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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Circulez, il n'y a rien à voir.. !

 

Le spirituel, c'est l'invisible, l'immatériel, l'éternel. Tout le travail que les disciples vont faire depuis la mort de leur Christ jusqu'à la Pentecôte sera un chemin de détachement, les menant du visible à l'invisible.

A Pâques, les disciples se précipitent au tombeau, ils veulent voir, toucher, adorer, ils veulent du concret. Mais voici, ils comprennent que le «tombeau est vide», autrement dit, il n'y a rien là-dedans, rien d'important, rien pour la foi, le tombeau est spirituellement vide, il n'y a «rien à voir».

Cela n'est pas évident, nous voulons tous du visible, et même notre foi réclame des gestes, des symboles, des signes, des objets, des lieux. Pâques nous invite à purifier notre foi, à nous débarrasser de tout cela pour chercher le plus possible une religion épurée qui soit effectivement une religion de l'invisible. Pâques nous invite à tourner nos préoccupations non pas vers les signes visibles, mais vers une spirituelle présence qui n'est, matériellement, rien, voire qu'absence.

Il est vrai que cela n'est pas facile, pas naturel pourrions-nous dire, mais justement, la religion n'est pas là pour encourager le naturel, mais pour nous faire aller plus loin. Les disciples auront du mal d'ailleurs, tout le temps entre Pâques et Pentecôte montre ce travail difficile. Privés de l'«objet» de leur foi, privés d'un sauveur visible et concret, ils doivent découvrir que l'essentiel est invisible pour les yeux, que leur Dieu est «parole» et seulement parole, parole d'Evangile méditée, parole que l'Esprit susurre dans nos coeurs. Cela ne va pas de soi, et pendant tout un temps, on les voit perplexes, perdus, inactifs, ils attendent, espèrent des apparitions matérielles, des interventions concrètes du Christ, jusqu'à ce qu'enfin ils comprennent que le coeur de leur foi, il n'est pas sur Terre, mais dans le Ciel, c'est-à-dire dans les idées, dans l'invisible divin. Cela, c'est l'Ascension.

Et puis, autre étape doit venir : s'étant convaincus que l'essentiel était non pas sur Terre mais dans le Ciel, ils comprennent que la Terre, c'est le lieu de l'action. C'est la Pentecôte : notre foi est dans le Ciel et notre engagement sur Terre. Nous adorons le Ciel et agissons sur Terre, l'invisible est ce qui oriente notre vie et le visible ce qui lui permet de s'exprimer.

On dit que le principal «mystère» du christianisme est l'incarnation..: le spirituel divin qui se rend visible dans un homme. Mais il faut comprendre aussi que le divin ne se laisse pas enfermer ou réduire dans l'humain, ni dans quoi que ce soit d'humain. Dieu nous échappe toujours, est toujours au-delà de toutes nos pratiques religieuses, et ne s'y laisse jamais enfermer. L'Ascension est peut-être essentielle en ce sens : le Jésus divin nous échappe, sa présence réelle ne peut être qu'invisible, insaisissable, hors de toute vue et tout geste matériel. Et la Pentecôte complète le dispositif : tout cela n'est pas une raison pour se laisser évaporer dans l'invisible, se dissoudre dans le spirituel en restant passif. Le spirituel, l'invisible, c'est la base et le fondement de notre foi, et c'est aussi le carburant, la force de notre engagement dans le monde et de notre action.

Louis Pernot