Aube nouvelle
En ces temps de renouveau de la nature auxquels les chrétiens associent traditionnellement le temps de la renaissance spirituelle de Pâques, il est bon pour les citadins que nous sommes de régénérer le lien qui unit l’homme à la création.
Au commencement, nous dit le livre de la Genèse (Ch.1 v.29), Dieu mit la nature au service de l’homme pour sa subsistance, à charge pour ce dernier de la cultiver et de la garder (Ch. 2 v.15)
L’alliance originelle entre Dieu et l’homme fait de lui un être doublement responsable, par son travail et par son devoir d’un bon usage de la création.
Et chaque année, à la surface de toute la terre et dans toutes les civilisations, par le mystérieux travail souterrain de la germination, le grain semé par l’homme et le fruit de l’arbre taillé par ses soins lui procurent une nourriture vitale.
Toutefois, à l’heure de la moisson celui qui a travaillé la terre ne doit pas en conserver tout le fruit pour lui-même : le Seigneur lui fait commandement d’en préserver une part « pour l’étranger, pour l’orphelin et pour la veuve » (Deut. 24 v.19) , autant de petits , de démunis , de réprouvés à qui l’amour de Dieu donne leur dignité dans la générosité de la terre partagée , d’en réserver en quelque sorte la part de Dieu, sans laquelle le travail de l’homme est dépourvu de sens .
Après la longue période de l’Exode, la loi ainsi reçue par les Hébreux à l’orée de la Terre Promise vient régir leur vie à l’aube d’un nouveau commencement. L’homme est instauré responsable de son prochain dans l’usage qu’il fait de la création et invité à porter un regard neuf lui aussi sur celui qui passe inaperçu, qui dérange ou qui inquiète et à lui faire une place dans sa vie.
Et l’on songe aussitôt à Ruth, veuve dépourvue de la protection économique d’un homme, étrangère qui plus est, venue du pays de Moab peu considéré en Judée, qui, pour assurer sa survie et celle de sa belle-mère, également veuve, viendra glaner sur les terres de Booz dans lequel elle trouvera un nouvel époux qui lui-même lui ouvrira une vie nouvelle.
Mais en quoi un tel récit peut-il entrer en résonance avec le monde qui est le nôtre et auxquelles ces références agricoles peuvent paraître bien extérieures ?
Il s’en rapproche pourtant à un double titre :
Au plan économique tout d’abord, car, si les préoccupations qui sous-tendent ces commandements et ces récits révèlent de véritables détresses dans ces sociétés agraires, nous en connaissons bien de nouvelles formes aujourd’hui qu’ils nous invitent à combattre autant qu’hier et avec nos moyens contemporains.
Sur le plan spirituel ensuite par leur grande force symbolique, car faire la part de Dieu dans sa vie, c’est indissociablement porter sur le prochain le regard qui lui donne toute sa place, au-delà de toute contingence.
Chacun de nous peut toujours donner un peu plus de son temps, un peu plus de son énergie, un peu plus de ses ressources, au service de l’autre.
C’est à cette renaissance intérieure que nous appelle la formidable puissance de vie qui a surgi au matin de Pâques après la nuit de la croix.
Marie-Laure DEGAND
Président du Conseil Presbytéral