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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Les pèlerins d'Emmaüs

Luc 24:13-35

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EmmausSi la résurrection du Christ est devenue le fondement du christianisme, la rencontre avec Jésus ressuscité suscite bien des interrogations. Voici une de ces rencontres, par exemple, qui a pourtant été maintes fois représentée par les artistes au fil des siècles. Peut-être parceque ce récit bien connu des pèlerins d'Emmaüs interpelle pour sa ressemblance avec l'expérience que chacun peut faire de la découverte du Christ dans sa vie ? En effet, le chemin de tristesse dans lequel ces disciples sont d'abord plongés se transforme petit à petit en un chemin lumineux de bonne nouvelle vers les autres, grâce à leur marche avec le Christ ressuscité.

Mais comment peut-on croire à la résurrection du Christ ? Certains y croient littéralement : Jésus s’est relevé en chair et en os, est apparu aux disciples pendant 40 jours (jusqu’à l’Ascension), puis ensuite, il sera seulement encore présent spirituellement. D'autres, en revanche, disent que c’est une façon de parler : pour eux, le Christ est vivant dans l’esprit des disciples qui ont bien compris que même mort, il les accompagne quand même. Nous avons chacun la liberté de croire aux différentes formes de la présence du Christ, selon ce qui nous semble le plus encourageant pour notre vie, pour notre foi : présence réelle, spirituelle, ou les deux ? Même mort, Jésus continue de vivre éternellement avec tous les fidèles. On peut parfaitement croire à la résurrection, sans toutefois croire aux apparitions.

Jésus avait prêché pendant trois ans et proposait une religion du cœur très libre et responsabilisante, qui s’opposait à la religion des autorités de l'époque, fondée sur l'observance de commandements et de rites multiples. Les autorités juives ont donc voulu tuer Jésus qui rassemblait les foules. Il a alors été trahi par un apôtre, Judas, puis il a été jugé sur la base de faux témoignages, et, crucifié, il est mort le Vendredi saint (à 15h). Il est mis dans un tombeau, une grotte fermée par une grosse pierre ronde. Et le surlendemain, une fois passé le sabbat, des femmes vont au tombeau, et trouvent ce tombeau vide !

C'était le dimanche, premier jour de la semaine, ce dont nous nous souvenons en particulier à Pâques, mais chaque dimanche rappelle d'ailleurs la résurrection de Jésus aux chrétiens : en effet, selon le récit des évangiles, ce premier dimanche de Pâques, des femmes ont vu le Christ ressuscité !

Dans ce texte, il s'agit donc d'un récit d’apparition de Jésus, qui ne relate pas seulement un événement passé, car nous pouvons facilement nous identifier à ces deux pèlerins et grâce à eux, saisir comment le Christ peut nous apparaître aujourd’hui, ici et maintenant. Les pèlerins s'éloignent de Jérusalem ce même dimanche de Pâques, pour faire 60 stades (environ 10 km), 6 étant le chiffre symbole du mal, comme s'ils s'éloignaient un peu de la présence de Dieu.

Certainement, ils sont tristes et complètement désorientés : ils viennent de perdre leur ami, leur guide, celui dont ils attendaient qu'il les délivre (de l’occupant romain notamment), celui dont ils pensaient qu'il allait régler tous les problèmes dans le monde, celui dont ils espéraient tant ! Finalement, il est mort, cloué sur une croix !


Et voilà que ces amis errent et se dirigent vers Emmaüs, ville qui semble d’ailleurs ne pas exister. Mais Emmaüs rappelle un autre récit bien plus ancien situé au même endroit et à la même heure, au coucher du soleil : le rêve de Jacob, où Jacob voit des anges monter et descendre d'une échelle entre le Ciel et la Terre, et il comprendra que « Certainement Dieu était là et je ne le savais pas » (Gen.28:16). Et Jacob appellera ce lieu Béthel, c'est-à-dire maison de Dieu, en opposition au nom initial (Oulam-Louz) qui signifiait « porte de l'éloignement », de la fuite peut-être... de l'errance, de l'égarement ? Comme pour ces deux disciples ? Et pourtant dans ces deux cas, Dieu se rend présent par sa parole : celle des anges pour Jacob, celle de l'étude des textes pour les disciples.

Dans un premier temps, les disciples se remémorent toute l'histoire de Jésus, les événements qu'ils ont vécu avec lui, sans doute le message qu'il leur a enseigné. Et c'est vraiment pendant qu'ils cherchent à comprendre tout ce qui vient de se passer, pendant qu'ils réfléchissent à tout cela, que Jésus s'approche d'eux, comme si le fait de parler de Jésus avec d'autres, de débattre à plusieurs, d’être curieux, comme si d'essayer de connaître Jésus nous rapprochait un peu plus de lui !

Jésus marche avec eux, mais ils ne le savent pas. Jésus nous accompagne toujours toute notre vie comme il l’a promis en Matt.28:20 : « Je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Mais on ne s’en rend pas toujours compte. Il est d’autant plus présent qu’on parle de lui (comme le faisaient les disciples), et qu’on s’interroge à son égard. Et lui-même vient nous aider en nous posant des questions, comme il interroge les disciples sur les raisons de leur tristesse et sur les événements passés. De même, certains textes bibliques nous paraissent parfois bien compliqués et nous posent question pour nous permettre de trouver des réponses, chacun pour soi, là où il en est...

Pour aider ses amis si tristes, Jésus les réprimande d'abord un peu (comme cette Parole de Dieu qui peut nous contrarier et nous questionner !), mais surtout, il leur fait réviser toute la Bible, il leur explique les Écritures.

Et cette parole qu'ils étudient avec Jésus devient pour les disciples une véritable nourriture, le pain de la vie, une source de force et de joie pour leur existence. Ils le reconnaissent clairement quand il rompt le pain, comme un rite de communion. Ainsi, la liturgie, le culte, la communion et l'exploration des textes bibliques nous aident à reconnaître le Christ qui nous accompagne et à mieux le connaître.

Et même dans nos chemins d'égarement, même dans une lecture de la Bible qui peut nous sembler aride, Dieu nous rejoint et fait route avec nous, sans nécessairement que nous nous en rendions compte, mais bien réellement. Il n’est pas toujours facile de déceler la présence de Jésus, c’est un travail incessant, car Jésus veut toujours aller plus loin, on ne peut pas se contenter de là où l'on en est.

On n’attend pas une présence physique du Christ ressuscité, mais on dit que Christ est vivant, qu'il est ressuscité pour nous. Aujourd’hui, il est présent spirituellement, par son esprit, son enseignement. Comme il l'a dit aussi: « là où deux ou trois seront réunis en mon nom, je serai au milieu d’eux » (Matt.18:20).

Jésus est bien resté avec les disciples quand ils le lui ont demandé, comprenant que sa présence leur faisait du bien, mais il s'est retiré physiquement lorsqu'ils l'ont reconnu. La foi est ainsi : parfois, on peut avoir l'impression de ressentir Dieu à nos côtés, à d'autres moments, on peut penser qu'il s'est complètement éloigné de nous. Évidemment qu'il est toujours là, et c'est fécondée par cette présence que notre existence sera fertile, que nous pourrons nous tourner vers les autres pour devenir témoins de cette parole de vie, de cette source de force, d’espérance, de paix et d’une joie pétillante, de même que les disciples sont retournés à Jérusalem sans attendre pour partager leur foi « retrouvée », nourris d’espérance et de la paix de Jésus ressuscité.

Ce que Jésus a prêché, son témoignage et sa bonne nouvelle d’amour restent vrais, par-delà sa mort ! Jésus est toujours présent, vivant par ceux qui croient en lui, par ceux qui se nourrissent de ce qu’il a été ! Ainsi, cette résurrection nous apprend que l’essentiel de la vie de Jésus, et sans doute de chaque vie, que le message d’amour et de service peut continuer d’être transmis à travers les âges, « pour que les cœurs brûlent au-dedans de chacun... » en présence du Christ ressuscité.

Louis Pernot – Muriel Bernhardt