Se tourner vers la vie
Au matin de Pâques les femmes arivent au tombeau. Elles trouvent la pierre roulée, elles entrent, un jeune homme en blanc les attend. Et le tombeau est vide ! Elles n'ont même plus de cadavre ! Elles ont vraiment peur : le corps n'est plus là, il ne peut être paré. Car tout a déjà été fait, tous les rites de conservation ont été effectués de son vivant.
Log travail aux techniques précises, l'embaumement préparait la résurrection. Rappelez-vous Lazare surgissant embarrassé de linges et de bandelettes. Depuis des temps immémoriaux, les momificateurs ôtaient d'abord la cervelle au moyen d'aiguilles et les entrailles par une incision pratiquée dans le flanc ; puis ils baignaient et lavaient le cadavre avec des aromates ; endin, ils l'enveloppaient d'un linge. Pour Jésus, tous ces rites vont être effectués de son vivant. Dès sa naissance, les mages lui offrent la myrrhe, parfum de l'embaumement. Puis, c'est une femme qui verse sur lui un vase de nard précieux : embaumé ou oint avant sa mort, Jésus l'interprête comme tel : "d'avance elle a parfumé mon corps pour l'ensevelissement". Dans le temps de la passion, la couronne d'épines perfore son crâne d'aiguilles, la lance transperce son flanc d'où coulent sang et eau. Et enfin les bandelettes elles aussi gisent là, dans le tombeau vide !
Et, désormais, les techniques d'embaumement n'ont plus lieu d'être, car la mort est vaincue. La passion, la mort et la résurrection du Christ disqualifient désormais tout travail de momification sur un corps. Disparaissent alors la mort et ses préparatifs. Les femmes ne peuvent embaumer le corps absent, elles sont renvoyées dos à la mort, vers la vie ! L'existence et l'histoire humaines se dirigeaient autrefois dans un sens unique : vers la mort. nous comptons désormais le temps dans l'autre sens. La fin ne gît plus devant moi, devant nous, mais derrière moi, derrière nous. C'est cela la Résurrection : dès aujourd'hui se tourner vers la vie.
Arrivées devant le tombeau vide, les femmes ne surent que faire de leurs vases d'aromates, ce matin de Pâques-là. Peut-être que les aromates déposés nous sont offerts, en symbole de la mort désormais vaincue ! Les aromates ne sont plus là pour accompagner la mort, mais pour épicer la vie, pour lui donner du goût.
Florence Blondon