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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

" Mange le livre qui est dans la main de l'ange ! "

Prédication prononcée le 27 février 2011, au temple de l'Étoile à Paris,

par le pasteur Louis Pernot

Ce texte d'Apocalypse 10 est un bon exemple de texte hermétique, peu compréhensible à la première lecture, et tout plein de symboles incompréhensibles. En fait, il n'est pas si compliqué que cela, il suffit de vouloir jouer avec le texte, le décoder pièce à pièce comme on lit un rébus.

1. Je vis un ange.

Le mot « Ange » ne désigne pas forcément une créature ailée, mais le mot, en grec comme en hébreu veut dire tout simplement « messager », un porteur de parole. Il n'y a pas donc à chercher un être, dans la Bible, l'ange peut être Dieu lui-même, ou toute chose, toute personne, toute situation qui permet d'entendre une parole qui est parole de Dieu. Autrement dit, « voir un ange » signifie tout simplement : entendre une parole, être confronté à un message. Et il est dit que cet ange, était « puissant descendant du Ciel et enveloppé d'une nuée », cela signifie quequ'il ne s'agit pas de n'importe quelle parole, mais de la parole de Dieu lui-même. Le Ciel, c'est en effet le lieu symbolique du spirituel, là où est Dieu, l'homme étant sur la Terre, et la nuée est un signe théophanique présent dès que Dieu se révèle dans la Bible.

Comme souvent dans la littérature hébraïque, le premier verset donne le sens de tout ce qui suit. Nous savons donc à quoi nous en tenir, notre texte nous parlera de ce qui advient quand on est confronté à la parole de Dieu, comment l'entendre, comment la recevoir et qu'en faire ?

2. Au dessus de sa tête était un arc-en-ciel.

Il y a une règle d'interprétation très importante pour lire la Bible, c'est que la Bible est ce qui explique le mieux la Bible. C'est pourquoi il est plus facile de comprendre la Bible quand on la connaît bien, et c'est pourquoi il faut avoir une bonne base de culture concernant en particulier la Genèse, le Pentateuque, et les grands livres historiques, car souvent, ils seront des références implicites à bien des textes. Pour ce qui nous concerne, il faut donc voir dans la Bible où l'on parle déjà d'arc-en-ciel. La réponse n'est pas très difficile, c'est dans l'histoire de Noé. Dieu avait choisi de détruire l'humanité pour punir les hommes pécheurs, il enverra ainsi le Déluge, sauvant Noé et sa famille. Mais ensuite, il regretta son geste, et promis qu'il ne ferait plus jamais cela. Il promit qu'il ne ferait plus jamais de mal à l'humanité, qu'il ne détruirait plus la Terre. Pour se souvenir de cela, il mit un arc-en-ciel. L'arc-en-ciel est donc le signe disant que Dieu ne que source de bien, jamais de mal, toujours de vie et jamais de destruction ou de souffrance ou de punition.

La première chose que nous dit alors notre texte, c'est que la Parole de Dieu, c'est une bonne nouvelle, ce n'est pas une parole de menace ou de punition, c'est une parole de vie, de paix, de joie, de patience, de pardon et de grâce. Et puis l'arc-en-ciel était aussi un signe d'alliance. Or on ne fait pas une alliance avec un inférieur. Le maître ne fait pas une alliance avec son esclave, il le domine. Si Dieu veut bien faire alliance avec nous, c'est que par grâce, il nous traite comme des égaux et des partenaires.

3. Visage comme le soleil... et colonnes de feu...

sont aussi des signes théophaniques pour dire la divinité formidable de cette parole qui est donnée.

4. Il tenait dans sa main petit livre ouvert. Ce petit livre, évidemment c'est la Bible, l'Evangile, la parole de Dieu. On remarquera en passant que le livre est ouvert, ouvert à tous. L'Evangile n'est donc pas une parole hermétique, réservée à une élite, c'est une parole offerte à tous, ouverte à tout le monde, chacun peut lire et entendre, à son niveau.

5. Il posa son pied droit sur la mer et son pied gauche sur la terre

Il domine donc tout, la parole est une parole universelle qui est puissante sur tout, tout le monde, et qui parle de tout, du bien comme du mal.

6. Puis il cria d'une voix forte... et les sept tonnerres firent entendre leur voix.

L'ange ne fait donc pas que de tenir un livre ouvert, il parle aussi, et sa parole est également une parole divine, une parole parfaite. Il y a donc deux sortes de parole divine qui nous sont adressées : la parole objective que l'on trouve dans la révélation, dans l'Ecriture, la Parole qui est incarnée en Jésus Christ et que nous donne les Evangiles, et aussi la parole que Dieu nous livre directement dans notre cœur. Saint Augustin appelait cette parole intime la vox cordis, c'est que que Dieu nous laisse entendre dans notre pière, dans notre médiation, ce que nous entendons de lui dans notre relation intime avec lui, dans notre foi.

7. Mais une voix du ciel dit : ferme ce qu'on dit les sept tonnerres, et ne l'écrit pas...

Cette interdiction a fait couler beaucoup d'encre. Beaucoup se sont interrogés sur la raison de cette injonction, et sur ce que pouvait bien être le contenu de cette révélation secrète. En fait, cela n'est pas bien mystérieux. Nous avons dit qu'il devait s'agir d'une parole intime, ce que Dieu lui avait dit dans son cœur. Or cela, il ne faut pas le publier, cela ne regarde que celui qui l'a reçu. Chacun entend quelque chose dans son cœur, a une conception propre des choses, il ne faut en faire ni un exemple ni une prédication. Dans l'Eglise Réformée, la tradition est ainsi que les pasteurs ne parlent pas d'eux en chaire, ils ne sont pas là pour parler de leur foi, de leur propre expérience, mais pour prêcher l'Evangile. Ensuite, chacun l'expérimentera à sa façon. Le témoignage personnel est dangereux parce qu'il a tendance à présenter en exemple, voire en modèle quelque chose de très particulier. Or il n'y a pas une seule manière d'expérimenter la présence de Dieu, ou de vivre sa foi, chacun peut faire sa propre expérience du divin à sa manière. Il n'y a pas d'exemple à suivre, pas à se forcer à ressentir ceci ou cela, ou de telle ou telle manière, parce que quelqu'un dit que lui le vit comme ça. On a le droit de vivre sa foi à sa manière, d'avoir son mode de croyances, sa foi, sa manière de prier, un peu, beaucoup ou très peu... Personne n'a à se montrer en exemple ou en modèle.

C'est pour cela aussi que l'Evangile nous montre Jésus écrivant sur le sable pour la femme adultère : il lui donne une parole personnelle qui ne regarde qu'elle et pas les autres. Et une parole écrite dans le sable qui est valable pour aujourd'hui et qui pourra être remise en cause demain. Il faut donc abandonner l'idée qu'en dehors de la Bible il y ait une parole universelle, une loi universelle. Il n'y a pas de morale pour tous valable partout sur la planète, pas une seule liturgie, une seule manière de vivre sa foi et de vivre dans le monde, mais chaque cas est différent. C'est à chacun de trouver dans son rapport personnel avec Dieu comment vivre sa foi et comment vivre dans le monde sans l'imposer aux autres. Il y a une seule référence : la Bible, mais celle-ci ne donne pas les détails, elle donne les grandes orientations. Et puis donc il ne faut pas prétendre que tout le monde devrait suivre ses propres options, mais être ouverts et tolérants. Le mot de « tolérance » n'existe pas dans la Bible, mais l'idée s'y trouve bien, en particulier dans ce si beau chapitre 14 de l'Epître aux Romains qui est si plein d'ouverture, Paul disant en particulier : Cette foi que tu as, garde-la pour toi devant Dieu. Heureux celui qui ne se condamne pas lui-même dans ce qu'il approuve!. Rom 14:22

8. Et il jura... qu'il n'y aurait plus de temps. Cela veut dire que c'est pour tout de suite, maintenant qu'il faut s'y mettre, ne pas attendre, ne pas remettre au lendemain. La Parole nous est donnée, allons-y, écoutons là, c'est maintenant ou jamais que notre vie nouvelle peut commencer.

Alors que faire donc :

9. Va, prends le petit livre ouvert dans la main de l'ange.

C'est vrai, le livre est là, ouvert, il n'y a qu'à le prendre, le lire. C'est tellement facile, et si peu le font. Qui parmi vous a lu au moins tout le Nouveau Testament ? Je ne dis pas de connaître les principales paraboles, mais d'avoir vraiment lu tout le Nouveau Testament. Or c'est une chose extraordinaire, c'est un livre de vie qui transforme la vie de celui qui s'y confronte. Je ne connais personne qui ait lu entièrement le Nouveau Testament et dont la vie n'ait pas été changée. C'est une expérience unique, formidable. Et pas impossible, en un an, avec une page par jour, le tour est joué... La suite va expliquer comment s'y prendre :

10. Prends le et avale le.

Evidemment cela n'est pas à prendre au pied de la lettre, il n'y a pas plus à manger un livre qu'à manger le corps de Jésus dans la Cène. Mais c'est un mode d'emploi : il ne faut pas juste le lire, mais le mettre en soi, s'en nourrir. Et puis l'ange ne dit pas « apprends le », ou « applique le » oui « crois le », mais « nourris-t-en », mets le en toi pour en faire la base la source vive de tout ton être. Et comme nous le faisons avec la nourriture, il faut le faire régulièrement, petit à petit, tous les jours. Se nourrir trop une fois par mois ou par an n'est pas profitable, et puis on ne mange pas toujours des festins, il y a beaucoup d'ordinaire. Quand on lit la Bible, on n'est pas toujours passionné, souvent on lit en ayant l'impression de ne rien en retirer. D'ailleurs tout n'est pas assimilé, partie rejetée, oubliée, mais cela finit par nous construire, par nous transformer. Et puis c'est encore mieux si de temps en temps on peut partager avec e'autres, comme on partage un repas.

11. Dans tes entrailles il sera amer, mais dans ta bouche il sera doux comme du miel...

C'est là un bon avertissement, cette parole, ce n'est pas une parole douceâtre et sucrée, elle n'est pas si facile, elle peut être ardue, difficile à comprendre, contrariante, ou tout simplement ennuyeuse, mais il faut dépasser ce premier sentiment et trouver que dans le fond, c'est une vraie source de douceur et de vie.

Ou alors on peut comprendre cela dans le sens qu'à première vue, une parole qui parle de paix, d'amour, de pardon, c'est très bien et agréable, mais en fait on découvre ensuite qu'elle n'est pas toujours si facile à avaler, elle peut être contrariante, pour nos entrailles, notre ventre, notre animalité, nos désirs terrestres... Cette parole demande des sacrifices, des choix, des renoncements, et ce peut être forcément un peu amer.

12. Puis on me dit : il faut que tu prophétises...

Voilà la conclusion du chapitre : devenir soi même porte parole. En effet tout jusqu'à présent a été dans le sens de la réception de la parole. Mais cette parole n'est pas donnée juste pour notre consommation, pour qu'on s'en nourrisse, s'en gonfle jusqu'à éclater. C'est une parole de vie qui nous est donnée, par la révélation, par la parole intérieure de Dieu pour que nous puissions devenir nous même à notre tour parole dans le monde. Et cela ne veut pas dire seulement que nous devions parler pour convertir les gens, mais que notre vie soit éloquente, et que nous mêmes soyons dans ce monde une parole d'amour, d'espérance de joie, de vie, de paix et d'amour, le monde en a tant besoin. Et c'est parce que nous avons reçu que nous pouvons donner.

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Apocalypse 10

Je vis un autre ange puissant, qui descendait du ciel, vêtu d'une nuée. Sur sa tête était l'arc-en-ciel, son visage était comme le soleil et ses jambes comme des colonnes de feu.

Il tenait à la main un petit livre ouvert. Il posa le pied droit sur la mer et le gauche sur la terre, et il cria d'une voix forte, comme rugit un lion. A son cri, les sept tonnerres firent entendre leur voix.

Quand les sept tonnerres eurent parlé, j'allais écrire, mais j'entendis du ciel une voix dire : Ferme d'un sceau ce qu'ont dit les sept tonnerres, et ne l'écris pas.

Et l'ange que j'avais vu debout sur la mer et sur la terre, leva la main droite vers le ciel ; puis il jura par celui qui vit aux siècles des siècles, qui a créé le ciel et ce qui s'y trouve, la terre et ce qui s'y trouve, la mer et ce qui s'y trouve, (il jura) qu'il n'y aurait plus de délai, mais qu'aux jours de la voix du septième ange, quand il s'apprêterait à sonner de la trompette, alors le mystère de Dieu s'accomplirait, comme il en avait annoncé la bonne nouvelle à ses serviteurs les prophètes.

Et la voix, que j'avais entendue (venir) du ciel me parla de nouveau en ces termes : Va, prends le petit livre ouvert dans la main de l'ange qui se tient debout sur la mer et sur la terre.

J'allai vers l'ange, en lui disant de me donner le petit livre. Et il me dit : Prends-le et avale-le : il remplira d'amertume tes entrailles, mais dans ta bouche il sera doux comme du miel. Je pris le petit livre de la main de l'ange et je l'avalai : il fut dans ma bouche doux comme du miel, mais quand je l'eus mangé, mes entrailles furent remplies d'amertume.

Puis on me dit : il faut que tu prophétises de nouveau sur beaucoup de peuples, de nations, de langues, de rois.

Apoc. 10