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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Archives-Reflexions

Trois petites méditations

 

Malgré moi

J'étais parti, tel l'un des Mages, à la poursuite de l'étoile, quêtant une vérité absolue qui me dise le mystère de l'ailleurs. Mais, ô surprise, l'étoile ne m'a conduit ni à la connaissance suprême des secrets du monde, ni au royal portique de la sagesse et du bonheur, mais à la mangeoire d'une étable de Bethléem. Et là, alors que je venais chercher l'initiation au mystère, j'ai été investi de la mission de protéger un Enfant des massacreurs d'innocence. Malgré moi.

J'étais, pauvre hère, seul, mais à l'aise en mon chez moi. On vint me quérir : « Un maître t'appelle, il donne un repas, il faut que tu t'y rendes ». Et je fus ainsi requis, on peut dire contraint de quitter ma solitude. Je fus ainsi conduit, sans connaître le chemin, à la cène d'un Roi. Il m'apprit deux mots nouveaux : pardon et merci. Le lendemain, on crucifia le Roi. Depuis, à chaque repas, je suis hanté par ces deux mots qui reviennent en moi. Malgré moi.

J'étais oisif, tel Simon de Cyrène, au bord d'une ruelle de Jérusalem. L'Homme de Dieu est passé là, devant moi, portant seul sa lourde croix, montant vers Golgotha. Un inconnu m'a hélé : « Aide-le donc ! » et il m'a poussé sous la croix, derrière l'Homme qui continuait à porter le plus lourd de sa potence. Lorsque l'Homme parvint au sommet du mont, il dressa seul son gibet. Mais il reste et restera pour toujours dans ma chair une écharde du bois de la Croix. Malgré moi.

 

Au secours !

En moi, Dieu crie : « Au secours ! ». En moi, en toi, en chacun d'entre nous, Dieu crie : «Au secours, sauve-moi..!..».

Quelqu'un, en moi, lutte, intransigeant. C'est sans nul doute le Seigneur mon Dieu. Il lutte désespérément pour vaincre ma lassitude, mes oublis, mes carapaces et mes indifférences.

Dans cet assaut qu'il conduit à l'intérieur de moi, au plus intime de ce que je suis, sera-t-il victorieux ou sera-t-il étouffé..?

En moi, Il s'attaque à mes boues noires, à mon limon, à mes caves obscures, à mes souterrains secrets. Il avance, il me travaille, il me déchire, il me dévore, il me malaxe. Il crie en moi : « Je veux te faire homme de souffle, je veux passer en toi. Oui, brise-toi et ressuscite par moi seul ».

Oui, je le sais, je le sens, l'essence de mon Dieu, c'est la lutte. Il lutte à l'intérieur de moi. Il n'est sûr ni de sa défaite, ni de sa victoire. Il se risque. En moi et en chacun.

En moi, Dieu veut surgir. Dans mes recoins, dans mes replis, dans mes labyrinthes et mes faux-fuyants, dans mes souterrains, dans mes caves, dans mes alcôves, en mes soupentes, Dieu se hasarde, il tremble, il combat. Il est chef couvert de blessures. Oui, en moi, Dieu est en péril.

En moi, Dieu est en danger. Il chancelle, il tente d'ouvrir la trappe de la nuit. Il me crie : «Au secours, sauve-moi..! »

 

Mon silence te parlera

Mon Berger et mon Dieu, j'ai souvent fui devant ta vérité, comme un égaré ou un enfant, sachant fort bien qu'elle ne me permettrait pas de continuer mes petits trafics.

Mais voici, mon Dieu, je suis las de me dérober. Mes épaules sont devenues lourdes, le fardeau de mes compromissions s'est appesanti sur moi.

Je ferai silence devant Toi. Ce silence te parlera. Il te parlera de moi. Et il me parlera aussi de Toi.

Il sera soupir, comme on parle de soupir entre deux phrases de musique. Il sera «..respir..» pour que je recueille ton souffle. Il sera prière en suspens, plus humble que les rhétoriques fallacieuses, plus vrai que les longues confessions. Il sera l'aveu de la plénitude d'un mystère au coeur de ma chair et de mon sang.

Et lorsque viendront les derniers jours, je me vêtirai de ce silence comme d'un habit pour le soir, et je t'attendrai pour toujours. Alors encore, mon silence te parlera.

Alain Houziaux