Skip to main content
56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Archives-Reflexions

Les Noces de Cana (Jean 2)

 

L'Évangile de la joie et de la fête

La présence de Jésus aux Noces de Cana est son premier acte public dans l'Evangile de Jean. Il est déjà remarquable que ce soit lors d'une fête, d'un banquet, dans un lieu où l'on s'amuse, où l'on rit et danse. Tout de suite le ton est donné: l'Evangile, ce n'est pas la tristesse, au contraire, c'est la joie et la fête, c'est même une joie qui peut continuer toujours, même quand les réjouissances terrestres viennent à manquer.

Et c'est bien cela que Jésus apporte quand il est présent quelque part, dans une vie, dans une existence: il fait en sorte que le vin, symbole de la joie dans la Bible, comme le champagne l'est pour nous aujourd'hui, ne manque jamais.

Certes, les invités du repas ne seraient pas morts de faim, ni même de soif si Jésus n'avait pas été là. De même que tous les gens qui ne sont pas chrétiens ne vivent pas forcément plus mal d'un point de vue matériel. Mais on peut penser qu'il leur manque quelque chose, il leur manque cette joie profonde que rien ne peut faire cesser, cette fête qui ne connaît pas les limites de notre monde matériel.

Et d'ailleurs, ne pas être chrétien ne veut pas dire que l'on n'ait absolument aucune joie... les invités, avant même toute action du Christ, avaient du vin, et faisaient la fête. Mais ce qui est vrai, c'est que ce vin-là, celui des joies terrestres, a toujours une fin. On peut certes profiter des plaisirs de ce monde, mais il faut bien avoir conscience que ces plaisirs cessent d'eux-mêmes toujours à un moment ou à un autre. Or ce que Dieu veut pour nous, et ce qu'il peut nous donner, c'est un bonheur qui n'est pas seulement dépendant de conditions matérielles, de choses drôles ou bonnes que nous pourrions avoir un temps et ne plus avoir ensuite. Un bonheur qui demeure, même quand il n'y a plus de ce vin du plaisir dans notre vie.

 

La relation à Marie

Marie a un rôle remarquable dans notre récit. D'abord, elle comprend tout cela, elle sait que les joies terrestres sont forcément limitées et finies, et elle sait que son fils Jésus-Christ peut faire quelque chose. En fait, elle ne sait pas très bien quoi, mais elle sait qu'il peut apporter ce qui manque, en fait, à tous. Alors tout simplement, elle le lui dit. Elle ne demande rien de précis. Ainsi est la prière à adresser à Dieu, lui dire simplement tout ce que nous avons sur le coeur, sans lui dire à l'avance les solutions. Les solutions de Dieu sont toujours inattendues et rarement celles que nous attendrions. Marie ne sait pas encore ce que va dire ou faire son fils, mais elle conseille très justement de rester dans la confiance: "Faites tout ce qu'il vous dira...".

A ce moment, Jésus semble répondre durement à sa mère en lui disant: "Femme, lui dit-il, qu'y a-t-il entre moi et toi." Cela peut se comprendre de différentes manières. Peut-être d'abord y a-t-il quelque chose de maladroit dans la demande de Marie. Si c'est le cas, cela montre que même quand nos demandes au Christ sont maladroites, même si notre prière n'est pas ce qu'elle devrait être, il y a un véritable exaucement dans la prière. L'essentiel, c'est de voir qu'il nous manque quelque chose et de compter sur le Christ pour trouver une solution.

Mais on peut penser que la réponse de Jésus n'est pas aussi désagréable que ça. La preuve, c'est que Marie comprend cette réponse comme un feu vert de sa part, et elle dit à ses serviteurs de se tenir prêts. Le: "Qu'y a-t-il entre toi et moi" peut se comprendre d'une manière positive, le Christ disant en quelque sorte: "qu'y aurait-il entre nous de mauvais pour que je n'accède pas à ta demande?" Et le fait qu'il l'appelle "femme", et pas "mère", serait pour dire que ce n'est pas en fonction d'un favoritisme familial qu'il va exaucer sa prière, mais en fonction de la nature de leur relation, relation que nous tous, femmes et hommes pouvons avoir de même avec le Christ.

Et là est la bonne question que nous devons nous poser: en tant qu'êtres humains, de chair... qu'avons-nous de commun avec le Christ ?

 

La transformation

L'important, c'est de se poser cette question, il ne s'agit pas d'un examen de passage, avec la seule bonne réponse attendue, mais simplement de se remettre en cause. Cette question donc étant posée, Jésus peut passer à la suite: il va apporter ce bon vin de la joie nouvelle, mais pas à partir de rien, en transformant en vin l'eau qui devait servir aux rites religieux de purification des juifs.

C'est là aussi d'une grande importance. Jésus ne fait pas un acte magique, il transforme l'existant, il fait en sorte que nos gestes pauvres et limités, ce qu'il y a dans notre vie religieuse et qui peut sembler sans vie devienne au contraire une source jaillissante de vie et de joie.

Jésus n'est pas contre la pratique religieuse, même celle des pharisiens, il sait qu'elle ne peut, en elle-même, donner la vie, ni la joie, mais peut-être est-elle tout de même nécessaire pour accéder à ces réalités que nous souhaitons tous. La seule condition est que notre pratique ne soit pas pour elle-même, mais que le Christ soit invité à y être présent comme une réalité vivifiante.

A Cana, le Christ avait été invité... heureusement d'ailleurs, parce qu'il n'est pas du genre à entrer chez quelqu'un sans avoir été convié... sa présence peut ne pas sembler tout de suite essentielle, mais rassurez-vous, le Christ n'est pas non plus du genre à être quelque part sans rien faire... alors si le Christ est invité dans vos vies, soyez sûrs qu'il saura transfigurer en temps utile en vous l'eau plate en vin de fête, de telle sorte qu'il y en ait à redonner à tout le monde.

Louis Pernot