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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Parle parle Seigneur car ton serviteur écoute

Prédication prononcée le 10 juin 2012, au Temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

«Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute»: c'est ainsi qu'Eli enseigne au petit Samuel comment il devra répondre lorsque Dieu l'appellera; c'est là l'enseignement qui lui est donné Et cet enseignement nous concerne tous, à tout instant, parce que c'est une leçon de prière.

L'enjeu de notre vie, ce n'est pas le don de Dieu, puisqu'il est donné de toute façon, c'est la façon avec laquelle nous y répondons. Lors du baptême, on signifie que Dieu, inconditionnellement, s'approche de nous, nous aime, nous appelle par notre nom, nous prend pour ses enfants. Même pour un petit bébé qui ne demande rien, le baptême montre que l'appel de Dieu est toujours préalable. Lors de la confirmation, il est demandé aux jeunes de répondre s'ils veulent ou non répondre à cet appel de Dieu. Je ne crois pas que Dieu donne sa grâce à l'un, et pas à l'autre. Je crois que Dieu appelle tout le monde. La question est de savoir comment nous, nous répondons à cet appel.

Éle dit que le meilleur moyen de répondre à Dieu est de se déclarer son serviteur, et de lui demander de nous parler. Même si nous évitons de demander à Dieu qu'il se mette à notre service en nous amenant quelque avantage matériel, il nous arrive cependant de lui demander des biens spirituels: sa présence, sa grâce, son amour.

Tout au long de l'Ancien Testament, on voit le peuple d'Israël passer de l'idolâtrie à une foi vivante. L'idolâtrie, c'est la religion des sorciers qui essaient de forcer une divinité toute-puissante à aider les hommes dans leurs affaires: on fait des danses pour avoir de la pluie, des sacrifices pour avoir la victoire, des prières pour la fécondité du couple, des œuvres propitiatoires afin d'obtenir la bonne volonté, les bonnes grâces, le secours de Dieu. Le fondement de l'idolâtrie consiste à mettre Dieu à son service. On entre alors dans un système d'échanges, presque de chantage : Dieu agira peut-être si on lui donne de l'argent, si on va à l'église, si on est pieux, et si on prie... de préférence beaucoup, à plusieurs, selon des formules répétitives.

La merveilleuse évolution du peuple d'Israël dans l'Ancien Testament, c'est la compréhension que nous devons adopter la démarche inverse dans notre relation avec Dieu. Abraham est la transition entre l'idolâtrie et la piété juste : lui qui vivait tranquillement dans son pays, en faisant certainement des sacrifices idolâtres, il a tout quitté lorsque Dieu lui a demandé de partir, sans demander aucune assurance sur son avenir. Abraham a compris que ce n'est pas à l'homme de demander des services à Dieu, mais à Dieu de donner des ordres.

Si on vous disait que vous alliez rencontrer Dieu en direct, qu'il allait vous parler, que vous pourriez lui parler, comme dans les contes de fée, quelle est la demande que vous lui adresseriez? Élie vous l'indique: le mieux serait de dire : «Parle, Seigneur, ton serviteur écoute». La vraie relation à Dieu, c'est que NOUS, nous le servions, et pour le bien servir, il faut l'écouter afin de découvrir sa volonté, de comprendre comment agir: « il y a du mal sur la terre, il y a des choses que moi, humain, je n'arrive pas à réaliser, alors je ne te demande pas de tout faire, mais avec ton aide, je vais comprendre ce que tu veux, et je vais le faire ».

Certes la difficulté est là: il est difficile de reconnaître la voix de Dieu. D'ailleurs Samuel non plus, au début, n'a pas compris, et le rôle d'Élie est décisif, sans toute fois agir effectivement: il montre à Samuel que Dieu l'appelle. C'est peut-être cela le rôle de l'Église, non seulement celui de votre pasteur, mais notre rôle à tous, car nous formons une communauté responsable les uns des autres. Il ne s'agit pas de dire « Dieu t'appelle à agir de telle manière, à être chrétien dans cette voie, à être pasteur, médecin ou charbonnier ». Notre rôle est d'éveiller l'attention, d'apprendre à être attentif à l'appel de Dieu. C'est dans une relation personnelle à Dieu que l'on peut trouver son chemin, sa vocation, la manière de le servir. Mais dans tous les cas c'est une façon personnelle, et personne ne peut l'imposer, ni même la proposer.

Jésus nous incite donc à être des serviteurs. Des dizaines de passages nous montrent dans les évangiles qu'il va complètement à rebours de nos tendances humaines de volonté de puissance: « Parmi vous, il n'en sera pas de même, le plus grand ce sera votre serviteur ». C'est quand même gratifiant de savoir que dans notre vie nous avons un rôle de service, c'est-à-dire d'action et de responsabilité. Si Dieu a besoin de serviteur, c'est qu'il ne peut pas faire tout tout seul, ou ne le veut pas. Quelle que soit votre théologie, Dieu dit que c'est à nous d'agir dans ce monde.

Et d'ailleurs, ce commandement est même assez sage et humain: quand l'évangéliste Jean fait dire au Christ que nous devons être serviteurs les uns des autres, et que « vous serez heureux si vous savez cela, pourvu que vous le mettiez en pratique », ce n'est pas un paradoxe puisque c'est fondamentalement cette position de serviteur qui peut vraiment apporter un certain bonheur. Ensuite, être serviteur, c'est être libre. C'est ce que Hegel appelle la « dialectique du maître et de l'esclave », où il montre que c'est le maître qui n'est pas libre, car sa vie dépend de son esclave, de son travail, de sa bonne volonté; alors que l'esclave est responsable de sa propre vie et finalement le plus libre, car il n'a pas besoin du maître.

Ne voyons-nous pas que celui qui pense que c'est aux autres à être à son service est condamné à être perpétuellement, malheureux, frustré et déçu ? Et celui qui croit que Dieu doit être à son service est condamné à être perpétuellement malheureux, frustré et déçu. Celui qui croit que l'Église doit être à son service est condamné à être perpétuellement malheureux, frustré et déçu. Car on trouve toujours, lorsqu'on attend un service de quelqu'un, comme le maître de Hegel, que le serviteur ne fait pas bien son travail. L'Église dans laquelle vous entrez ne correspondra jamais à la vision personnelle de chacun des paroissiens: il y aura toujours trop par ci, et pas assez par là.

L'Église n'est pas une station-service: l'Église, c'est vous. Ce n'est pas à l'Église de se mettre à votre service, c'est à vous de vous mettre au service de l'Église. Si quelqu'un est déçu de ne pas avoir été accueilli au culte, il doit se demander au contraire si lui veut accueillir les autres. C'est peut-être pourquoi certaines classes sociales ont plus de chances d'être heureuses. Non pas ceux qui sont très bas, car ils retombent dans un système d'assistanat où ils seront forcément malheureux parce que les autres ne leur donnent jamais assez, mais les modestes classes moyennes ont plus de chances, car elles savent que tout ne leur est pas dû, que les autres, les institutions, l'état, les églises ne font pas suffisamment attention à eux et ne sont pas capables de leur donner tout ce dont elles ont besoin. Alors peut-être sont-ils plus tolérants. Alors que ceux qui ont l'habitude d'être servis dans leur vie deviennent exigeants, tyranniques, incapables de considérer que parfois une institution, ou des êtres, ou même Dieu, pourraient ne pas leur donner tout ce qu'ils attendent.

Ainsi, la bonne attitude est de se dire que tout est grâce: nous n'attendons rien, et tout ce que nous recevons doit être considéré comme une grâce, avec remerciements. Et d'un autre côté, le serviteur qui a fait tout ce qu'il pouvait doit considérer qu'il n'a fait que ce qu'il devait, que personne ne lui doit de remerciements, ni l'Église, ni les autres, ni Dieu, c'est « un serviteur inutile ».

Dieu ne nous doit rien, ni le bonheur, ni la santé, ni le travail. Tout ce que nous avons est grâce. Au début de l'évangile de Matthieu, il nous est dit: «Cherchez d'abord la parole de Dieu, et toutes choses vous seront données en plus », c'est à dire comme une grâce, comme un luxe, comme un plus dont on peut se passer. Il est donc possible que vous ne l'ayez pas, mais ce qui compte, c'est de rechercher cette parole de Dieu, c'est elle qui peut vous mettre au travail, vous indiquer ce que vous pouvez faire.

Donner, c'est le meilleur moyen de ne pas être déçu, et même de recevoir. Prendre tout ce qui nous est donné, non comme un dû, mais comme une grâce, c'est le secret de la vie heureuse, non seulement dans nos relations aux autres, mais aussi vis-à-vis de l'Église, vis-à-vis de Dieu. Dans cette attitude, on ne peut plus reprocher à Dieu le mal qui est sur terre, on ne peut que s'interroger sur ce que nous, nous allons y faire.

Éle avait bien raison: l'attitude juste devant Dieu c'est de lui dire: « Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute ». Ces six mots résument l'ensemble de la juste vie chrétienne:

PARLE: voila la vraie et seule demande: quand on sait l'importance de la parole dans la théologie chrétienne, où Dieu est parole, tout le travail spirituel du chrétien est d'apprendre à ouvrir ses oreilles et son esprit pour entendre ce que Dieu lui dit.

SEIGNEUR: voila la confession de foi qu'on demande aux catéchumènes qui confirment les voeux de leur baptême: « Veux-tu reconnaître Dieu et le Christ pour Seigneur », c'est-à-dire celui qui me commande, celui qui me protège, celui que je veux servir ? Dieu est mon Seigneur.

CAR est important, reliant les deux éléments: on ne peut reconnaître Dieu comme Seigneur si on ne reconnaît pas un jour qu'on est son serviteur.

TON: ce petit mot indique la relation personnelle avec Dieu: il est MON Seigneur, je suis SON serviteur, il n'est pas un seigneur tout puissant et lointain.

SERVITEUR: nous l'avons développé déjà longuement.

ÉCOUTE: c'est ce que nous avons tous à faire pour pouvoir réaliser notre vie de chrétien. Ecouter est la base de toute la vie : savoir écouter, écouter les autres, écouter notre corps, écouter la nature, écouter le silence, écouter Dieu.

« Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute »: heureux celui qui sait faire de ces six mots le fondement de sa prière et de sa vie chrétienne. Car, comme nous l'a dit le Christ, «Vous êtes heureux si vous savez cela, pourvu que vous le mettiez en pratique».

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 1 Samuel 3:1-11

Le jeune Samuel était au service de l'Éternel auprès d'Éli. La parole de l'Éternel était rare en ce temps-là, les visions n'étaient point fréquentes. En ce même temps, Éli était couché à sa place. Ses yeux commençaient à s'affaiblir ; il ne pouvait plus voir. La lampe de Dieu n'était pas encore éteinte, et Samuel était couché dans le temple de l'Éternel où était l'arche de Dieu.

Alors l'Éternel appela Samuel. Il répondit : Me voici ! Il courut vers Éli et dit : Me voici, car tu m'as appelé. Éli répondit : Je n'ai pas appelé ; retourne te coucher. Et il alla se coucher.

L'Éternel appela de nouveau Samuel. Et Samuel se leva, alla vers Éli et dit : Me voici, car tu m'as appelé. Éli répondit : Je n'ai pas appelé, mon fils ; retourne te coucher. Samuel ne connaissait pas encore l'Éternel, et la parole de l'Éternel ne lui avait pas encore été révélée.

L'Éternel appela de nouveau Samuel, pour la troisième fois. Celui-ci se leva, alla vers Éli et dit : Me voici, car tu m'as appelé. Éli comprit que c'était l'Éternel qui appelait le garçon. Éli dit à Samuel : Va, couche-toi ; et si l'on t'appelle, tu diras : Parle, Éternel, car ton serviteur écoute. Et Samuel alla se coucher à sa place.

L'Éternel vint et se présenta. Il appela comme chaque fois : Samuel, Samuel ! Et Samuel répondit : Parle, car ton serviteur écoute.

Alors l'Éternel dit à Samuel : Voici que moi je vais faire en Israël une chose qui fera que les deux oreilles de quiconque l'entendra en tinteront.

Genèse 12:1-4

L'Éternel dit à Abram : Va-t'en de ton pays, de ta patrie et de la maison de ton père, vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand. Deviens donc (une source) de bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront, Je maudirai celui qui te maudira. Toutes les familles de la terre Seront bénies en toi.

Abram partit, comme l'Éternel le lui avait dit, et Loth partit avec lui.

I Sam. 3:1-11