Accéder au contenu principal
56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

La Bible mode d'emploi

(Comment la lire)

 

La Bible est bien sûr la base de la foi chrétienne, surtout pour les protestants qui considèrent qu’il n’y a pas d’autorité humaine qui puisse dicter au croyant ce qu’il doit faire ou croire, mais que chacun doit se faire sa propre opinion à partir de sa lecture de la Bible. « Chaque protestant est un pape la Bible à la main » a dit le poète Boileau et c’est assez vrai, c’est d’ailleurs l’un des principes du protestantisme : « sola scriptura » : l’Ecriture seule (a autorité et personne d’autre) pour la foi. Cela fait aussi qu’il y a diversité de croyances dans le protestantisme suivant la manière avec laquelle l’un ou l’autre considère son rapport à l’Ecriture. Les protestants ont pris l’habitude d’appeler la Bible « la parole de Dieu » et ce peut être compris de différentes manières. Pour certain, le texte est littéralement parole de Dieu, il faudrait donc lire, croire et appliquer à la lettre ce qui est écrit comme si c’était Dieu qui l’avait écrit. C’est la tendance fondamentaliste. D’autres disent que Dieu n’a sans doute pas dicté mais qu’il a « inspiré » le texte, cela laisse un peu plus d’espace et de possibilité de recul par rapport au texte, et d’autres enfin pensent que c’est un texte humain écrit par des hommes, eux, inspirés par Dieu. Dans ce cas en effet, on peut soumettre le texte à la critique et essayer de le comprendre par rapport à un contexte historique pour voir ce qu’il pourrait nous dire aujourd’hui.

Dans tous les cas, on ne peut pas dire que la Bible soit un texte ordinaire. Objectivement, c’est un des plus grands textes que possède l’humanité, on le voit par ses effets. C’est le texte le plus lu, le plus édité, le plus commenté de toute l’histoire de l’humanité. Il a construit des civilisations, façonné nos paysages avec ses églises dans chaque village, été la base en occident de la majorité de l’art et de la pensée. La Bible a changé des vies et encore aujourd’hui bouleverse des existences. Pour l’Evangile des hommes et des femmes décident de consacrer toute leur vie pour servir l’Evangile. Bref, on peut aimer ou ne pas aimer la Bible, mais on ne peut pas dire que ce soit un texte nul et sans intérêt. C’est un texte transcendant et plus puissant que n’importe quel texte humain.

C’est en ce sens qu’on peut dire qu’il est « parole de Dieu » parce que ce n’est pas juste un point de vue humain qu’on pourrait lire avec plus ou moins d’intérêt, c’est un texte qui a une puissance créatrice faisant que celui qui le lit n’en reste pas le même, c’est un texte qui crée, qui transforme le lecteur et le pousse vers la vie, la paix l’amour et la joie.
Maintenant, bien sûr que ce texte a été écrit par des hommes et que tout dans la Bible n’est pas parfait ou directement applicable, cela n’empêche qu’elle est un trésor.

S’il y a une puissance transcendante dans la Bible, il ne faut donc pas pour autant la diviniser. Il est dit parfois que les chrétiens sont comme les juifs et les musulmans un « peuple du livre ». Mais cela est faux, le cœur de la foi des chrétiens, c’est Jésus Christ, l’enseignement de Jésus, l’événement Christ, pas le livre en tant que tel. Les évangiles ne sont que les témoignages de ce que les témoins les plus proches peuvent nous donner de cela. Ils sont donc infiniment précieux, mais il y a toujours une distance possible entre l’évangile et ce qu’a dit vraiment le Christ. Quant aux lettres de Paul, ce sont des développements théologiques de première main mais là encore ce n’est pas directement l’enseignement du Christ.

Pour ce qui est de l’Ancien Testament, il est aussi tout ruisselant de la présence de Dieu, mais il est le témoignage de la découverte progressive d’un peuple, du Dieu d’amour et de grâce qui nous sera révélé en plénitude par Jésus. Ainsi peut-on trouver dans l’Ancien Testament des vestiges d’une théologie archaïque qu’il faut prendre avec distance. On pense en particulier à tous les passages de violence, ou à ceux qui présentent Dieu comme auteur de punitions, de massacres ou d’épreuves diverses. Certes, on trouve dans l’Ancien Testament des passages merveilleux du Dieu que nous aimons comme Dieu de tendresse et de pardon, mais aussi parfois un Dieu ressemblant plus à un monarque oriental qui n’est pas tout à fait dans le sens de ce que nous croyons comprendre de la prédication de Jésus présentant Dieu comme père. Il y a donc une évolution théologique que l’on voit dans l’Ancien Testament aboutissant à la révélation de Jésus Christ. Et si les chrétiens lisent l’Ancien Testament, c’est toujours à partir de la base de l’enseignement de l’Evangile.

Et puis il y a une certaine diversité théologique dans la Bible. Tout n’a pas été écrit par une seule personne à un seul moment, contrairement au Coran écrit par Mahomet prétendument sous la dictée de l’ange Gabriel. La Bible a été écrite sur un laps de temps de mille ans par des dizaines d’auteurs différents. Tous visent à comprendre le Dieu unique mais tous ne disent pas exactement la même chose. Il y a donc une diversité de théologies, et le lecteur ne peut pas simplement se dire qu’il doit lire et croire ce qu’il lit sans se poser de questions. Même les premiers chrétiens ont eu cette intuition incroyablement audacieuse de donner quatre récits de la vie et de l’enseignement de Jésus que sont les quatre évangiles qui disent à peu près la même chose mais pas exactement. Ils auraient pu vouloir compiler les quatre et donner un récit unique qui ferait autorité. Mais non, ce qui prouve qu’il faut prendre tout avec précaution et aussi admettre la diversité de points de vue.


Et puis la Bible n’a pas été écrite à notre époque. Elle a été écrite il y a deux mille ans dans une culture qui n’était pas la nôtre. On ne peut donc pas la lire comme si elle avait été écrite en français au XXIe siècle. Il y a bien sûr un travail d’adaptation à faire quand on la lit. En particulier on n’avait pas à l’époque la même relation à la science, ni à la vérité dite historique. Ainsi dit-on bien que le récit de la création du monde dans la Genèse est fait dans la conception cosmogonique de l’époque. Aujourd’hui nous savons que l’Univers a été créé en 13 milliards d’années et pas en 7 jours. Peu importe, nous ne cherchons pas dans la Bible des vérités scientifiques, mais un enseignement théologique. Ainsi, nous voyons là que le monde matériel n’est pas tout, mais qu’il y a une dimension qui la précède et la domine qui est de l’ordre du spirituel et du divin. De même, l’histoire de Noé avec son arche peut faire allusion sans doute à un souvenir lointain de quelque inondation spectaculaire, mais tout ne s’est sans doute pas passé exactement comme il est décrit avec un couple de chaque animal dans un grand bateau. Ces textes sont comme des mythes, l’important n’est pas le sens littéral, ils sont comme des paraboles. Mais si l’on continue, jusqu’où ira-t-on dans la lecture purement théologique et non historique des textes ? A chacun de le dire. Que Moïse n’ait pas vraiment ouvert un passage dans la Mer Rouge avec un mur vertical d’eau à sa droite et l’autre à sa gauche, beaucoup le pensent. Le message, c’est là qu’avec l’aide de Dieu, on peut traverser quelque chose qui nous semblerait sinon infranchissable. Mais ensuite : qu’en est-il de la naissance virginale de Jésus ? Certains y croient d’autres non. Et Jésus qui marche sur l’eau ? Ce peut-être aussi un récit théologique : l’enseignement serait alors que contrairement à l’Ancien Testament, l’aide de Dieu ne consiste pas à éloigner les obstacles de notre route comme pour Moïse devant l’eau de la Mer Rouge, mais nous aide à passer par dessus. Et enfin, la résurrection du Christ ? Est-ce un symbole ou une réalité ? Ce sont là des questions auxquelles chaque chrétien pourra répondre à sa manière.
Maintenant, il ne faudrait pas penser que l’Evangile ne serait qu’un roman, une fable d’histoires inventées pour faire passer un message. Il y a bien un événement qui a été la vie et l’enseignement de Jésus-Christ. Peut-être n’a-t-il pas fait tout exactement comme cela est raconté, il y a pu y avoir des amplifications, des arrangements en effet pour faire passer un message, mais sans doute y a-t-il des événements objectifs auxquels il est parfois difficile d’accéder. Mais pour nos auteurs, l’histoire est subjective, l’important ce ne sont pas tant les faits bruts que la manière avec laquelle ils sont vécus et compris.

Ainsi sommes nous invités à entrer dans l’histoire de la Bible non pas comme on entrerait dans un livre d’histoire, de science ou d’archéologie, mais comme dans un livre qui parle de notre propre expérience humaine.

Alors l’histoire d’Adam et Eve n’entre plus en compétition avec les théories de Darwin ou de l’évolution, elle dit autre chose. Sans doute qu’historiquement ou biologiquement nous descendons d’un ancêtre commun avec le singe. Mais la théorie de Darwin n’explique pas en quoi un humain diffère fondamentalement d’un singe, mis à part quelques grammes de plus dans son cerveau. C’est là que l’histoire d’Adam et Eve est pertinente, elle parle précisément de ce qu’est l’expérience fondamentale de l’être humain, dans son rapport à la question morale, à la culpabilité, à l’universel et au transcendant.

Et donc toute la Bible est à lire comme un livre qui parle non pas d’une histoire passée, mais qui parle de celui qui la lit. Il faut dans chaque texte se dire que celui-ci parle de soi-même ici et maintenant. Et elle n’est pas là pour donner des réponses simples, mais plutôt pour questionner, accompagner et responsabiliser. C’est pourquoi sans doute aucun des personnages de l’Ancien Testament n’est exemplaire, ils ne sont pas des modèles moraux, mais des humains comme chacun de nous confrontés à des expériences humaines et spirituelles qui sont les nôtres et sur lesquelles nous pouvons réfléchir, et que les propos du Christ sont parfois excessifs ou provocateurs, ils ne sont pas forcément à appliquer tels quels, mais nous donnent une visée d’idéal qui oriente notre vie et la questionne.

C’est ainsi que la Bible est un livre de vie, pour l’Ancien testament, elle est riche de plus de 1000 ans de prière, de quête spirituelle et de recherche de Dieu d’un peuple, et pour le Nouveau Testament, elle nous donne les témoignages d’être humains qui ont été transcendés par le contact avec Jésus Christ, homme tout rayonnant de la présence et de la puissance de Dieu.

Ainsi la clé de lecture de toute la Bible, est pour tout lecteur de se dire, ce texte parle de moi ici et maintenant. La question n’est donc pas de savoir si Jésus a vraiment marché sur l’eau, mais comment il peut m’aider à le faire. Or comme dans l’instant présent il n’y a ni eau ni mer, c’est que l’eau représente autre chose : l’épreuve et la mort. De même, je suis l’aveugle que guérit Jésus, or étant bien-voyant physiquement, c’est qu’il peut me guérir d’une cécité d’un autre ordre. La Bible ne nous met pas face à une histoire passée, mais entre dans notre propre histoire, c’est un livre dont le lecteur est lui-même le héro, un texte qui ne cherche pas à expliquer, convaincre ou même enseigner, mais un texte qui transforme le lecteur.

C’est en ce sens qu’on peut dire que la Bible est « parole de Dieu ». Ces vieux textes ont une puissance extraordinaire de transformer, guérir, ressusciter celui qui les lit. Personne ne peut avoir lu entièrement au moins le Nouveau Testament sans en avoir été transformé. C’est pourquoi on ne peut que recommander de s’exposer régulièrement à ce texte bienfaisant, si possible même quotidiennement par petites doses, c’est une vraie source de vie.

 

Retour à la page: Catéchismes et Ecoles Bibliques