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Archives-Reflexions

La foi peut-elle nous aider à vivre ?

 

Pour dire ce qu'est la foi et comme elle peut nous aider à vivre, je voudrais utiliser trois images. Toutes les trois sont relatives à ce qu'est une "arche". D'abord l'arche d'un pont. Ensuite l'Arche de l'alliance. Et enfin l'arche de Noé qui le sauve du déluge.
 

· Première image : l'arche du pont. Avancer sur un pont, c'est avoir confiance que l'arche tiendra. Le pont, quand on y pense, n'a rien pour "tenir" au-dessus du précipice. Il devrait s'écrouler par la force de son poids. Il ne tient que par le miracle de l'arche, c'est-à-dire grâce à la solidarité des moellons entre eux.

Avancer sur le pont, c'est un acte de foi et de confiance. La foi, c'est la ferme assurance d'être porté et soutenu par l'arche du pont. La foi, c'est une forme de con-fiance. D'ailleurs foi et confiance ont la même racine.

Je pense aussi au funambule, cet équilibriste qui progresse sur un fil ténu au-dessus du vide, devant les badauds. Il avance en se tenant à un balancier. Le balancier, à cause de son poids, devrait plutôt faire chuter l'équilibriste. Et bien non, au contraire, le balancier le retient et le porte. La foi dans le balancier, la foi en Dieu est une sorte d'assurance incompréhensible, quasiment absurde. Mais elle vous porte et vous aide à avancer.

Le romancier Giono a utilisé cette image du funambule sur un fil. Mais il ajoute que c'est Dieu lui-même qui, à l'autre bout du fil, tient le fil sur lequel avance le funambule. C'est encore plus frappant. Tel ce funambule, nous avançons vers Dieu sur un fil soutenu au-dessus du néant par la main invisible de Dieu. Oui, la vie est une marche en équilibre sur un fil, soutenue par le miracle de Dieu, et qui aboutit au mystère de Dieu. Dieu c'est l'"autre rive".

Ainsi, la foi est une sorte de confiance sans raison. On ne sait pas trop en quoi on a confiance. On a confiance dans le mystère du pont qui tient, dans le miracle du fil qui tient.
 

· Et voici ma deuxième image. C'est celle de l'Arche de l'alliance. Cette Arche de l'alliance, c'est un coffre qui représente la présence de Dieu. Lorsque les Hébreux sont sortis d'Egypte et ont traversé le désert vers la Terre promise, l'Arche de l'alliance était sous une tente, en tête de la  cohorte. Puis on l'a placée dans le Temple de Jérusalem lorsque celui-ci a été construit. Puis elle a disparu.

Ce qui est mystérieux, c'est qu'on ne sait pas ce qu'il y avait dans cette Arche. Une pierre, les Tables de la Loi, un peu de manne, on n'en sait rien. Et beaucoup même pensent que, à l'intérieur de cette Arche, il n'y avait rien du tout. Et de même, dans le Temple de Jérusalem, lorsque l'Arche de l'alliance n'y était plus, il n'y avait plus qu'une pièce entièrement vide, et tout à fait obscure. Et cette pièce entièrement vide, c'était le "Saint des saints", le lieu même de la présence de Dieu.

Ainsi la foi, c'est l'aimantation par l'énigme, le silence, la nuit de Dieu. La foi n'est pas une manière de décliner des certitudes. Au contraire, c'est l'obsession de l'énigme, c'est l'écoute aux portes du silence de Dieu. Je ne dis pas que le "rien" est Dieu, mais que le "rien" est la meilleure représentation du Dieu qui est tout autre que ce que nous pensons à son sujet.

L'image de la chouette chez Platon va dans le même sens. Les chouettes ne voient que la nuit. Quand il y a de la lumière, la chouette devient aveugle. La chouette est aveugle parce qu'il y a de la lumière. C'est la cécité de la chouette qui est la preuve, la démonstration de ce qu'elle est dans la lumière. Comme le dit l'Epître aux Hébreux, la foi est la démonstration de ce que l'on ne voit pas. La foi ne voit pas Dieu. Elle dit que Dieu est là où on ne le voit pas. Et cela nous aide lorsque, pour nous, tout est nuit.
 

· J'en viens à ma dernière image de la foi : celle de l'arche de Noé. Cette arche, c'est un bateau en forme de coffre. C'est l'arche qui a sauvé Noé et sa descendance. Nous qui sommes tous des descendants de Noé, nous avons été sauvés de l'inexistence et du néant grâce à cette arche.

La foi, c'est la ferme assurance d'être porté, gardé, protégé, sauvé au-dessus des dangers et de la mort dans une sorte d'arche de Noé. C'est le sentiment d'être sauvé qui nous donne la foi, qui est notre foi.

A chaque instant nous sommes sauvés de la mort. A chaque respiration, nous reprenons souffle, et ce souffle nous rend la vie, nous maintient en vie, nous fait passer à travers l'inanition et la mort. A chaque seconde, notre coeur se remet à battre et irrigue à nouveau d'un sang neuf notre corps vieilli. Il nous rend la vie. Notre vie est toujours une vie en sursis, une vie sauvée des eaux, sauvée du déluge, sauvée de la mort. A chaque instant, notre vie est sauvée par miracle.

La foi, c'est ressentir que nous sommes en vie par une sorte de grâce et de miracle incompréhensible.
 

Ce bon Monsieur de la Fontaine...

Vous connaissez la fable de la Fontaine intitulée "Le laboureur et ses enfants". Lorsque le laboureur sent qu'il va mourir, il appelle ses enfants et leur dit : "Un trésor est caché dans le champ que je vous laisse en héritage". Et après sa mort, les enfants bêchent, sarclent, binent, travaillent le champ. Et ce pendant des années. Les semailles et les moissons se succèdent. Mais ils ne trouvent pas de trésor. Rien. Rien du tout. Jusqu'au jour où ils comprennent qu'il n'y a peut-être pas de trésor dans le champ. Mais, au fond, peu importe s'il y a ou non un trésor. Car le véritable trésor, c'est le travail et ce qu'il produit. Le trésor qu'a laissé le père à ses enfants, c'est celui du travail, de la recherche, de la foi dans le trésor.

C'est donc la foi qui est le véritable trésor. Le vrai trésor et peut-être le seul trésor. Le véritable trésor, c'est la quête de Dieu, la fascination de l'énigme ultime, la lecture infinie de la Bible, le travail dans le champ du monde. Et ce trésor suffit, même s'il y a quand même un autre trésor effectivement caché dans le champ : Dieu lui-même.

"Je préfère les pratiquants non croyants aux croyants non pratiquants." (Pasteur André DUMAS).

Alain Houziaux