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La laïcité, jusqu'où ?

 

La laïcité, jusqu'où ? La question est de nouveau à l'ordre du jour. D'ailleurs la première soirée du prochain cycle de Conférences de l'Étoile abordera ce débat.

En fait, l'idée de laïcité peut être comprise à deux niveaux différents. 

- La laïcité professe que la plupart des champs de la vie sociale peuvent et même doivent être indépendants de la religion et des institutions religieuses. Les institutions civiles (gouvernement, écoles, oeuvres sociales, hôpitaux, oeuvres de jeunesse et en particulier scoutisme) peuvent être laïcs, sans rapport avec les Églises.

Ceci, le Protestantisme l'a admis et même prêché dès ses origines. Par exemple, il a toujours considéré que le mariage célébré à la mairie, qu'il soit béni ou non par l'Église, était à lui seul parfaitement valable. Il a considéré que l'État laïc et les institutions civiles avaient une fonction d'éducation et de police vis-à-vis de tous croyants ou non croyants, et qu'ils servaient la volonté de Dieu même sans le savoir. Luther et Calvin considéraient qu'il n'était pas nécessaire d'être croyant pour bien accomplir sa fonction de magistrat, d'enseignant... Cela qui signifie qu'un homme athée possède l'ensemble des qualités humaines, relationnelles et morales ! 

- La laïcité, c'est aussi professer, dans un sens plus radical, que certains champs de la vie individuelle du croyant peuvent être indépendants de la foi. 

Là, la question est plus délicate. Est-il légitime, du point de vue de la foi, qu'il puisse y avoir deux hommes en moi, indépendants l'un de l'autre : le croyant d'une part, l'homme profane d'autre part ? Par exemple, est-il légitime, lorsque je rentre à l'école laïque, que je puisse laisser au vestiaire mes obligations de croyant (par exemple, pour les musulmans, le voile islamique) ?

Calvin, semble-t-il, répond " oui " puisqu'il écrit : " Il y a un double régime en l'homme. L'un est spirituel, par lequel la conscience est instruite et enseignée des choses de Dieu et de ce qui appartient à la piété ; l'autre est politique et civil par lequel l'homme est enseigné des offices d'humanité et civilités... Il y a deux mondes en l'homme, lesquels se peuvent gouverner par divers rois et diverses lois " (Institution de la Religion Chrétienne III, 19,15). Et Calvin cite à l'appui de son propos non pas le fameux " rendez à César ce qui est à César " mais la parabole du bon grain et de l'ivraie (Mat 13, 24-30) qui recommande que l'on laisse croître ensemble ce qui est saint et ce qui est pervers. 

En revanche, la plupart des théologiens pensent différemment. Ils considèrent que nous sommes appelés à nous comporter en chrétien (ou en musulman) sept jours sur sept. Il nous faut suivre les exigences de notre conscience religieuse et les prescriptions de notre foi en toutes circonstances, même dans le champ de nos activités profanes.

Certes, la quasi totalité de nos activités, quelles soient publiques ou privées, sont profanes. Mais, si nous avons des convictions religieuses, nous n'avons pas à y renoncer lorsque nous les accomplissons, pas plus que nous n'abandonnons notre fidélité à notre conjoint quand nous allons au bureau. 

Alain Houziaux