Parce que cela nous peut nous permettre de chercher ce qui était fondamental dans la théologie des premières générations de chrétiens, juste après ceux qui ont rencontré Jésus.
Ce dossier est l'oeuvre du pasteur Marc Pernot, voir dans son site d'origine, blog de l'Eglise de Genève : https://jecherchedieu.ch/voir/theologie-voir/theologie-chretienne-a-partir-de-quelques-illustrations-des-premiers-siecles/
D'abord, la représentation de Jésus la plus fréquente au cours des 3 premiers siècles:
Le Bon Berger
Christ berger (statue de 225) ( plafond d'une salle dans les catacombes de Priscilla à Rome )
(statue en marbre du 4e siècle représentant Jésus,
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L'image de loin la plus fréquente pour représenter le Christ et ce qu'il nous apporte est un berger portant une agneau. Cela est révélateur de ce qui a été considéré par les premiers chrétiens comme étant le coeur de l'Évangile du Christ, et le salut offert par Dieu en Christ. Bien entendu, Jésus n'était pas berger au sens littéral du terme (il était charpentier, puis rabbi). Et la plupart des disciples ne l'ont pas connu adolescent comme il apparait le plus souvent sur ces représentations. Le berger portant une brebis fait référence à une parole fondamentale de Jésus, c'est une courte parabole où Jésus explique son attitude vis-à-vis des personnes pas bien comme il faut. Il se compare alors à un berger qui va rechercher la moindre des brebis perdues, et qui se réjouit beaucoup quand il a pu la trouver et ramener sur ses épaules (Luc 15) Cette figure du berger comme l'image même de la grâce est très connue de la Bible. Dieu lui-même est souvent comparé à un berger (Psaume 23,...), et les plus grandes figures de l'histoire d'Israël étaient bergers (Abel, Abraham, Moïse, David...) Si le Christ est représenté comme un jeune homme, et non pas comme un homme d'une trentaine d'année, c'est là aussi un message théologique. Il est l'Homme véritable, puisqu'il est vraiment Fils de Dieu. Pour représenter cela, les chrétiens l'ont figuré dans la force de la jeunesse. Cela illustre également des passages de la Bible parlant de la nouvelle naissance (Jn 3), ou du rajeunissement intérieur par l'Esprit (le 2 Cor 5). Peut-être que dans cette fresque ronde (des catacombes de Priscille à Rome) le Christ berger porte non pas une brebis mais un bouc, et à ses pieds il y aurait une brebis et un bouc. Cela pourrait alors faire référence au texte de l'évangile selon Matthieu (25) où les boucs représentent les pécheurs et les brebis les justes. Christ serait ainsi venu pour tous, mais en particulier pour sauver les pécheurs. Les colombes encadrent cette scène, signifiant le salut et la paix (voir plus bas) |
sarcophage chrétien |
Jésus en berger au centre, peut-être les femmes découvrant Jésus ressuscité à droite, et les apôtres, à gauche, en train de consulter les écritures ?
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Sur cette lampe à huile on retrouve une représentation du bon berger. Il y a également ici deux autres éléméments symboliques forts:
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( vers 300 ) |
Cette lampe à huile comporte également une représentation de Jésus en berger portant un mouton et faisant paître d'autres. La lampe évouqe le Christ berger, lumière, il y a aussi une représentation de Jonas (recraché par le poisson et couché à l'ombre de son ricin, évoquant le livre de Jonas et l'évangile selon Luc 11:29-30 "de même que Jonas fut un signe pour les Ninivites, de même le Fils de l'homme en sera un pour cette génération.", et d'autres allusions bibliques au dessus) |
Le plus souvent, le Bon berger (le Christ) porte un mouton. Mais il y a aussi des représentations où des moutons sont sur leurs pattes, ce qui évoque plus particulièrement le passage de l'Évangile selon Jean au chapitre 10, où Jésus explique sa mission comme étant celle d'un "bon berger".
Comme ces deux fonctions du Christ Berger sont complémentaires, bien des images combinent le Christ portant un agneau, et en guidant d'autres qui tournent leur face vers lui.
Sur cette image on a également deux arbres, celui de gauche semble être un saule, et celui de droite est un olivier. |
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(Catacombes de Rome, en 284)
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Sur cette représentation symbolique du Christ, datant du début du IIIe siècle (Catacombe de Calixte):
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(fresque, catacombes, vers 300) |
Joli Christ sur le plafond d'une salle. La barbe évoque plutôt la sagesse du philosophe. L'auréole exprime sa royauté. L'alpha (A) et l'oméga (w) sont la première et la dernière lettres de l'alphabet grec. Cela fait référence à un texte de l'Apocalypse de Jean, où le Christ dit:
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(la plus ancienne représentation du Christ connue |
Ce graphiti a été fait au 2e siècle sur un mur de Rome (colline Palatin). La légende signifie " d'Alexamenos rend un culte à son Dieu". Alexamos est donc représenté à gauche, levant les bras en signe de prière, de louange, selon l'habitude des premiers chrétiens (voir plus bas). L'homme crucifié avec une tête d'âne représente le Christ. L'auteur du graphiti trouve donc complètement ridicule qu'Alexamenos puisse reconnaître comme sauveur un homme crucifié. À cette époque (en encore pour plusieurs siècles), un chrétien ne représentait jamais Jésus en croix. La croix était toujours une réalité trop affreuse, trop diffamante. |
Voici ensuite un symbole très fréquent lui aussi au cours des 3 premiers siècles:
Le Chrisme
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Au centre, il y a un X et un P entrecroisés , il s'agit des deux premières lettres du mot Christ en grec (cristos), le R grec ressamblant à un P dans notre alphabet, et le Ch grec ressemblant à notre X. Parfois, on a simplement , un I et un X entrecroisés: les initiales de Jésus (I) et de Christ (X). Dans les deux cas, ce monogramme est une simple abréviation pour désigner Jésus Christ, c'est à dire Jésus comme notre sauveur, et comme sauveur de l'humanité, le messie, le Christ Ce nom est important, bien entendu, dans le Nouveau Testament. Être disciple du Christ, c'est comme être marqué de son nom:
À partir du IVe siècle, peut-être que ce signe deviendra un petit peu pour certains, comme un "sésame ouvre-toi", permettant d'obtenir ce que l'on désire? L'histoire raconte que l'empereur romain Constantin gagna miraculeusement une victoire militaire formidable en peignant ce signe sur le bouclier de ses soldats (en 313). Souvent, le est encadré de deux autres lettres: un alpha (A) et un oméga (w), qui sont la première et la dernière lettres de l'alphabet grec. Cela fait référence à un texte de l'Apocalypse de Jean, où le Christ dit:
"Aw " se lit donc : Christ est le commencement de quelque chose de vraiment neuf dans l'histoire de l'humanité, et dans l'histoire de la vie de chacun. Et Christ est la finalité, c'est à dire le sens-même, l'accomplissement de la création, le sens et l'accomplissement de notre vie.
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Sur les tombes chrétiennes des premiers siècles (dans les catacombes, par exemple), on voit souvent "wA", avec le w avant le A, comme pour annoncer la résurrection. La fin (mort biologique) est le début d'une vie nouvelle grâce au Christ. Les autres symboles que l'on voit ici sont également très fréquents:
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Comme sur cette scène gracée sur un tombeau, vers la fin du IVe siècle on voit apparaître une croix dans les images chrétiennes. Ici, il y a le chrisme, avec une couronne de palme, les flots d'eau vive, des colombes et une croix. Les soldats renvoient à l'épisode des soldats romains endormis à la résurrection de Jésus-Christ. |
Colombes buvant dans un tonneau ? et Chrisme |
Une autre figure majeure du Christ est un homme debout, priant les mains levées :
L'Orant
Le Christ, ou la personne sauvée est représenté en prière, dans une robe blanche de baptisé.
La position debout évoque la résurrection, la capacité à avancer. La robe blanche évoque la pureté que Dieu choisit de nous offrir en nous regardant avec respect et bienveillance comme son enfant (comme dans la parabole du fils prodigue de Luc 15). Le geste des mains ouverte évoque aussi la joie, le bonheur de celui qui est sauvé. Dans cette fresque (en rouge) nous avons une représentation du Christ qui est à la fois le bon berger et l'orant. Nous avons donc un résumé de ce qu'il représente : il est notre salut et notre bonheur, |
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Dans cette image, nous avons en plus unc olombe qui apporte à l'orant un branche de palme. On voit ainsi ce que le chrétien peut attendre: le don de l'Esprit (qu'évoque la colombe), le don de la vie éternelle (qu'évoque la branche de palme). |
Un autre symbole majeur du salut en Christ est :
Le Poisson
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Ce symbole est très classique dans les premières images chrétiennes. Au cours des siècles, cette image a évoluée:
Pourquoi un poisson pour symboliser le Christ ? C'est d'abord parce que le poisson était, par chance, un symbole extrêmement positif à la fois dans la culture biblique (juive) et dans la culture grecque:
Cette coïncidence était donc une chance extraordinaire pour le christianisme primitif qui était une branche de la culture juive biblique se répandant dans un monde imprégné de culture grecque. Le Christ est ainsi reconnu à la fois l'exemple même du croyant, et le sauveur. Un jeu de mot a par la suite permis d'associer le poisson (Ichtus en grec) au Christ. Si l'on prend le mot Ichtus comme un sigle, les chrétiens on inventé une petite confession de foi sur la base de ce sigle, Jésus-Christ est l'Ichtus:
= Jésus-Christ est le Fils de Dieu, le Sauveur Il est l'Alpha, le commencement d'un monde nouveau, d'une vie nouvelle pour nous.
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Le poisson apparaît aussi parfois dans une allusion à la communion, comme dans cette fresque des catacombes de Saint-Calixte (région de Lucina), et comme dans cette autre fresque . C'est ce que l'on appelle parfois le "poisson eucharistique". Nous voyons ici une corbeille contenant 5 pains et peut-être un verre de vin rouge en transparence au milieu.
Nous retrouvons clairement une illustration de ce passage de la Bible dans cette mosaïque chrétienne du Ve siècle à Tabgha |
Une autre image, encore associée à l'eau, apparaît souvent pour symboliser l'Espérance chrétienne :
L'ancre
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Ce symbole illustre ce verset de la lettre aux Hébreux: “Cette espérance (en Christ), nous la possédons comme une ancre de l'âme, sûre et solide; elle pénètre au-delà du voile”.... Héb 6:19. L'ancre est tout à fait réaliste, peu stylisée, il y a l'anneau pour accrocher la corde, les poignées en haut aidaient à remonter l'ancre à bord... L'eau est parfois représentée, comme ici sur cette tuile romaine. Ce symbole de l'Espérance par le Christ est très fréquent jusqu'au 3e siècle, puis il disparaît au profit de la croix. Les lettres Alpha et l'Oméga sont souvent gravés à côté de la traverse, ou un poisson, pour bien préciser, si nécessaire, que notre espérance est en Christ. Cette espérance est comme une ancre qui retient solidement l'la personne à la réalité invisible qu'est le Christ. Elle évoque la personne qui a atteint le port de la vie éternelle.
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D'autres symboles bibliques majeurs apparaissent dans ces illustrations :
La Colombe pour désigner l'Esprit Saint,ou la personne dans la vie future
La Branche d'Olivier pour désigner la bénédiction de Dieu,
La Branche de Palme pour désigner le Salut,
Le Cep de Vigne pour désigner le croyant dans la vie éternelle
(mosaïque du Ve s. à Ravenne) |
La colombe picorant des olives, du raisin, une branche de palme ou buvant représente la personne vivant dans la vie future, se nourrissant des dons de Dieu. L'olivier et l'huile d'olive évoque la bénédiction de Dieu. Comme dans le récit du déluge quand la colombe ramène un rameau d'olivier montre à Noé que Dieu envoie (de nouveau) sa bénédiction (Genèse 8:11). L'huile est en effet, l'image même de ce que Dieu donne au croyant, car l’huile d’olive était alors utile à plein de choses aux gens de l'époque:
Le Christ est ainsi comparé à un olivier dans l'Apocalypse (§11) La colombe est également souvent représentée en train de boire ou de picorer du raisin. L'eau est, dans la Bible, un autre symbole très classique de la bénédiction de Dieu. Le raisin évoque le repas à la table du Christ dans le Royaume de Dieu.
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La branche de palme est également très fréquente. Cet arbre qui pousse au bords des cours d'eau évoque la bénédiction de Dieu pleinement reçue, et donc la vie éternelle. L'homme recevant ainsi le salut reçoit le bonheur qui est ici visible par l'attitude de l'orant (voir plus haut).
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Un symbole non biblique, tiré de la mythologie grecque, pour désigner la résurrection:
Le Phénix
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Le phénix, selon une mythologie non biblique, renaît de ses cendres après des milliers d'années. Il est ainsi une image de la résurrection personnelle. Dans la Bible ce serait plutôt l'aigle qui joue ce rôle, comme dans le Psaume 103:5 C'est lui (Dieu) qui rassasie de biens ta vieillesse, Qui te fait rajeunir comme l'aigle.....
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Il y a par ailleurs des illustrations de récits bibliques, en particulier des épisodes de
La vie de Jésus
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La nativité: on voit Marie, avec son enfant Jésus dans les bras et les mages qui viennent apporter des présents (Mt 2).
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Le Christ avec ses apôtres, probablement à un repas, peut-être la Cène (le dernier repas de Jésus avec ses disciples avant d'être exécuté, repas où il a institué la Communion).
On y voit clairement un poisson (symbole important - voir ci-dessus- et allusion au récit des évangiles où Jésus multiplie des pains et des poissons pour la foule)
Dans cette troisième représentation, on voit le Christ qui sert les 12 apôtres (Judas est un peu en arrière). Il a des aides, dont une femme (semble-t-il). |
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La résurrection de Lazare (Jn 11) est également souvent représentée sur les tombeaux (dans les catacombes, ou dans des églises). Ici on voit Jésus faire sortir Lazare de sa tombe, devant ses deux soeurs (Marthe et Marie) |
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Mais plus largement, les miracles de Jésus sont souvent mis en scène, pour dire la confiance en lui pour transformer notre vie. Sur ces 2 panneaux du Ve siècle on voit le Christ, comme souvent à l'origine, sous les traits d'un adolescent. |
(catacombes de Rome, vers 300) |
Le salut en Christ n'est pas seulement un enseignement, mais il est présenté comme une guérison, une action qui nous permet d'être profondément libéré. C'est ce qu'exprime cette fresque illustrant un passage de l'Évangile. Une femme touche le bord du vêtement de Jésus est est guérie de son hémoragie. Jésus lui dit: Ma fille, ta foi t'a sauvée; va en paix, et sois guérie de ton mal (Matthieu 5:25-34) |
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La représentation de la crucifixion du Christ n'apparaît pas avant le 5e siècle. Les chrétiens des 4 premiers siècles préféraient mettre en valeur d'autres épisodes de sa vie, en particulier ce qu'il a dit. La plus ancienne représentation connue de la crucifixion est celle-ci, sur un coffret en ivoire datant de l'an 420 environ. On y voit aussi, de gauche à droite, les personnages de Judas (qui se suicide, selon Mt 27:5), de Marie et de Jean (selon le bel épisode de Jean 19:26), et le soldat romain qui continue à se moquer de Jésus (Lc 23:36).
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Bibliographie:
- Frédérick Tristan "Les premières images chrétiennes, du symbole à l'icône IIes.-VIes.", Fayard, 1996
- Les catacombes de Rome