А chaque jour suffit sa peine (Matthieu 6,34)
Éloge de l’insouciance
Parler d’insouciance dans un contexte où nous faisons jour après jour l’expérience de notre vulnérabilité peut sembler déplacé, pourtant l’Évangile nous appelle à ne plus nous soucier : « Qui de vous peut, par ses inquiétudes, rallonger tant soit peu la durée de sa vie ? » (Matt.6,27). Souvent les protestants mettent en avant le sens des responsabilités, cependant, il ne faudrait pas se méprendre et porter le poids d’un fardeau bien trop lourd pour notre humanité. Seul Dieu est in ni et nous ne sommes pas Dieu. C’est ce que rappelle Jésus dans ce discours (6, 25-34),
Ici, l’insouciance n’est en aucun cas de l’indifférence, encore moins de la désinvolture. Dans notre quotidien, nous sommes invités à nous laisser porter par un souffle de légèreté. Et pour cela il nous faut lâcher prise, s’en remettre à un Autre, comprendre que tout ne dépend pas de nous. La source de cette insouciance se trouve dans la confiance. Avoir confiance, croire, c’est se tenir devant Dieu, vivre une relation personnelle avec lui, s’en remettre à Lui. Croire, n’est pas un problème philosophique ou métaphysique, mais c’est une affaire profondément existentielle. Croire c’est faire l’expérience de la rencontre avec Dieu, c’est alors que l’on peut accueillir cette bonne nouvelle :
C’est Lui qui se soucie de nous !
Nous pouvons remettre nos fardeaux à Dieu. Il connaît nos limites. Nous ne sommes pas tout-puissants, nous
sommes même parfois si démunis que nous sommes invités à tout déposer devant Lui, avec reconnaissance, dans les deux sens du terme : reconnaître en lui notre secours, et dans la gratitude. Il ne s’agit donc pas de ne rien faire, mais de s’orienter autrement. Croire ne dispense jamais de la dure lutte pour une vie digne, mais libère de l’anxiété, de la peur du lendemain. Et, croire nous offre un espace où nous pouvons nous laisser aller à l’insouciance sans culpabilité. Moments de grâce, dans lesquels nous pouvons nous ressourcer. D’ailleurs dans ce passage Jésus nous invite en premier à la contemplation : « Regardez les oiseaux du ciel ». Cette contemplation qui nous décentre, qui nous permet de discerner la beauté de ce qui nous entoure, la contemplation c’est la voie pour prendre de la distance avec le quotidien.
Puis, Jésus énonce une exigence somme toute assez imprudente : abandonner le souci du lendemain. Qui d’entre nous le conseillerait à son ami ? C’est que Jésus ne nous propose aucunement un programme de conformité au raisonnable, mais il nous invite à la folie de la foi. C’est dans cette folie que l’on trouve la joie et le bonheur. « Heureux », c’est par une série de béatitudes que Jésus inaugure le sermon sur la montagne. Ici il nous exhorte également au bonheur. « À chaque jour suffit sa peine », c’est une invitation à discerner et bénéficier des joies du jour.
Florence Blondon