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L’histoire de Namaan : des retournements à la conversion

 

 

L’histoire de Namaan : des retournements à la conversion

 

« Naaman, le chef de l’armée du roi d’Aram, était un homme important aux yeux de son seigneur ; il jouissait d’une grande considération, car c’est par lui que l’éternel avait donné la victoire à Aram. Mais cet homme, ce vaillant guerrier, était lépreux.» (2 Rois 5,1)

Voilà un homme dont la situation est totalement bouleversée : Naaman, l’Araméen, rentre victorieux de sa campagne en Israël, rapportant dans son butin, richesses, esclaves, entre autres, une fillette, qu’il offre à sa femme. Mais ce général tout puissant est atteint de la lèpre, qui va en faire un paria. C’est le premier des retournements. C’est bien à coup de renversements et d’interventions inattendues que son problème va pouvoir se résoudre.

 

Des petits pour sauver les puissants

Pourtant, Naaman n’est pas encore prêt, il reste enfermé dans ses schémas, ses convictions. Pour lui, le salut, la guérison, ne peut venir que de ceux qui détiennent le pouvoir, que de ceux qu’il considère comme ses seigneurs. Il va être amené à renverser ses valeurs.

Et tous ces bouleversements sont possibles grâce, non pas à ceux qui ont le pouvoir, mais à ceux qui sont au service, à commencer par cette toute jeune esclave ramenée comme butin, qui va l’envoyer vers le prophète Élisée qui a le pouvoir de le guérir. Elle est au plus bas de l’échelle sociale, elle cumule : enfant, femme, esclave, étrangère, tribut de guerre. Et pourtant, si tout s’oppose à son intervention, rien n’aurait été possible sans elle. La fillette n’a pas peur de parler, elle a l’assurance de ceux qui ont la foi. Cette enfant nous montre que personne n’est trop petit pour agir et faire bouger le monde et les personnes qui nous entourent. Personne n’est trop inexpérimenté pour mettre sa confiance en Dieu, prendre les risques de le proclamer et venir en aide à ceux qui l’entourent. Elle sait rester humble, mais elle sait également être sans restriction, un témoin lumineux de son Dieu. Et l’histoire continue (2 Rois, 5 1-19). Naaman se met en route, il est encore dans sa logique de puissance. Il part avec des richesses à profusion. Bien que la fillette l’ait envoyé auprès du prophète, il ne peut envisager de rencontrer un autre personnage que le roi. Et cette rencontre ne manque pas d’humour : à l’arrivée du général qui l’a conquis, le roi d’Israël est terrorisé. Il ne voit là qu’un prétexte à querelle, et pourtant, c’est en étalant son ignorance et son incrédulité qu’il va réagir en énonçant une profession de foi tout à fait orthodoxe : « Suis-je donc Dieu pour faire mourir ou pour faire vivre » (5,7), reconnaissant simultanément sa qualité de simple humain et la puissance de Dieu. Naaman va pouvoir aller à la rencontre du prophète Élisée, et ce sont encore ses esclaves qui vont lui permettre de guérir, l’invitant à obéir à Elisée, à se plonger dans le Jourdain, un cours d’eau qu’il estime minable.

 

Vous avez dit miracle !

Certains d’entre nous sont sceptiques à l’écoute des récits de miracles. Mais ici, quand a lieu exac- tement le miracle ? Est-ce quand la petite parle ? Est-ce quand Naaman l’écoute ? Est-ce quand Naaman finit enfin par accepter de se plonger dans le Jourdain ? Est-ce lorsqu’il plonge ? Aucun geste, aucune parole, ne précise l’instant du miracle. D’ailleurs, quelle est la nature même du miracle ? Est-ce une guérison ou une purification ? Est-ce la peau neuve ou la confession de foi ? Car, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, le général en chef de l’armée syrienne va reconnaître le Dieu d’Israël comme le seul vrai Dieu. Il va découvrir la puissance du Dieu des petits, des laissés pour compte, des vaincus. Pourtant l’éternel est à ses côtés depuis le début (5,1), mais il ne le savait pas. Nous pouvons garder la question en suspens, lire nos existences à partir de ce questionnement : quel est le miracle ? Où et quand intervient-il ?

Nous ne pouvons ignorer ces retournements. Se retourner, dans la Bible, c’est le verbe de la conversion. Pour Naaman, il s’agit précisément de cela. Ses valeurs sont complètement bouleversées. Il pensait tout dominer, il se révèle comme vulnérable, il ignorait, méprisait esclaves et vaincus, et voilà que ce sont eux qui le sauvent. Il pensait que tout s’achetait, et il fait l’expérience du don gratuit. Il change de regard sur les autres, change son regard sur lui, découvrant ainsi le Dieu qui nous dit : « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » (2 Cor 12,9)

 

Florence Blondon