, comme la difficulté d’être dans un pays en guerre... Jésus, lui, a marché au-dessus de tout ça. Et nous pouvons voir que sa vie, que nous regardons comme la plus grande et la plus belle, est à la base une vie privée de tout ce après quoi nous courrons sans cesse, la vie de quelqu’un à qui est arrivé à peu près tout ce que nous pouvons redouter... Cela peut nous donner confiance : nous ne sommes pas les premiers à souffrir... la vie est possible, et la volonté de vivre avec l’aide de Dieu peut faire des merveilles.

2. Ensuite Pierre dit, « qu’est-ce qui m’empêche de venir ? Rien, dit Jésus : viens vers moi ». Voilà le secret : il ne s’agit pas pour Pierre d’aller n’importe où, mais il peut marcher sur l’eau tant qu’il marche vers le Christ. On peut traverser avec une force incroyable les pires des choses tant qu’on va vers son idéal sans se préoccuper de soi-même, et sans avoir peur.

« Le juste vivra par la foi » dira Paul. (Rom. 1:17), et c’est vrai ! Surtout si l’on sait que dans la Bible, la foi n’est pas comme aujourd’hui souvent un sentiment religieux, mais une certitude. C’est l’adhésion de tout son être à une vérité. La foi biblique qui sauve, c’est une visée, une conviction, un idéal auquel on tient fermement. Avoir la foi, c’est garder un regard tendu vers son idéal et foncer en avant sans rien craindre, alors on peut, comme Pierre, traverser des océans, des ravins, des montagnes, « tout est possible à celui qui croit » (Matt. 9 :23).

3. Or, à un moment Pierre, au lieu d’aller vers son but, se regarde lui-même, il s’arrête, il prend peur alors et du coup s’enfonce. Il y a là une vérité : dans la vie, dès qu’on s’arrête, on s’enfonce. C’est un peu comme pour le ski nautique, il ne faut pas s’arrêter ! Parfois, on peut avoir la tentation de se dire qu’on va en faire moins, s’arrêter, laisser de côté son idéal ou sa mission... mais sauf nécessité, ce n’est pas une bonne idée. Nous aurons tout le repos éternel pour ne rien faire ! Pour l’instant, nous sommes dans le monde, et le seul moyen de vivre dans ce monde est de ne jamais renoncer à son idéal, de ne jamais se mettre en vacances d’aimer, de servir, d’écouter ou d’aider. « Quiconque en effet voudra sauver sa vie la perdra, mais quiconque perdra sa vie à cause de moi la trouvera » (Mat. 16:25).

Comment Dieu sauve celui qui n’y parvient pas

Pierre donc a tort de s’arrêter et de se regarder lui-même... mais il nous permet ainsi d’accéder à une autre bonne nouvelle encore plus importante peut-être et qui est la deuxième partie du message !

Parce que certes, il faut avancer avec force, confiance, rester dans un engagement tendu vers son idéal et ne jamais douter, ne pas faiblir, alors on peut tout traverser... mais moi, parfois, je n’ai plus la force, ou même la volonté d’avancer, je n’y arrive pas. Parfois je m’arrête, parfois j’ai peur, parfois, je suis las ou je manque de foi... Serais-je alors condamné à m’enfoncer et à mourir ?

Non, car l’Évangile n’est pas une théologie volontariste, on n’est pas sauvé par ses œuvres, ni même la qualité de sa foi. Certes, il est bien d’agir et de croire, cela sauve la vie, mais ce n’est pas seul moyen. On le voit là avec Pierre : donc il s’enfonce, il perd pied et prend peur. Il fait alors ce qu’il y a de mieux : il crie : « Seigneur, sauve-moi !». Il appel à Dieu, il crie à Dieu sa détresse, il prie ! Et il a raison parce que ce n’est pas nous qui sauvons notre propre vie, mais c’est Dieu qui peut la sauver.

Alors le Christ approche, il lui tend la main, il prend celle de Pierre et le relève. Merveilleuse image de la puissance de Dieu qui sauve sans mérite de notre part, simplement parce que je lui dis : « Seigneur sauve moi ». Et cette prière n’est même pas celle du croyant qui serait plein de foi puisqu’après, Jésus fait des reproches à Pierre en le traitant d’ « homme de peu de foi » ! Ainsi, Jésus sauve Pierre, sans mérite de sa part, sans lui faire de leçon. Quand Pierre coule, Jésus ne lui dit pas : « allons, allons, un peu de nerf, crois seulement, reprends-toi en main etc. ». Pierre crie à lui, le Christ le sauve. Point ! Ensuite certes, il lui fait un peu la morale : « homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » (Matt. 14 :31), mais après seulement l’avoir sauvé, pour l’aider à progresser, car la grâce sauve, mais elle ne laisse pas sur place.

Et c’est seulement après que les disciples peuvent reconnaître Jésus comme le Messie. Alors Jésus monte dans la barque avec eux, le vent tombe, et ils arrivent à la confession de foi parfaite : « Tu es véritablement le Fils de Dieu ».

En fait, c’est là et seulement là qu’on est dans la foi idéale, et dans l’attitude la plus juste. La première partie de l’histoire est intéressante et dit des choses morales assez justes sans doute, mais prétendre pouvoir parvenir par ses propres forces à tout supporter pour atteindre la perfection du Christ est condamné à l’échec. On ne peut pas y parvenir, et y croire est se condamner à l’échec, au découragement, et finalement à se perdre. Dieu seul peut sauver et c’est quand on comprend cela qu’on peut parvenir à trouver la paix.

Et puis l’idéal de la relation au Christ n’est pas dans cette démarche chaotique du début de l’histoire, démarche faite d’excès de confiance, d’échec, et de secours spectaculaire du Christ. L’idéal de la relation au Christ est juste une présence douce, harmonieuse. Et l’idéal du Chrétien est de vivre continuellement avec lui comme compagnon dans sa barque sans rien craindre ainsi ni de la mer ni des tempêtes. Alors quand on a comme cela son sauveur à son bord dans sa vie, on peut aller très loin sans avoir peur de rien ! Mais peut-être que c’est là le fait d’une foi mature, les expériences premières décrites dans notre histoire ressemblent fort à ce qu’expérimentent les nouveaux convertis, il y a quelque chose de spectaculaire, d’héroïque même, d’admirable dans une foi totale, mais la vraie foi ne se trouve pas là. La vraie foi, elle est, comme l’Eternel l’explique au prophète Elie, ni tans le tonnerre, ni dans le grand vent, ni dans les manifestations stupéfiantes, mais dans un souffle doux et subtil qui nous accompagne, nous protège et nous fait vivre.

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Matthieu 14:22-33

22Ensuite, il obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. 23Après les avoir renvoyées, il monta sur la montagne pour prier à l’écart ; et le soir venu, il était là seul.
24La barque était déjà à une distance de plusieurs stades de la terre, malmenée par les vagues ; car le vent était contraire. 25A la quatrième veille de la nuit, Jésus alla vers eux en marchant sur la mer. 26Quand les disciples le virent marcher sur la mer, ils furent troublés et dirent : C’est un fantôme ! Et dans leur crainte, ils poussèrent des cris. 27Jésus leur dit aussitôt : Rassurez-vous, c’est moi, n’ayez pas peur ! 28Pierre lui répondit : Si c’est toi, ordonne-moi d’aller vers toi sur les eaux. 29Et il dit : Viens ! Pierre sortit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus. 30Mais en voyant que le vent était fort, il eut peur, et, comme il commençait à enfoncer il s’écria : Seigneur, sauve-moi ! 31Aussitôt Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? 32Ils montèrent dans la barque, et le vent tomba. 33Ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant Jésus et dirent : Tu es véritablement le Fils de Dieu.

 

Matt. 14:22-33