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Archives-Reflexions

Le chemin, la vérité et la vie

 Je suis le chemin la vérité et la vie

Le Christ a dit: Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Cette formule est belle, certes, mais elle est problématique.

Elle semble en effet très exclusive, ce qui est renforcé par la suite: Nul ne vient au Père que par moi. Le Christ veut-il dire que tous les non-chrétiens sont dans l'erreur, qu'ils n'ont pas accès à la vie et qu'ils ne peuvent rien savoir de Dieu ? Cela ne serait pas cohérent par rapport à son enseignement, visant à relativiser les institutions, les pratiques pour ne garder que l'essentiel: l'amour de Dieu et de son prochain. C'est ainsi que Jésus dit que certains péagers et pécheurs peuvent être plus près du Royaume de Dieu que les professionnels de la religion qu'étaient les Pharisiens. De même, Paul parle des païens en disant: Ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu, mais ce sont ceux qui la mettent en pratique qui seront justifiés. Quand les païens, qui n'ont point la loi, font naturellement ce que prescrit la loi, ils sont une loi pour eux-mêmes; ils montrent que l'oeuvre de la loi est écrite dans leur coeur. (Rom 2:13ss)

Il faut donc penser que le Christ ne cherche pas à se mettre en avant lui-même, mais qu'il se retranche derrière ce qu'il sert, c'est-à-dire son message. L'important, ce n'est pas tant de se dire ou non Chrétien, mais de mettre en oeuvre l'Evangile dans sa vie. Et si l'on veut résumer l'Evangile par le Sommaire de la Loi: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même, alors on peut dire que là est effectivement le chemin de la vérité et de la vie. Quelle que soit sa religion ou sa non-religion, le seul chemin, c'est celui de l'amour.

Et c'est ça la Vérité dont il est question. Ce n'est pas une vérité dans le sens humain. Il ne s'agit pas de savoir qui a raison et qui a tort, mais de savoir ce qui est vrai dans ce monde et ce qui est trompeur. Je crois que la seule chose vraie dans la vie, c'est l'amour, le service, l'accueil et le don de soi. Tout le reste n'est qu'apparence trompeuse: on croit que c'est important alors que ça ne l'est pas. La vérité dit l'Evangile, c'est ce qui fait vivre. Paul écrit: Le juste vivra par la foi (Rom 1:17, Gal 3:11), or dans la Bible il n'y a qu'un seul mot pour dire "foi" et "vérité". Et la foi qui fait vivre, c'est celle-là: s'attacher à une vérité, non pas dogmatique, mais existentielle, de croire de tout son coeur, de toute sa force et de toute sa pensée que le fondement de sa vie, ce qui demeure pour l'Eternité, la seule chose qui compte, c'est l'Amour.

Ainsi est évident le lien entre la Vérité dont parle le Christ et la Vie: tout le reste c'est la mort. La possession, c'est la mort, l'égoïsme, c'est la mort, la vengeance, c'est la mort, je jugement c'est la mort, le pouvoir terrestre, c'est la mort, de désir de paraître, c'est la mort. Mais l'amour, le pardon, le don et le service, c'est la joie, c'est la paix, c'est la vie et c'est l'éternité.

Ce qui est plus original encore, c'est la notion de Chemin que Jésus met en tête. Il nous enjoint ainsi à avoir une conception dynamique de la vérité et de la vie. La vérité n'est pas un trésor sur lequel il faut se reposer, une certitude immobile et morte, mais un cheminement, une recherche, une avancée, avec tout ce que cela suppose de doutes, d'errances et de recherches. Et de même, la vie n'est pas un trésor sacré à préserver, mais la vie est un processus, une transformation continuelle, une croissance, une succession de changements et de remises en cause. Etre, c'est être en mouvement, être, c'est être en devenir.

Or notre tendance idolâtre naturelle est de nous attacher à l'immobile, à l'immuable. Nous voulons croire que si nous passons, nos possessions demeurent, nous voulons laisser des traces de notre passage. Nous voulons que le moins de choses possibles changent dans notre vie, que tout ce que nous avons connu reste comme c'était. C'est une erreur grave car ce qui est immobile, c'est la mort.

La vie, elle, est changement. Ainsi Jésus est-il celui qui nous met en route, en mouvement. La Bible elle même ne nous met pas devant une vérité sacrée, immobile, à croire sans discuter, elle est provocation, elle est mouvante, insaisissable comme le vent, elle nous met en mouvement, par les questions qu'elle provoque en nous. Le Christ aussi est chemin, il ne s'agit pas de l'admirer, ou de rester là à l'adorer, mais de le pratiquer, de cheminer, d'avancer avec lui. S'engager comme chrétien, c'est accepter que notre foi ne soit pas simple, que notre vie spirituelle ne soit même pas un long fleuve tranquille, mais un chemin escarpé et tortueux que l'on suit avec peine parfois, mais surtout avec la joie de la nouveauté perpétuelle, et avec le bonheur d'être dans le bouillonnement de la vie, d'une vie qui est la vraie vie et qui mène à l'éternité.

Louis Pernot