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Peut-on croire à la résurrection des corps ?

 Peut-on croire à la résurrection des corps?

Il est souvent dit que la foi dans la résurrection des corps est essentielle à la foi chrétienne. On la trouve, il est vrai, dans le Credo du Symbole des Apôtres « Je crois à la résurrection de la chair ». Et c’est aussi lié à la foi dans la résurrection du Christ, elle aussi présentée comme fondement de la foi chrétienne. Il est dit, en effet, en particulier dans les lettres de Paul, que nous ressusciterons comme le Christ qui est le premier-né et le modèle de notre propre résurrection. Or on dit aussi qu’il faut croire à la résurrection corporelle de Jésus.

En fait, bien sûr, il y a mille manières de croire à la résurrection du Christ, et l’on peut prendre tout cela symboliquement, et bien des chrétiens très authentiques interprètent la résurrection du Christ spirituellement.

Par ailleurs, l’expression « résurrection des corps » n’est pas biblique. La Bible parle de la « résurrection des morts », ce n’est pas pareil, parce que cela laisse la porte ouverte à des conceptions plus spirituelles que purement corporelles. Et d’ailleurs, le message biblique reposerait plutôt sur la foi dans la vie éternelle qui est la vie en Dieu.
Or je crois précisément que notre Vie éternelle est faite de tout ce qui est spirituel en nous, tout ce qui est de l’ordre de la foi, de l’espérance et de l’amour, seules réalités éternelles selon Paul (1 Cor 13 :13), ce qui n’est pas très matériel.

Il est évident qu’on ne peut croire à la résurrection des corps d’une manière simpliste. Il n’y aura pas de morts se relevant et soulevant les dalles des tombeaux à la fin des temps. L’incinération n’empêchera personne d’hériter de la vie éternelle. Et puis s’il y avait résurrection corporelle, à quel âge ressusciterions-nous ? Avec un corps jeune ou vieux ? Saint Thomas disait que tous nous ressusciterions à l’âge de 33 ans, comme le Christ. C’est sympathique, mais absurde pour un bébé qui meurt, comment pourrait-il ressusciter à un âge qu’il n’a jamais eu et auquel personne ne l’a jamais connu ni aimé ?

On ne peut pas ressusciter avec un corps, parce que la vie est un tout, et toute notre vie est sauvée, depuis le commencement jusqu’à la fin, or le corps change, ce qui demeure n’est pas vraiment physique.

Le Christ va dans ce sens lors de son débat avec les sadducéens : il dit qu’alors nous serons « comme des anges dans le ciel » et sous une forme pas très physique... (Marc 12 :18-27). Paul aussi dans son bel exposé en 1 Corinthiens 15 : il nous montre que semé corps naturel, nous ressuscitons corps spirituel, et le corps spirituel est d’une nature totalement autre que le corps naturel.

Comment ressuscitons-nous alors ? Comme le Christ, or le Christ, s’il est ressuscité et s’il est vivant parmi nous aujourd’hui, ce n’est pas avec un corps physique, c’est en esprit.

Mais pourquoi parle-t-on alors du « corps » pour la résurrection ? Pour le savoir il faut se poser la question de son statut de notre vivant.

D’abord, on peut observer que le christianisme n’est pas dans le refus ou la dévalorisation du corps. Il ne professe pas une âme bonne qui serait prisonnière d’un corps mauvais. Pour lui, le corps n’est pas mauvais, et il n’est pas rien, il est une création de Dieu. Or, s’il y a une considération du corps de notre vivant, on peut légitimement se poser la question de sa place dans l’éternité.

D’abord, le corps, c’est ce qui nous permet de nous individualiser. Et justement, le christianisme insiste sur la valeur de la personne. Il n’y a pas de réincarnation, où une âme impersonnelle passerait d’un corps à l’autre, ni de dissolution dans un grand tout divin, c’est la personne qui est aimée par Dieu, c’est elle qui est sauvée pour l’éternité.
Ensuite, le corps a un rôle avant tout fonctionnel, il sert à l’action et à la relation. Par lui, nous pouvons agir dans le monde, et communiquer avec les autres. Si nous disons que le corps ressuscite, c’est peut-être pour dire que ces deux fonctions transcendent la mort.

Pour l’action, ce n’est pas évident, puisqu’une fois mort, nous ne pouvons plus agir dans le monde. Mais en fait si, et là encore le Christ nous permet de mieux comprendre. Nous disons que le Christ est ressuscité. Mais où est le « corps du Christ » aujourd’hui ? Paul nous le dit bien, c’est l’Eglise, c’est chacun de nous. Christ continue donc d’agir par ceux qui croient en lui et qui prolongent son action dans son esprit. Christ est vivant par ce qu’il nous a transmis et parce qu’il est dans nos cœurs. Peut-être déjà que nous nous survivons parce que certains pensent à nous, et par ce que nous avons transmis aux générations qui nous succèdent. Ce n’est pas tout, mais c’est déjà pas mal.

Ensuite pour la relation, c’est encore Paul qui nous dit le dernier mot : dans 1 Cor. 13, il nous montre que tout est passager, mais que seuls demeurent éternellement la foi, l’espérance et l’amour, et que la plus grande de ces choses, c’est l’amour. Certai-nement ce qui restera éternellement de notre vie, c’est tout l’amour que nous aurons partagé, donné, vécu. Ainsi, chacun de ceux que nous avons aimés est sauvé pour l’éternité dans l’amour que nous leur avons porté, et ils sont tels que nous les avons aimés.

Et puisque nous sommes aimés de Dieu, nous sommes tous sauvés, corps et âme, dans l’amour de Dieu, parce que Dieu nous aime tels que nous sommes et il nous sauve ainsi. Ce n’est sans doute pas très matériel, ni physique, mais c’est très réel.


Louis Pernot