Skip to main content
56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Ecouter la version audio
Voir la Video complète
Voir la version imprimable

L'absolu du sermon sur la montagne:
Morale ou idéal?

Prédication prononcée le 12 février 2023, au temple de l'Étoile à Paris,
par le pasteur  Louis Pernot

 

Le Sermon sur la montagne est, dans l’évangile de Matthieu, le début de la prédication de Jésus. On le trouve aux chapitres 5, 6 et 7, il contient tout un ensemble d’enseignements essentiels, base de la prédication du Christ, avec nombre de textes fondamentaux bien connus. Ainsi les Béatitudes, le Notre Père, la maison sur le roc, l’invitation à ne pas se soucier du futur : « à chaque jour suffit sa peine... », la paille et de la poutre, et cette belle vocation : « vous êtes la lumière du monde ».

Un enseignement inapplicable !

Mais, en même temps, tout cet enseignement est très problématique, parce que vraiment très absolu, et il peut paraître tout à fait excessif même, voire provocateur. Ainsi le célèbre « si on te frappe sur la joue droite, tends aussi l’autre » pose problème à bien des lecteurs, et à juste titre. Qui applique cela vraiment ? Et serait-ce même une bonne idée que d’appliquer un tel commandement ? Dans tous ces passages du Sermon sur la montagne, Jésus fait allusion à la Loi juive de l’Ancien Testament par la formule « vous avez entendu qu’il a été dit, mais moi je vous dis... », et suit une radicalisation du commandement le poussant à bout. Ainsi serions-nous appelés à ne même pas traiter quelqu’un d’imbécile, à toujours dire la vérité, ne même pas regarder une jolie fille (ou un joli garçon), ne pas répondre au méchant, donner sa tunique à celui qui vole son manteau, tout donner à celui qui demande... Et finalement, le Christ pousse cette exigence à son comble par l’impossible « soyez parfaits comme votre père céleste est parfait ».

Comment comprendre cela ? Comment pouvons-nous intégrer l’exigence infinie de commandements tellement absolus et en fait irréalisables ? S’agit-il d’une morale que le chrétien devrait appliquer ? On serait tenté de le penser. Mais en fait c’est impossible ! D’abord, évidemment que personne ne peut envisager de pouvoir être parfait comme Dieu ! Et pour le reste de même c’est trop. D’ailleurs, même Jésus n’applique pas ce qu’il dit : il demande de tendre l’autre joue, mais dans Jean (18:21) on le voit recevoir une gifle d’un garde lors de son procès, et que fait Jésus ? Tend-il l’autre joue ? Non ! il dit simplement : « pourquoi me frappes-tu ? », il questionne l’auteur de la gifle, en tout cas il ne se contente pas de tendre l’autre joue pour se laisser frapper de nouveau.

Et ce n’est pas le seul endroit dans les évangiles où Jésus donne un commandement apparemment trop élevé. Lors de sa rencontre avec le jeune-homme riche (Matt. 19:16-22), celui-ci lui demande : « que dois-je faire de bien pour hériter la vie éternelle », et Jésus finalement lui dit : « vas, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres et suis-moi ». Tout donner... C’est impossible. Personne ne l’a jamais fait d’ailleurs. Mêmes les franciscains avaient au moins leurs sandales et leur robe. Et Jésus, avec ses apôtres, possédait une bourse avec de l’or, l’évangile de Jean le signale, ils avaient un trésorier, mal choisi certes puisqu’il s’agissait de Juda... mais ils avaient un trésorier quand même ! Celui qui a tout donné n’a pas besoin de trésorier ! Et au moment de la crucifixion, il est dit que Jésus possédait une robe extraordinaire, telle que les soldats se disputaient pour l’avoir et qu’ils l’ont tirée au sort. C’est donc qu’elle valait de l’argent. Or Jésus n’avait pas vendu cette robe pour en donner l’argent aux pauvres. Et de toute façon, dès même qu’on va manger un morceau de pain, il y a toujours à côté quelqu’un qui a plus faim que soi. Selon cet idéal alors le bon croyant ne pourrait même jamais manger et mourrait en quelques semaines ! Ou pour donner aux pauvres, aujourd’hui chacun pourrait vendre ses rétines, un rein, ça vaut de l’argent ça. Non, ce commandement de tout donner est impossible et même absurde !

Alors que faire ce cette morale absolue et totale ?

Contre la religion d’observance morale

La première explication de cette prédication trop radicale est de la voir comme une riposte à la logique pharisienne d’une religion d’observance, c’est-à-dire comme correspondant à une morale. Leur idée était que pour plaire à Dieu, il fallait obéir à un certain nombre de commandements. On dit qu’il y a 613 commandements dans la loi de Moïse, réglant toute la vie du croyant, sur ce qu’il doit faire, ne pas faire, tant dans le domaine religieux que moral, et jusque dans sa vie quotidienne. D’où la question du jeune-homme riche : il est dans cette logique avec son « que ferais-je de bien ? ». Pour lui, la religion est de l’ordre du faire. Jésus commence par le rabrouer en lui disant que la question du bien n’est pas de l’ordre du faire, mais n’appartient qu’à Dieu lui-même. Ensuite il lui donne un commandement inapplicable, justement pour le forcer à sortir de cette logique du faire.

De même, dans le Sermon sur la montagne, on peut penser que Jésus répond à la demande de ceux qui lui demandent comment plaire à Dieu, mais comme ils attendent des commandements à réaliser pour cela, Jésus leur dit en substance : « vous voulez des commandements, vous voulez savoir ce qu’il faudrait faire pour plaire totalement à Dieu, très bien, alors voilà, ne faites jamais le mal, n’ayez même jamais l’idée de le faire, ne mentez jamais, tendez l’autre joue quand vous êtes agressé, donnez tout à celui qui veut vous voler, pardonnez toujours, et aimez tout le monde... ». La réaction normale est évidemment de dire que c’est impossible. Alors c’est qu’il faut changer de logique et trouver autre chose que la morale pour plaire à Dieu. Parce que pour Jésus, la religion n’est pas de l’ordre de la morale, elle ne se trouve pas de faire ceci ou de ne pas faire cela. Certes, il est bien de faire du bien, et mal de faire du mal, mais la relation à Dieu, la religion que demande le Christ, c’est avant tout un état d’esprit, c’est l’humilité, par rapport à Dieu et par rapport aux autres, c’est l’attention à l’autre, l’amour en quelque sorte.

De même au jeune-homme riche, Jésus donne un commandement impossible pour le contraindre à sortir de cette logique de l’observance. Ainsi peut-on penser que quand le jeune homme repart « tout triste » parce qu’il ne peut pas faire ce que Jésus lui demande, il ne s’agit pas d’un échec pédagogique de Jésus, au contraire, il le sauve en lui montrant qu’il y a toujours quelque chose qu’on n’arrive pas à faire pour être parfait vis-à-vis de Dieu, et que la seule juste attitude par rapport à Dieu et aux autres, ce n’est pas l’arrogance de celui qui pourrait se prétendre parfait, et ainsi croire que tout lui serait dû, et qu’il pourrait juger sévèrement les autres qui ne font pas aussi bien que lui, mais c’est l’humilité par rapport aux autres et par rapport à Dieu. En fait, Jésus aurait été bien ennuyé si le jeune homme avait accepté de tout donner aux pauvres ! Mais il savait, bien sûr que c’était de toute façon impossible parfaitement ! Jésus met le jeune-homme sur le chemin du salut.

Le seul commandement : aimer Dieu et son prochain

Certes, on pourrait objecter qu’il est faux de dire que Jésus ne donne aucun commandement plus ou moins réaliste. Il en donne deux : aimer Dieu de tout son cœur, de toute sa force et de toute sa pensé... et puis aimer son prochain comme soi-même. Cela est dit être le « sommaire de la Loi », donc le résumé de toute l’exigence divine à notre égard. Mais est-ce vraiment de la morale ? En fait non, parce que cela ne définit pas la manière avec laquelle l’on doit agir pour bien aimer son prochain. C’est un idéal, quant à l’application pratique, c’est à nous de la déterminer. Il ne s’agit pas vraiment de morale, mais plutôt de méta-morale, d’un commandement au-delà de la morale. En effet comment peut-on aimer son prochain ? Par amour il faut parfois donner, mais parfois aussi savoir refuser. Par amour on peut faire preuve de douceur, mais parfois aussi de plus de vigueur. Par amour on doit dire la vérité, mais parfois aussi ne pas tout dire pour éviter de de blesser. Tout cela est compliqué, c’est à chacun de trouver le mode d’emploi moral, l’application pratique de l’amour du prochain, et donc c’est un commandement qui ne soumet pas à l’obéissance, mais qui amène à la responsabilité. A chacun de trouver ce qu’il doit faire pour Dieu.

Responsabilisation par le questionnement

La deuxième explication de ces commandements impossibles est de les voir non comme des éléments de morale à appliquer, mais comme des questionnements. En effet, ce que commande Jésus n’est pas seulement pour déstabiliser ses interlocuteurs par une réponse absurde, il ne demande pas n’importe quoi comme d’aller chercher la lune, ce qu’il dit est certes excessif, mais pas n’importe quoi.

Nous avons vu que Jésus cherche à responsabiliser le croyant dans un idéal assez large : ce qui est important, c’est la foi, l’amour du prochain, l’humilité, d’accord, mais donc concrètement, comment savoir que faire, et que faut-il éviter de faire ? Pour cela il faut se poser les bonnes questions et réfléchir en amont au sens et aux conséquences de tout ce que nous pouvons faire. Et justement, l’intérêt des commandements excessifs de Jésus est de nous questionner.

Par exemple, quand le lecteur de l’évangile tombe sur l’ordre de tendre l’autre joue, cela le questionne. Sans doute se dira-t-il que ce n’est pas nécessairement la meilleure solution dans tous les cas, mais qu’il faut y réfléchir. Il est vrai que si quelqu’un m’agresse, que je lui tends l’autre joue et qu’il me donne une autre gifle, j’aurai tout perdu, d’abord eu une agression de plus, mais surtout j’aurai encouragé le méchant à continuer à l’être. La question, c’est donc d’essayer de repenser son rapport à la violence, de réfléchir pour savoir quand il peut être bon de tendre l’autre joue, et quand il vaut mieux ne pas le faire. Tendre l’autre joue n’est donc pas nécessairement la bonne solution, mais néanmoins sans doute est-il bon de ne pas réagir spontanément à la violence par la violence, il faut bien qu’à un moment quelqu’un brise le cercle vicieux de la violence ? Et il se peut que de tendre l’autre joue puisse être, pour l’agresseur, une question alors qu’il ne s’attend pas à une telle réaction, et ça peut le désarçonner. Cela serait cohérent avec la façon avec laquelle Jésus est dit réagir à la gifle du garde dans l’évangile de Jean : il lui dit « pourquoi me frappes-tu ? ». Dans tous les cas, la réaction naturelle et spontanée de la revanche n’est pas le chemin auquel nous invite l’Evangile, mais ça ne veut pas dire de se laisser faire... C’est donc compliqué, et ce texte, en fait, nous fait nous poser mille questions qui sont les bonnes questions à se poser parce que ce à quoi nous sommes invités, c’est à agir en personnes intelligentes et responsables et à trouver dans chaque situation la juste attitude.

De même, quand le lecteur des évangiles lit cette demande totale de Jésus de tout donner ce qu’il possède, il ne peut que l’entendre pour lui que comme une question. D’accord, et nous l’avons vu, il ne s’agit sans doute pas de le faire, mais finalement, pourquoi ne le ferais-je pas ? Qu’est-ce que je serais prêt à quitter pour servir le Christ ? Quels sont mes attachements qui pourraient m’en empêcher ? Quel est mon rapport à la richesse, à ce que je possède ? Et en quoi mes possessions peuvent me posséder et enlever ma propre liberté ? Tout cela est des questions essentielles qu’il faut s’être posées.

C’est la démarche de Jésus bien souvent dans sa prédication : amener le croyant à se poser les bonnes questions pour que chacun puisse ensuite trouver la bonne réponse qui sera la plus adaptée à sa situation particulière. La prédication du Christ ne déresponsabilise pas en soumettant à une règle morale, au contraire, elle renvoie toute décision morale au sujet de la personne concernée en l’aidant à nourrir à réfléchir et à approfondir sa propre liberté et sa responsabilité.

C’est en ce sens que la prédication de Jésus est souvent provocatrice. Et la prédication protestante suit cette ligne, le pasteur en chaire ne cherche pas à dire ce qu’il faut croire, ou ce qu’il faut faire, il questionne, provoque, montre souvent un aspect d’une question, même s’il est partiel ou discutable. Et une bonne prédication n’est pas celle ou l’auditeur se dit qu’il est d’accord ou qu’il faudrait qu’il l’applique, mais c’est quand il se dit qu’il n’est pas forcément tout à fait d’accord, mais qu’il y a quand même là quelque chose de vrai auquel il n’avait pas pensé et qu’il faut qu’il y réfléchisse.

Idéal de l’Utopie

Le troisième sens que l’on peut trouver dans les propos d’exigence infinie de Jésus vient du fait qu’il dit quelque chose de, certes, inapplicable, mais que dans le fond il n’a pas tort, il dit donc plus un idéal qu’une morale.

Il est vrai que l’idéal du chrétien est de toujours faire le bien, de donner, toujours donner, de pardonner infiniment, d’aimer tout le monde et même ses ennemis, de ne jamais dire du mal de personne et de ne même pas imaginer faire le mal. Concrètement c’est inapplicable, mais on peut penser que Jésus ne dit pas là une morale, mais qu’il présente précisément un idéal, une direction.

Le Sermon sur la montagne fait ainsi sortir d’une religion d’observance ou de la morale pour proposer une religion de l’idéal. Ce que donne Jésus est une « utopie » au sens philosophie du terme tel que l’entendait Thomas More au XVIe siècle. Le mot, avant d’évoquer, comme aujourd’hui, quelque chose d’absurde, désignait, à partir de son étymologie, un discours qui n’a pas vocation à pouvoir s’incarner concrètement dans un lien concret (de « ou-topos », « sans lieu »), mais qui est un idéal qui peut néanmoins diriger l’action et l’engagement en indiquant une direction globale vers où se diriger. Jésus remplace une religion de la morale par une religion de l’idéal, il ne cherche pas à dire ce qu’il faudrait faire, mais il donne une direction. A chacun ensuite de trouver la manière concrète d’aller au mieux dans ce sens.

On pourrait illustrer cela par une comparaison dans le domaine de l’orientation géographique en disant qu’il fait passer de la religion de l’itinéraire à celle de la boussole. Imaginons que quelqu’un demande comment aller du temple de l’Etoile à la porte de Versailles. On peu lui donner un itinéraire précis : prendre à gauche sur 300 mètres, puis la troisième rue à droite, au rond-point prendre à 4e sortie etc. Tout est détaillé comme dans la tentative de la casuistique morale. La prédication du Christ n’est pas dans cette logique, elle est plutôt dans celle de la boussole, il dirait : « c’est simple, allez plein sud ». Alors l’imbécile sortant du temple dira qu’il ne peut pas parce que juste devant il y a une un gros immeuble qui barre la direction... « Eh bien faites le tour » dirait Jésus. Débrouillez-vous ! Et peut-être aussi que pour pouvoir aller plein sud, il faudra momentanément aller vers le nord... mais toujours en gardant la direction globale et en essayant d’optimiser intelligemment. Quant au railleur, il dira que c’est faux, et qu’en allant plein sud, on risque bien de se retrouver au pôle sud, ce qui n’était pas le but ! Oui, en effet, tout cela demande de l’intelligence et de la mesure.

Le fait est que de donner un idéal, une direction, plutôt qu’une modalité, responsabilise, c’est à chacun de trouver le meilleur chemin. Et peut-être même y a-t-il plusieurs chemins concrets possibles en fonction de ce que l’on est, de la situation, de ses moyens... comme pour notre cheminement dans Paris qui ne sera pas le même selon qu’il y a des travaux ici ou là, selon la circulation, ou qu’on est à pied, à vélo ou en voiture. Ainsi, même pour une question relativement simple comme d’aller à une destination donnée, on ne peut pas donner de réponse univoque et définitive. Alors pour les questions de la vie qui sont infiniment compliquées, il ne faut pas croire qu’on pourrait les résoudre par une solution unique et simple.

Ce que Jésus dit au jeune-homme riche participe de la même logique, il demande de tout donner... ce n’est pas pour qu’il le fasse concrètement, mais pourtant la logique de l’Evangile, c’est toujours celle du don. Pour comprendre cette logique, on peut se placer dans la situation actuelle où un fidèle demanderait à son pasteur combien il convient de donner à l’Eglise. Dans une religion régie par la morale ou les œuvres, la réponse pourrait être comme dans certaines Eglises évangéliques : il faut donner la dîme, soit 10% de ses revenus. Mais, pourrait pinailler le fidèle, brut, avant ou après impôt ? Réponse : 10% du revenu net avant impôt. Cela a l’avantage d’être clair et applicable. Avec le problème que du coup celui qui le fait se dit qu’il peut avoir bonne conscience parce qu’il est en règle avec Dieu, et qu’il peut juger sévèrement ceux qui ne le font pas. Dans notre Eglise Réformée, nous ne demandons jamais autant ! Mais la tentation de certaines paroisses est quand même de demander aux fidèles de donner 2%, voire 5%. Tout cela ce sont des comptes humains mesquins. Si le pasteur était Jésus il répondrait à celui qui lui demande combien donner : « Tout ». « Mais c’est impossible de tout donner » dira le fidèle... « Alors donnez ce que vous déciderez, répondra le pasteur Jésus, mais ne me demandez pas de mettre une limite à votre générosité ». Et c’est vrai, il faut donner... Combien ? Impossible de le dire, mais donner... et on ne peut jamais dire qu’on a assez donné. L’idéal est là, il faut travailler à aller dans cette direction.

Et ce qui complique encore l’Evangile, c’est que non seulement il n’est pas possible de tout donner, mais qu’en plus nous sommes parfois soumis à des idéaux qui sont contradictoires. Ainsi par exemple, notre fidèle pourrait revenir vers son pasteur un peu plus tard en lui disant qu’il y a beaucoup de misère dans le monde, et alors lui demander combien il faut donner pour les œuvres aidant les plus démunis. Réponse du pasteur-Jésus : « Tout ! ». « Mais c’est impossible, je ne peux pas tout donner à l’Eglise et encore tout donner aux plus pauvres ! » « Alors choisissez et donnez ce que vous aurez décidé d’un côté et de l’autre ». Et encore, combien faut-il garder pour soi ? Ou pour ses enfants ? Réponse : encore tout ! Evidemment, nous sommes responsables de nos enfants, et nous nous devons à eux !

Voilà la complexité infinie de l’Evangile : on n’a jamais fini de le vivre, Si bien que nous avons des choix à faire, nous sommes responsables des arbitrages, des engagements que nous mettrons en œuvre pour tenter de nous rapprocher aussi bien que possible de cet idéal évangélique. Et nous sommes toujours devant des équations compliquées. Si bien que personne ne peut nous juger sur nos décisions, et que nous ne pouvons juger personne des choix qu’il fera.

Idéal absolu et grâce infinie

Cela peut paraître décourageant. Cet idéal absolu, inapplicable, risque de renvoyer le croyant à une sorte de sentiment d’échec continuel. Mais non en fait, parce qu’il y a au moins deux éléments qui permettent d’éviter cela.

D’abord, nous sommes libérés de la culpabilité, précisément par le fait que la nouvelle loi du Christ est trop absolue et inapplicable concrètement. Nous ne pouvons donc nous sentir responsables de ne pas l’accomplir parfaitement ! On peut être coupable de ne pas faire ce qui serait possible, mais si le commandement est en soi impossible, alors personne ne peut reprocher à qui que ce soit de ne pas l’appliquer ! Les pharisiens, avec leur loi morale pouvaient juger ceux qui ne l’appliquaient pas, parce que certains parvenaient à l’appliquer. Mais si personne n’y parvient parfaitement, alors il n’y a plus de jugement possible. C’est bien dans ce sens que Jésus libère la femme adultère de l’accusation des pharisiens quand il dit : « que celui qui est sans péché jette le premier la pierre ».

Ensuite, cet idéal absolu impose d’avoir en même temps une très forte théologie de la grâce. C’est une autre part essentielle de l’Evangile à ne pas oublier, nous ne sommes pas jugés sur ce que nous avons fait ou accompli, mais nous sommes sauvés inconditionnellement par l’amour et la grâce de Dieu.

Dans ce contexte, l’idéal n’est plus là pour nous écraser, mais pour nous orienter. Il n’est plus une loi pour nous juger, mais une exhortation pour nous inviter à nous engager dans un certain sens. Et sur ce chemin indiqué par l’idéal, chacun fera ce qu’il peut, avec joie et reconnaissance pour le salut offert.

C’est bien dans ce sens que le fondateur du scoutisme Baden-Powell a compris sa méthode pédagogique. Il donne un idéal très élevé aux adolescents : la loi scoute est bien exigeante, l’éclaireur n’a qu’une parole, il est loyal, il se rend utile, il est l’ami de tout le monde, courtois, bon pour les animaux, il respecte la nature, il est discipliné, toujours de bonne humeur, courageux, débrouillard, décidé, tenace, travailleur, prévoyant et économe... Rien que cela !!! Mais la promesse dit : « Je promets de faire TOUT MON POSSIBLE pour obéir à la loi de l’Eclaireur ». Le jeune ne promet pas d’y arriver, mais de faire son possible... Et personne ne peut juger ce qu’est le possible de l’autre.

Ainsi est l’Evangile, il y a deux pôles absolus : un idéal total, et une grâce infinie. Il faut garder ces deux pôles, sinon on s’écrase, soit dans la culpabilité et le découragement, soit dans l’immoralisme permissif. Et plus chacun de ces pôles est fort, plus il donne au croyant une conviction forte, plus ce croyant sera dynamisé par ce dipôle dynamique, et pourra être « autant qu’il le peut », actif, reconnaissant, joyeux et engagé dans un chemin de service, de vie, et de joie.

Louis Pernot

Retour à la liste des prédications


Matthieu 5:17-48

17Ne pensez pas que je sois venu abolir la loi ou les prophètes. Je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. 18En vérité je vous le dis, jusqu’à ce que le ciel et la terre passent, pas un seul iota, pas un seul trait de lettre de la loi ne passera, jusqu’à ce que tout soit arrivé. 19Celui donc qui violera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux, mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. 20Car je vous le dis, si votre justice n’est pas supérieure à celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux.
21Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, celui qui commet un meurtre sera passible du jugement. 22Mais moi, je vous dis : Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement. Celui qui dira à son frère : Raca ! sera justiciable du sanhédrin. Celui qui lui dira : Insensé ! sera passible de la géhenne du feu. 23Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, 24laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande. 25Arrange-toi promptement avec ton adversaire, pendant que tu es encore en chemin avec lui, de peur que l’adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et que tu ne sois mis en prison. 26En vérité je te le dis, tu ne sortiras point de là que tu n’aies payé jusqu’au dernier centime.
27Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu ne commettras pas d’adultère. 28Mais moi, je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis adultère avec elle dans son cœur. 29Si ton œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi. Car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse et que ton corps entier ne soit pas jeté dans la géhenne. 30Si ta main droite est pour toi une occasion de chute, coupe-la et jette-la loin de toi, car il est avantageux pour toi qu’un seul de tes membres périsse et que ton corps entier n’aille pas dans la géhenne.
31Il a été dit : Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre de divorce. 32Mais moi, je vous dis : Quiconque répudie sa femme, sauf pour cause d’infidélité, l’expose à devenir adultère, et celui qui épouse une femme répudiée commet un adultère.
33Vous avez encore entendu qu’il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras pas mais tu t’acquitteras envers le Seigneur de tes serments. 34Mais moi, je vous dis de ne pas jurer : ni par le ciel, parce que c’est le trône de Dieu, 35ni par la terre, parce que c’est son marchepied, ni par Jérusalem, parce que c’est la ville du grand roi. 36Ne jure pas non plus par ta tête, car tu ne peux rendre blanc ou noir un seul cheveu. 37Que votre parole soit oui, oui ; non, non ; ce qu’on y ajoute vient du malin.
38Vous avez entendu qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. 39Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. 40Si quelqu’un veut te traîner en justice, et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. 41Si quelqu’un te force à faire un mille, fais-en deux avec lui. 42Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi.
43Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. 44Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent], et priez pour ceux [qui vous maltraitent et] qui vous persécutent. 45Alors vous serez fils de votre Père qui est dans les cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. 46En effet, si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les péagers aussi n’en font-ils pas autant ? 47Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens aussi, eux-mêmes, n’en font-ils pas autant ? 48Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.

Matthieu 19:16-22

16Alors, un homme s’approcha et dit à Jésus : Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? 17Il lui répondit : Pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon ? Un seul est bon. Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements. Lesquels ? lui dit-il. 18Et Jésus répondit : Tu ne commettras pas de meurtre ; tu ne commettras pas d’adultère ; tu ne diras pas de faux témoignage ; tu ne commettras pas de vol ; 19honore ton père et ta mère et : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 20Le jeune homme lui dit : J’ai gardé tout cela, que me manque-t-il encore ? 21Jésus lui dit : Si tu veux être parfait va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, et suis-moi. 22Après avoir entendu ces paroles, le jeune homme s’en alla tout triste ; car il avait de grands biens.

 

 

Matt. 5:17-48, Matt.19:16-22