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Archives-Reflexions

Noël, l'athée et la faim

 

 Se croire athée, c'est vouloir se mutiler. Chacun porte en lui la semence d'un sentiment religieux, une sorte d'élan vers l'infini, l'au-delà, vers le Noeud qui noue toutes choses entre elles. Chacun a besoin d'accrocher sa charrue à une étoile, d'écouter aux portes du Silence de l'infini et de tenter d'entrebâiller l'inconnaissable. Et chacun, aussi, attend une mystérieuse protection pour les heures difficiles de la vie et se sent poussé, de temps à autre, à lancer une prière vers le Maître du destin un peu comme on lance une bouteille à la mer.

Comme des porteurs de flambeaux, les hommes de misère se transmettent d'âge en âge la flamme de leurs aspirations à des inconnus lointains, vers Celui qui, du haut des cieux, veille sur le destin des jours et des nuits, des vents et des marées, des combats et des sommeils.

Et se vouloir athée, c'est refuser tout droit de cité en soi-même à cette semence de foi, d'étonnement et d'espérance, un peu comme une femme qui, honteuse de porter un enfant en son sein, tenterait de comprimer son ventre par la violence. Se vouloir athée, c'est se refuser à exprimer ce qui, de toute manière, remue en soi.
 

J'ai faim de dire

Quant à moi, j'ai faim de dire ce que je ne sais pas dire. Et je ne tiens pas à me rendre malade de cette faim. Se refuser à toute pratique et à toute parole qui pourraient exprimer notre faim de Quelque chose, de Quelqu'un, c'est se condamner à un manque, à une amputation et même à une forme d'amoindrissement de soi.

Mais comment le dire, ce que nous ne savons pas dire ? Pour dire la lumière et les couleurs du monde, un peintre a besoin d'une palette et de pinceaux. De même pour dire notre appel, notre faim et notre élan vers la lumière, nous avons aussi besoin d'outils. Si nous appelons la Bible «la parole de Dieu», c'est parce qu'elle nous donne la parole au sujet de Dieu ; elle nous donne des outils pour parler de Dieu et parler vers Dieu.

Ecouter les paraboles par lesquelles Jésus parle du «royaume de Dieu», lire le livre des Psaumes, participer à la liturgie d'un culte, c'est s'offrir une bonne tranche de paroles quand on a faim de dire Dieu. C'est se donner la possibilité d'exprimer par des chants, des attitudes et des symboles cette part de rêve, de foi et de prière que nous avons en nous. Et, en cette période de fêtes, écouter le récit de Noël et celui des mages, c'est se donner des mots, des images et un chemin pour dire notre tentative de retrouver l'esprit d'enfance et le goût des étoiles.
 

Entrons donc dans le chemin des mages chercher la lumière par la lumière

Les mages étaient des prêtres des Mèdes, des Perses et des Chaldéens. C'était des païens, un peu comme nous le sommes tous, plus ou moins. Et ces mages marchaient, guidés par une étoile. Ils poursuivaient un scintillement faible, à peine visible, dans une nuit profonde, cherchant la lumière par la lumière.

Chacun de nous sait aussi à quelle étoile il a accroché ses pas, ses espérances et le meilleur de lui- même. Chacun de nous sait ce qu'il continue à croire et à voir, même dans les ténèbres de l'angoisse et du désespoir. Chacun de nous sait à quoi il tient indéfectiblement, inconditionnellement, même quand le «..vanité des vanités..» de l'Ecclésiaste étend son ombre.

Dieu a donné une étoile à chacun de nous. Elle nous appelle à la lumière et à la paix, nous les errants, les nonchalants et les coupables. C'est elle qui empêche notre égoïsme de se prendre tout d'un bloc comme une mer qui gèle. C'est elle qui garde en nous la flamme sous la cendre et qui stimule les yeux voilés d'un éclat nouveau.

Comme les mages, nous marchons à la recherche d'une parole de vérité qui donne du sens à l'effort et qui sauve de la souffrance de n'être qu'un inutile qui n'achève rien et qui disparaît dans l'inconnu de la mort.
 

L'enfant de Bethléem

Et voici, les mages trouveront la lumière par la lumière. Ils reconnaissent en l'enfant de Bethléem la manifestation de la Puissance mystérieuse qui vient au-devant des hommes. Ils donnent le visage de cet enfant à l'incompréhensible altérité de l'Au-delà, à l'insaisissable Mystère, à l'inconnaissable majesté de Dieu, sans cesse ressentie par les coeurs altérés et interrogée par les esprits angoissés.

Nous aussi, nous nous prosternons devant l'enfant de Bethléem pour qu'un visage manifeste pour nous l'Esprit éternel, pour qu'une voix nous interpelle de la part des silences infinis, pour qu'un nom nous vienne à la mémoire et aux lèvres lorsque nous évoquons et confessons Celui qui est au-delà de tout nom.

Jésus-Christ, je salue ton nom.

Tu es l'image du Dieu dont l'amour met en mouvement le soleil et les autres étoiles,

Tu es, dans la glaise de ce monde, l'empreinte et le sceau de la Bénédiction qui couve, couvre et enveloppe le monde de toutes parts.

Tu es le miroir où nous discernons l'éclat de l'Autre Soleil

Alain Houziaux