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La parabole des vignerons : l’absence de Dieu ?

Matthieu 21:33-41

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Femme Adultère

 Pour se faire comprendre et pour dire sa « bonne nouvelle », Jésus a souvent parlé en paraboles, et il a utilisé de nombreuses images agricoles, dans lesquelles l’homme doit travailler la nature pour produire du bon fruit, dont par exemple la vigne, qui demande à être labourée, cultivée, émondée ! Certaines paraboles célèbres évoquent également l’absence du maître, celui-ci confiant sa fortune à des hommes, en l’occurrence ici sa vigne, pour la faire fructifier. La comparaison que Jésus détaille là, certes un peu violente chez Matthieu, nous invite à nous mettre à l’œuvre même lorsque nous avons le sentiment que Dieu s’est « absenté », et surtout à partager le fruit obtenu avec d’autres, afin de participer à la joie du monde grâce aux outils mis à notre disposition !

Une parabole pour nous mettre au travail.

Car une parabole, c’est d’abord un peu une énigme dans laquelle il nous faut découvrir qui est qui, et qui fait quoi. Quand Jésus parle en paraboles, c’est pour expliquer l’essence de la vie chrétienne, pour parler de notre relation à Dieu et de notre devoir dans le monde, de ce que Dieu peut attendre de l’homme et réciproquement, mais aussi de notre relation aux autres. Dans une parabole, il s’agit de trouver qui est Dieu, et qui nous représente nous-mêmes.

En général, Dieu est le patron, ici donc le propriétaire de la vigne. Et nous sommes les ouvriers de cette vigne. Le raisin, fruit de la vigne qui donnera le vin, symbolise la joie, la joie que nous pouvons apporter dans le monde, car l’Evangile est un chemin de vie, et nous sommes appelés à porter dans le monde des pleines grappes de joie, de bonheur et de bien-être, à l’image des produits de la vigne (vin, pétillant) accompagnant des repas de fêtes. Cette vigne, elle est un peu comme le monde matériel, physique, comme la vie qui nous est confiée pour que nous en fassions quelque chose de bien, pour participer à un monde « meilleur ».

Jésus ne parle pas ici d’un Dieu « tout-puissant » qui ferait tout à notre place, comme le suppose souvent la croyance populaire, mais il évoque un Dieu qui donne des responsabilités à l’être humain, sans l’infantiliser. Notre vie spirituelle peut parfois connaître des hauts et des bas, et on ne ressent pas ou plus la présence de Dieu. Pourtant, il ne nous abandonne jamais, c’est une promesse biblique certaine, mais Dieu pousse l’homme à s’autonomiser pour agir.

Dieu a besoin de nous pour travailler dans le monde : nous sommes ses ouvriers, ses collaborateurs. Et même lorsque nous avons l’impression que Dieu est absent, à nous de continuer malgré tout le travail. Il suffit d’agir, il n’est pas besoin d’être un grand mystique pour œuvrer dans la vigne : certains rabbins diraient même, par exemple, qu’il n’est pas nécessaire de vraiment croire en Dieu pour être juif, il suffirait d’accomplir les rites et d’obéir à la loi.

Le travail : don de la joie au monde.

La solution pour ne pas être paralysés par cette pseudo-absence du maître, c’est de trouver comment travailler intelligemment et librement la vigne du Seigneur, afin qu’elle produise ensuite les fruits d’amour, de joie, de paix, de fraternité, à l’image des fruits de l’esprit cités dans l’épître aux Galates (Gal.5:22 : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur, maîtrise de soi), une certaine manière de remplacer la foi par des valeurs, néanmoins portées par la présence divine.

Evidemment, nous pouvons profiter de la vie, de ce que Dieu nous confie (un chrétien heureux peut donner plus de bonheur !). Mais Dieu nous invite à partager les fruits, les dons reçus, pour en faire profiter un grand nombre ! Cette part pour Dieu, ce ne sont pas les rites religieux ou les sacrifices divers : la part pour Dieu, c’est d’offrir de la joie et du plaisir aux autres, ainsi que Jésus l’a rappelé en disant de s’aimer les uns les autres, de se donner du bonheur les uns aux autres. Dieu nous demande de ne pas vivre uniquement pour notre propre plaisir personnel, mais de partager ; il ne nous demande pas de « tout » donner, mais de donner aussi de la joie dans le monde ! Les mauvais vignerons sont ceux qui veulent tout garder pour eux-mêmes : mais en ne pensant qu’à soi-même, on s’exclut et on se condamne soi-même, c’est une conséquence de nos actes, et non une punition divine ! L’Evangile est un chemin de vie et de bonheur : rester dans la haine, la violence et la jalousie, engendrera plutôt du malheur. Dans la parabole, la vigne sera confiée à d’autres.

Différents « serviteurs » essaient parfois de dire le message d’amour de Dieu et la responsabilité que Dieu donne à l’homme pour vivre de cet amour et pour le partager. Mais personne n’aime vraiment être rappelé à l’ordre, ainsi la proclamation de l’Evangile semble parfois tomber à côté, et n’avoir pas d’effet immédiat.

Alors plus que de simples serviteurs, le maître a envoyé son fils. Ce fils, en réalité Jésus, n’est pas venu pour mourir, mais il est venu pour délivrer le message d’Evangile, en principe respecté par les vignerons. Mais les choses ne se sont pas passées ainsi… et ils ont tué le fils, pour faire comme s’il n’existait pas. De cette mort, nous le savons désormais, Dieu fera un point de départ d’une ère nouvelle, de la même manière que nos échecs peuvent servir de tremplin pour quelque chose de meilleur encore !

Trois outils indispensables pour ce beau travail.

A cela nous sommes donc invités par le maître : partager et donner de la joie aux autres ! C’est une belle et grande responsabilité que Dieu nous donne, et d’entrée, il nous équipe de trois outils précieux, correspondant aux trois vertus théologales, ici représentées par trois éléments majeurs de la vigne : la haie, la tour et le pressoir qui invitent à l’espérance, la foi et l’amour (1 Cor.13:13).

La haie qui entoure le champ, c’est une haie de protection contre les maraudeurs ou les bêtes sauvages qui viendraient grappiller le raisin. Cette haie de protection est l’image de la confiance, de l’espérance en Dieu. Ainsi entourés, nous ne serons pas seuls et livrés à un monde difficile : nous savons que Dieu nous aide, nous garde dans sa tendresse, nous entoure même quand nous ne le voyons pas forcément.

La tour de garde, ou de guet, permet une surveillance, permet de veiller en prenant de la hauteur, en s’élevant plus haut que le monde terrestre, pour anticiper et faire face aux difficultés. C’est exactement ainsi qu’agit la foi : s’élever du matériel vers le spirituel pour remettre le matériel à sa juste place, prendre du recul par rapport au monde et à ses attaques.

Le pressoir est cet outil de la vigne qui permet de séparer le bon du mauvais : tout le produit de la vigne y passe, et l’on ne garde que le bon jus, le reste étant jeté. Ce pressoir invite à un travail de discernement dans notre vie à travers le filtre de l’amour, afin de faire le tri entre ce qui est bon et ce qui est à jeter. Notre vie produit les deux : à nous de jeter le moins bon pour ne donner que le meilleur aux autres, pour partager au monde l’amour de Dieu, à travers l’attention à l’autre, l’accueil de l’autre, le don à l’autre.

Ainsi donc, comme le maître de cette vigne, Dieu laisse de la place à l’homme pour agir, pour donner au monde le bon produit de la vigne, de notre vie. Et ce qui est produit, partagé et transmis, laissera une trace, sera une contribution indélébile au monde, pour plus de paix, de fraternité et de justice.

« Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres » (Philippiens 2:4).

Muriel Bernhardt - Louis Pernot