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Où va le Protestantisme ?

 

Quelles sont les chances du Protestantisme, en particulier du Protestantisme français, pour la suite du XXIe siècle ?

La mouvance "évangélique" a un poids grandissant dans le Protestantisme français. En France, elle représenterait actuellement 300 ou 350 000 personnes, soit le tiers des protestants français alors qu'elle ne représentait que 50 à 100 000 personnes en 1946. Le poids de la mouvance évangélique augmente et continuera à augmenter.

Comment expliquer le relatif déclin du Protestantisme traditionnel ? Il continue à susciter de l'estime parce qu'il est laïc, intelligent, rationnel, ouvert, tolérant. Mais il pourrait stagner ou même décroître exactement pour les mêmes raisons, du fait de la mutation de la société actuelle vers la "post-modernité" (avec le retour du religieux, du communautarisme, de l'irrationnel et du goût pour l'émotionnel).

Le Protestantisme est d'abord un état d'esprit, une méthode d'approche de la foi fondée sur le libre examen. Il est aux antipodes du "prêt à penser" et de la "méthode Coué". C'est sans doute pour cela que "la transmission de la religion s'effectue mieux chez les catholiques que chez les protestants" . Si l'on compare le taux d'affiliation, en Europe, en 1990, au Catholicisme et au Protestantisme des "soixante ans et plus" et des "18-29 ans", on constate que l'affiliation catholique a baissé de 13% d'une classe d'âge à l'autre tandis que l'affiliation protestante a subi une chute de 34%. D'une génération à l'autre, on reste catholique mais on cesse d'être protestant (dans une certaine mesure).

Il est vrai qu'en France, le déficit "institutionnel" du Protestantisme est compensé par trois éléments : le rattachement à la mémoire huguenote, à l'histoire du Protestantisme et de ses persécutions ; l'appartenance sociologique à la "famille protestante" ; le maintien de la fidélité pécuniaire à l'Eglise (le montant des cotisations à l'Eglise peut être très élevé même chez les peu pratiquants). Il ne faut pas minimiser l'importance de ces supports. Mais, à terme, ils deviendront fragiles.

J'en demeure pourtant persuadé, le Protestantisme français traditionnel (et plus ou moins libéral) peut avoir un avenir s'il assume clairement ce qu'il est : une mouvance et un état d'esprit et non pas tellement une Eglise qui puisse concurrencer le Catholicisme et le Protestantisme de conversion. On a pu dire que le Catholicisme voit l'Eglise comme une "mère" et le Protestantisme comme une "école". C'est cette vocation qu'il a à cultiver. De fait, dans le champ de la formation et de la promotion d'idées et d'actions, le Protestantisme peut et doit continuer à avoir un rôle au sein de la société d'aujourd'hui. Et il possède un certain nombre d'atouts pour cela.

Le Protestantisme français n'a plus rien d'un martyr (les persécutions sont finies depuis longtemps). Il ne peut plus être comme au XIXe siècle une forme de rationalisme plus ou moins chrétien. Enfin, sa grande espérance du XXe siècle, l'oecuménisme, est quelque peu retombée. Il faudrait bien maintenant qu'il retrouve sa spécificité : savoir être prophétique.

Alain Houziaux