Accéder au contenu principal
56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Ecouter la version audioConf MP1

Anne et Siméon: vive le trans-générationnel !

Prédication prononcée le 2 février 2020, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur Louis Pernot 

Lors de sa présentation au Temple quand il avait 8 jours, l’enfant Jésus est montré par Luc comme étant accueilli par deux personnages assez remarquables : Siméon et Anne. Tous deux vont témoigner du fait que le Christ apporte dans leur vie quelque chose d’extraordinaire et ils disent en quoi il est une bonne nouvelle pour l’humanité toute entière. Mais il y a une curiosité qui ne peut être un hasard, et dans laquelle il y a forcément un message à trouver : tous deux sont des personnes très âgées. Siméon est sur le point de mourir, et Anne doit avoir près de 100 ans puisqu’elle a vécu 84 ans après son mariage ! Pourquoi donc cet enfant tout jeune doit-il être accueilli d’abord par deux personnes très âgées ?

On peut avec un certain humour penser qu’en fait cela ressemble beaucoup à ce qu’on observe dans bien des paroisses d’aujourd’hui : on y trouve des enfants et des personnes âgées, les gens dans la force de l’âge sont peu présents ! Mais cela n’est pas le cas dans toutes les Églises ! Et même, ce ne serait donc pas forcément grave, les jeunes sont potentiellement des futurs vieux, et ils viendront à leur tour...

Et puis ce serait oublier que dans notre texte, il y a Marie et Joseph qui eux ne sont ni enfants ni vieillards. Certes, ils n’ont pas le premier rôle, mais comme beaucoup de parents de nos jours, sans doute ont-ils beaucoup à faire. S’occuper d’une famille, de son métier, de toutes ses activités laisse peu de loisir en temps et en disponibilité. En fait, Marie et Joseph, dans notre texte ne font pas rien, ils sont montrés à plusieurs reprises en train d’accomplir ce que la religion demandait. Ils font fidèlement ce que prescrit la Loi du Seigneur. Il y a un temps pour tout, la force de l’âge a celui de l’action, et le devoir alors est avant tout de transmettre et d’être le lien entre les générations passées et celles qui viennent, sans rompre cette chaîne.

Quant à ce premier rôle donné à deux personnes âgées pour ce qui est de l’accueil du Christ, on peut le comprendre de plusieurs manières.
Ce peut être pour dire que l’âge n’est pas un handicap pour accueillir le Christ. Même vieux, on peut avoir sa vie changée, on peut découvrir une joie réelle et profonde et être témoin de l’extraordinaire de Dieu pour toutes les générations.

Ou ce peut être pour dire que précisément, les personnes âgées ont une sagesse particulière, un recul, une expérience leur permettant de voir la vie dans son ensemble, et ont ainsi beaucoup à apporter aux jeunes. C’est la richesse du transgénérationnel que nous redécouvrons aujourd’hui. Ainsi n’est-il sans doute pas un hasard que dans notre paroisse un bon nombre d’enfants de l’École biblique soient amenés par leurs grands-parents, alors que nous ne connaissons parfois même pas les parents eux-mêmes ! Ce rôle des anciens est une chance pour tout le monde ! Nous n’aurions pas la foi en Christ si les générations précédentes n’avaient veillé sur cette foi précieusement pour qu’elle soit disponible pour nous, et c’est grâce à ces témoins qui ont pu dire qu’elles avaient « vu le salut de Dieu en Jésus Christ » que nous pouvons à notre tour accéder à la foi.

Cela dit Siméon et Anne, sont montrés comme ayant tous deux une espérance, une attente, une soif de vie, de joie et de paix. C’est en ceci qu’ils restent féconds bien qu’âgés. Mais ils ont aussi chacun leur personnalité et leur manière d’accueillir Christ.

1. Siméon
De Siméon il est dit qu’il « attendait la consolation d’Israël », c’est ce que nous disions : il n’est ni blasé ni cynique, il est dans l’attente, le désir, la soif de quelque chose de bon, d’une libération ; c’est la première condition pour pouvoir trouver tout cela. Mais en plus, il est dit qu’il était « juste et pieux ». Juste, cela veut dire qu’il agissait bien en vivant en juste adéquation avec la volonté divine, et pieux signifie qu’il avait une vie religieuse, une dimension spirituelle qu’in entretenait. Pour résumer, on pourrait dire qu’il accomplissait en fait le sommaire de la Loi qui est d’aimer Dieu de tout son cœur et son prochain comme soi-même. Siméon est donc une sorte de modèle du bon croyant, de celui qui vit sa foi et l’exigence évangélique dans la continuité de la foi qui lui a été transmise.

Mais Siméon a une autre qualité qui n’est pas dite explicitement, mais qui se trouve dans le sens de son nom : dans la Bible, les noms ont un sens qui définit la personne. Or « Siméon » signifie : « celui qui écoute ». Cela est lié bien sûr avec sa capacité à attendre, espérer, c’est le fait de ne pas se croire auto-suffisant ni de tout savoir, mais de toujours chercher, quêter, et croire qu’on peut toujours beaucoup recevoir à sortir de soi pour se mettre à l’écoute. A l’écoute de Dieu, sans doute, par la lecture de la Bible, par la prière, mais aussi à l’écoute des sages qui nous ont précédés, et enfin à l’écoute de ses frères et sœurs pour essayer de les comprendre, pour les aimer et les servir.

Siméon attendait beaucoup, et il recevra beaucoup, sans doute reçoit-on dans la proportion où l’on attend. Celui qui ne désire rien ou n’espère rien ne peut que rester sur place et s’enfoncer dans une sorte de désespoir immobile. Celui qui attend beaucoup de Dieu peut recevoir beaucoup.

Siméon alors est plein de joie, parce que, dit-il : « mes yeux ont vu ton salut ». Il affirme donc avoir vu le salut en Jésus Christ. C’est assez curieux, parce qu’en fait qu’a-t-il vu ? Un Jésus tout petit bébé. Il n’a donc pas vu la plénitude de la révélation du Christ. Il n’a pas vu la résurrection, ni grand-chose en fait. L’enfant Jésus ne pouvait encore rien dire de bien édifiant, il ne guérissait aucun malade, ne faisait aucun miracle aucun signe, ni quoi que ce soit. Il n’est qu’un sauveur en germe. Mais cela suffit à Siméon. En cela il est l’exemple de la foi qui se fonde sur l’espérance. Avoir la foi n’est pas forcément posséder en plénitude tous les dons de Dieu, n’être que dans la paix, la confiance, la force et la certitude. La foi, c’est vouloir se fonder sur ce que l’on a qu’en partie et croire que là est la vérité. Comme celui qui est dans la nuit et qui voit une étoile. Cette étoile n’est pas pleine lumière, mais elle suffit à lui montrer que la lumière existe et que la ténèbre n’est pas toute puissance. La foi, c’est alors même quand la nuit semble dominer, de croire dans la lumière. Ainsi Siméon n’a pas la réalisation en plénitude des promesses de Dieu, mais juste d’en voir le germe en Christ lui suffit à sa joie et à sa paix. L’épître aux Hébreux dit ainsi : « la foi est la ferme assurance des choses que l'on espère, la démonstration de celles que l'on ne voit pas » (Heb. 11). Et dira ailleurs Paul (Rom 8 :23ss) : ce que l'on espère, c'est justement ce que l’on ne possède pas en plénitude. Ainsi chacun peut expérimenter, même un peu, chacun à son niveau, selon sa sensibilité spirituelle, ou parfois, ou dans certaines situations particulières ce que Dieu peut apporter dans une vie, la transcendance, ou un sentiment de grandeur, de reconnaissance, de gratitude, d’amour, de paix. La foi consiste non pas à avoir tout ça sans cesse, mais à vouloir construire sur ces éclairs de lumière, et veiller sur eux pour les faire grandir. Ainsi encore Paul dit-il que nous n’avons que les prémisses de l’Esprit, qui peut dire qu’il a l’Esprit en plénitude ? Mais ces prémisses sont des germes de vie et de paix incomparables pour qui sait construire dessus. Siméon voit le Christ comme un enfant... Il en est heureux... mais cet enfant est appelé à grandir, pour nous, et pour le monde entier (Rom 8).

Et la réaction de Siméon est aussi exemplaire, non seulement il est heureux, mais en plus il bénit tout le monde. Il bénit Dieu, Jésus, Joseph, Marie, tous ceux qui sont là, et il glorifie Dieu. Cela peut sembler insignifiant, mais c’est en fait essentiel. Savoir être reconnaissant, c’est permettre çà une bonne nouvelle de s’enraciner en soi et de pouvoir porter du fruit. On dit que la chance, même dans la vie courante consiste plus à savoir saisir la chance que d’en avoir véritablement. Être reconnaissant, c’est savoir reconnaître le positif, et se laisser transformer positivement par le positif. Siméon voit, comprend ce qu’il y a de merveilleux en Jésus, et il en fait sa joie, et il rayonne autour de lui cette bonne nouvelle, devenant une source de bénédiction pour tous.

2. Anne
Quant à Anne, l’aïeule, elle ne quittait pratiquement plus le Temple et prenait part jour et nuit au culte par des jeûnes et des prières. Elle aussi à sa manière cherchait à être fidèle à Dieu, mais d’une manière plus mystique, plus cultuelle, c’était sa manière d’être.

En fait, nous ne savons que très peu de choses sur Anne, et ce qui nous est dit demande à être expliqué, parce que cela ne semble pas essentiel. Ce que l’on nous dit, c’est qu’elle s’appelle « Anne », qu’elle est la fille de Phanuel et qu’elle est de la tribu d’Aser. Nous avons vu que les noms dans la Bible ont un sens, et surtout dans ce début de l’Évangile de Luc qui nous précise que les noms de Jean et de Jésus sont à traduire de l’hébreu pour pouvoir être compris (« Jean » signifie « la grâce de l’Éternel » et « Jésus », « le salut de l’Éternel ». Or donc, « Anne » signifie la « Grâce (de Dieu) », « Phanuel » signifie « le visage de Dieu », comme en particulier dans cette célèbre bénédiction de Nombres 6 :26 : « l’Éternel tourne son visage vers toi et de tonne la paix », et « Aser » signifie « le bonheur ». Anne est donc tout un programme : Grâce de Dieu, fille de la bénédiction de Dieu, de la famille du bonheur.

C’est là la nature de tout croyant en fait. Nous sommes invités à être l’incarnation de la grâce, à vivre de la grâce pour la grâce, à nous laisser enfanter par notre relation à Dieu (son visage que nous voyons), et par sa bénédiction, de façon à accomplir notre vraie nature qui est celle du bonheur en vivant les Béatitudes.

Et puis l’autre renseignement sur Anne qui nous est donné sont des questions compliquées de nombres d’années. Il est dit qu’elle a vécu 7 ans avec son mari. 7, c’est le nombre de jours de la création, le 7e jour est celui de la bénédiction. Cette vie de famille a donc été pour elle une bénédiction. Puis il est dit qu’elle a été 77 ans en prière. 77 c’est une double bénédiction ! Mais cette dernière phase de sa vie ne s’oppose pas à la première, c’est bénédiction pour bénédiction. Et tout est bénédiction dans sa vie : les 84 ans font 12 fois 7. On pourrait dire qu’ainsi elle a vécu sans à peu près 2 fois 7 ans jeune fille vierge, puis 7 ans mariée, puis 77 ans proche de Dieu. Il y a un peu de tout, il y a pour chaque âge un temps, et chaque manière de vivre cet âge peut-être une bénédiction.

Finalement Siméon et Anne forment une bonne équipe, avec chacun sa personnalité, un homme et une femme, un actif et une contemplative. Chacun peut recevoir le Christ à sa manière, en étant très pratiquant ou non, en passant son temps au Temple, ou en étant dans l’action et l’amour du prochain en lien avec l’amour de Dieu. Le tout, c’est d’être en attente, à l’écoute, de savoir s’émerveiller, quel que soit son âge, et de savoir être des transmetteurs de vie, des passeurs de bonne nouvelle d’une génération à l’autre. Jésus vient à vous, ne vous découragez pas, il donne et donnera à chacun la force et la paix, la consolation. Vous pouvez aller en paix et en confiance, sa parole est une parole de vie et il nous fait voir le Royaume promis par Dieu.

Retour à la liste des prédications

Luc 2:21-40

21Quand le huitième jour fut accompli, il fut circoncis et fut appelé Jésus, du nom indiqué par l’ange avant sa conception. 22Et, quand les jours de leur purification furent accomplis selon la loi de Moïse, on l’amena à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, – 23suivant ce qui est écrit dans la loi du Seigneur : Tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur. – 24Et pour offrir en sacrifice une paire de tourterelles ou deux jeunes pigeons, comme c’est prescrit dans la loi du Seigneur.
25Et voici qu’il y avait à Jérusalem un homme du nom de Siméon. Cet homme était juste et pieux ; il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit Saint était sur lui. 26Il avait été divinement averti par le Saint-Esprit qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. 27Il vint au temple, (poussé) par l’Esprit. Et, comme les parents apportaient le petit enfant Jésus pour accomplir à son égard ce qui était en usage d’après la loi, 28il le reçut dans ses bras, bénit Dieu et dit :
29Maintenant, Maître, tu laisses ton serviteur
S’en aller en paix selon ta parole.
30Car mes yeux ont vu ton salut,
31Que tu as préparé devant tous les peuples,
32Lumière pour éclairer les nations
Et gloire de ton peuple, Israël.
33Son père et sa mère étaient dans l’admiration de ce qu’on disait de lui. 34Siméon les bénit et dit à Marie, sa mère : Voici : cet enfant est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël, et comme un signe qui provoquera la contradiction, 35et toi-même, une épée te transpercera l’âme, afin que les pensées de beaucoup de cœurs soient révélées.
36Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Elle était d’un âge fort avancé. Après avoir vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité, 37elle resta veuve, et, âgée de quatre-vingt-quatre ans, elle ne quittait pas le temple et servait (Dieu), nuit et jour, par des jeûnes et des prières. 38Elle survint elle aussi, à cette même heure ; elle louait Dieu et parlait de Jésus à tous ceux qui attendaient la rédemption de Jérusalem.
39Lorsqu’ils eurent tout accompli selon la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville.
40Or le petit enfant grandissait et se fortifiait ; il était rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

Luc 2:21-40