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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

La prière

(Propositions pour une foi contemporaine)

La prière n’est pas une chose simple. Certains prient facilement, pour d’autres, cela semble tout à fait étrange. Prier est merveilleux et peut être une force extraordinaire dans la vie d’un chrétien. Mails il faut déculpabiliser : tous les chrétiens ne sont pas de grands mystiques, l’essentiel, c’est de croire dans le message du Christ et de vouloir en vivre.

Cela dit, la prière de demande pose problème, elle suppose une certaine conception d’un Dieu qui pourrait intervenir brutalement dans le monde, mais qui attendrait qu’on le lui demande. Mais croit-on vraiment que si Dieu pouvait faire le bien, il ne le ferait pas seulement parce qu’on ne le lui aurait pas assez bien demandé ? Croit-on que cela serve à quelque chose de prier Dieu pour la paix dans le monde, ou pour les pauvres, les enfants qui meurent de faim ? Si Dieu peut faire quelque chose, alors certainement qu’il le fait, et s’il ne le fait pas, c’est qu’il n’est pas vraiment bon. Et on a l’impression parfois que la prière pour certains croyants, c’est de soumettre Dieu à leur propre volonté en lui demandant d’obéir alors que ce devrait être le contraire.

Le Christ lui-même dit bien cela dans l’enseignement sur la prière qui précède le Notre Père quand il dit qu’il ne faut pas faire comme les païens qui pensent qu’à force de réclamer à Dieu ils seraient exaucés, parce que « Dieu sait très bien de quoi vous avez besoin avant même que vous le lui demandiez » (Matt. 6:7)

Il faut donc laisser de côté la demande de choses matérielles à Dieu, comme dit Jésus, « Cela, ce sont les païens qui le recherchent. Or votre Père céleste sait que vous en avez besoin » (Matt. 6:31-32). Mais, continue-t-il : « Cherchez premièrement son royaume et sa justice ». Dieu n’est pas une baguette magique, et il y a trop de gens qui, confrontés au mal s’écartent de la religion parce qu’ils ont cru que Dieu pourrait agir suite à leur prière, alors que rien ne s’est passé. Quand des parents qui voient mourir leur enfant alors qu’ils ont prié pour sa guérison, que peuvent-ils penser ? Que Dieu n’est pas bon, s’il pouvait le guérir et qu’il ne l’a pas fait ? Ou qu’ils n’ont pas prié avec assez de foi ? Cela ajouterait la culpabilité à leur tristesse. La vérité, c’est que Dieu n’intervient pas brutalement et matériellement dans le cours du monde, Dieu peut faire de grandes choses, mais il ne faut pas attendre n’importe quoi de Dieu au risque d’être déçu. Dieu est « au Ciel », c’est-à-dire spirituel, et donc ce qu’on peut lui demander, c’est du domaine spirituel.

Alors il est vrai que dans la Bible, il semble que certaines fois on nous invite à prier pour demander des choses, et il est promis un exaucement. Mais en fait cet exaucement n’est en général pas matériel, ainsi Paul dit-il « par la prière, faites connaître à Dieu tous vos demandes » mais la réponse, n’est pas que Dieu les exaucera : il est écrit : « et la paix de Dieu... gardera vos cœurs et vos pensées en Christ Jésus » (Phil 4:6-7). De même, il y a dans Luc une parabole sur l’efficacité de la prière (Luc 9:11-13) : « Demandez et l’on vous demandera... et quel père parmi vous, si son fils lui demande du pain, lui donnera-t-il une pierre... combien à plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il... » on imagine que ce qu’il va donner, c’est tout ce qu’on demande, mais justement non, la conclusion du texte,  c’est : « donnera-t-il... le saint Esprit à qui le lui demande ». Là encore, il ne s’agit pas de choses matérielles, bien au contraire. Et quand Jésus dit que « tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l’avez reçu et cela vous sera accordé » il prend pour exemple que nous pourrions dire à cette montagne, « lève toi et jette toi dans la mer et s’il ne doute pas en son cœur, mais croit que ce qu’il a dit arrive, cela lui sera accordé » (Marc 1:23). Cet exemple est particulièrement absurde, personne ne l’a jamais fait, ni même Jésus, champion de la foi, et en plus c’est inutile ! La seule solution c’est de l’interpréter spirituellement : la montagne, c’est le lieu de la lumière et de la présence de Dieu, et la mer, c’est celui de l’épreuve et de la mort. Donc avec la foi, même au fond de l’épreuve, on peut trouver une parole de vie et d’espérance venant de Dieu. C’est ça la vérité !


Mais donc, à quoi sert la prière, et comment fonctionne-t-elle ? Peut-on prier pour quelqu’un ? Il faut reprendre la question à la base.

Tout d’abord, même si l’on ne croit pas en Dieu la prière peut déjà être quelque chose d’utile. En effet, ce peut être simplement de mettre un temps de côté pour faire silence, s’isoler, arrêter d’agir, et faire le point de sa journée, voir ce que l’on a fait, et se préparer à la journée suivante. C’est un moment de  « recueillement » au sens premier, de se rassembler alors que tous les événements et les sentiments de la vie nous écartèlent dans tous les sens. C’est un procédé de méditation qu’on ne peut que recommander à tout le monde. Ensuite, les chrétiens font ce travail comme s’ils parlaient à quelqu’un, et même si ce quelqu’un n’était personne, ce travail de mise en ordre, de mise en mot est très structurant.

Ensuite, on peut expérimenter que dans ce travail de méditation, en se tournant vers le fond de soi-même, on parvient à trouver une force, une énergie, une intelligence, une clairvoyance extraordinaires. Prier, c’est comme aller puiser cette ressource qui se trouve au fond de soi-même pour la ramener à la surface et en arroser sa vie.

Là se trouve une option suivant son niveau de croyance. Soit ce fond où l’on puise est comme une citerne fermée, soit ce fond touche à quelque chose qui nous dépasse nous-mêmes. Etre croyant, c’est croire que ce fonds dans lequel on puise par la prière, il n’est pas comme une citerne qui est vide une fois que l’on a tout puisé, mais qu’il est comme le fond d’un puits qui ne lui appartient pas, mais donne accès à quelque chose qui le dépasse comme la nappe phréatique, ressource infinie, et qui, en plus met en communication tous les puits entre eux.

Prier, ce n’est donc pas tant réclamer quelque chose à Dieu que se connecter à lui pour profiter de sa puissance créatrice. Dieu en effet, peut être vu comme un dynamisme créateur, une force cosmique de bien, de mieux être, d’organisation et de création. Tout dans le monde y est soumis, et prier, c’est s’exposer plus particulièrement à cette force cosmique divine pour se laisser transformer par elle. Prier, c’est comme celui qui veut bronzer et qui sort de chez lui pour s’exposer au soleil, l’effet sera d’autant plus important qu’il va chercher à se mettre sous son rayonnement. Et quand on s’expose à Dieu, Dieu transforme celui qui prie. C’est ainsi que l’on peut aussi tout présenter à Dieu, et dire dans la prière tous ses sentiments, ses joies, ses peines, ses culpabilités, ses déceptions, ses craintes, ses espoirs, tout ce que l’on ressent, et soumettre tout ça à Dieu pour que lui transforme ces sentiments en les pacifiant et en les inspirant. C’est ce que les anciens signifiaient en disant que Dieu sanctifiait les joies et les peines. Pour reprendre l’image du soleil c’est comme les vieilles paysannes bretonnes qui profitaient quand il y avait du soleil pour tout sortir : le linge, les draps, les oreillers, les plantes, pour que le Soleil purifie tout et fasse profiter toute chose de ses rayons bienfaisants.

La prière transforme ainsi celui qui prie, et non pas Dieu qui devrait changer d’avis en fonction de ce que lui réclame le priant. Et prier pour une cause, ou des pays en guerre, ce ne devrait pas être une excuse pour ne rien faire, mais c’est, au contraire, présenter dans la foi sa propre préoccupation à Dieu de ceux qui souffrent pour dire qu’on pense à eux et qu’avec l’aide de Dieu, nous pourrons faire quelque chose à notre niveau.
Ainsi, prier Dieu n’est pas tant essayer de le convaincre de donner à soi, à l’un ou à l’autre puisqu’il est sans cesse en train d’envoyer vers tous toute puissance positive, mais c’est avant tout se mettre en situation soi-même de recevoir. Demander, c’est dire qu’on en a besoin et s’ouvrir à cette puissance créatrice qui peut du coup venir nous transformer de l’intérieur.

Ainsi peut-on aussi présenter à Dieu tous ses sentiments pour qu’il les transforme positivement. On peut tout dire à Dieu, ce qui va dans le sens de l’examen intime de la méditation dont nous avons parlé : on peut lui dire les choses qu’on a mal faites et dont on se sent coupable pour lui demander pardon, c’est-à-dire que sa puissance nous libère du sentiment de culpabilité et nous aide à aller de l’avant, nous pouvons lui exprimer notre joie de toutes les bonnes choses passées, c’est ce qu’on appelle dans nos églises l’action de grâces, on peut lui parler aussi du futur, pour lui dire nos espérances, ce que l’on aimerait, ou au contraire ce que l’on redoute ou que l’on craint. Et là aussi il peut nous aider et nous orienter.

Ainsi, même si on ne prie pas pour des choses matérielles, ou si on ne demande pas le beau temps pour le week-end, parce que la religion de Jésus, ce n’est pas la sorcellerie, néanmoins on peut tout-à-fait dire dans la prière « tu sais, Seigneur, dimanche j’invite mes amis chez moi à la campagne, et j’aimerais tellement qu’il fasse beau ». Pourquoi pas si c’est un souci. Dieu ne fera pas le beau temps, mais peut-être pourra-t-il donner la tranquillité d’esprit de penser qu’en fait ce n’est pas si grave, ou l’intelligence de trouver un plan B s’il faut mauvais !

Et puis dans la prière de demande, il peut y avoir une manière juste d’exprimer sa préoccupation de quelque chose ou de quelqu’un. C’est peut-être en fait juste une question de formulation. Ainsi dire : « nous te prions pour les personnes malheureuses », n’est pas rappeler à Dieu ce qu’il doit faire, ni l’inviter à faire à notre place ce que nous ne faisons pas, mais se dire à soi-même devant Dieu : « même si aujourd’hui je suis dans la joie, je pense aussi à tous les plus malheureux », c’est s’ouvrir aux autres et se rappeler qu’il y a dans le monde beaucoup de personnes à aider, à aimer, et du mal à combattre.

Ainsi si l’on se demande s’il est utile de prier pour quelqu’un, on peut dire que oui et pour plusieurs raisons. La première, c’est celle que nous venons d’évoquer : si je prie pour quelqu’un, cette personne pourra en être au bénéfice parce que dans la prière, je trouverai peut-être l’occasion d’agir pour cette personne, et ce que je ferai pour elle sera enrichi par ma prière.
Ensuite, si l’on prie pour quelqu’un et qu’on le lui dit, cette personne sera très certainement touchée. Prier pour une personne, c’est penser à elle positivement, et c’est précieux de savoir que des gens pensent à nous, et nous veulent du bien. C’est comme les vœux ou le « bonjour », ils ne sont pas magiques, mais il est bon de savoir que quelqu’un vous souhaite du bien, surtout si c’est dit dans toute la force de la foi et de la prière. Quand le chrétien dit « je prie pour toi », le païen dirait : « je t’envoie des bonnes vibrations », c’est un peu pareil, et c’est précieux.
Mais si je ne peux rien faire pour une personne et qu’elle ne sait pas que je prie pour elle, en sera-t-elle au bénéfice ? On peut penser que oui. Parce que les êtres communiquent aussi de manière parfois mystérieuse. Et entre des personnes proches, il y a des liens qu’on ne connaît pas. Et ainsi tout le monde connaît des histoires de communication de pensée entre des êtres très proches qui ressentent un événement que l’autre vit, ou plus simplement la personne qui vous appelle au moment même où vous étiez en train de l’appeler, alors qu’il y avait longtemps que vous n’aviez pas été en contact. En physique même, il y a des expériences de « particules corrélées », deux particules issues d’une même origine restent en une sorte de contact alors même qu’il n y’a aucune communication physique entre elles. Si c’est vrai pour des particules, ce peut l’être pour des humains. Et ainsi on peut prier pour quelqu’un et cette personne est au bénéfice de ces pensées positives qui lui sont envoyées. Certes, ce n’est pas ça qui va déterminer sa guérison on le changement de sa vie, mais c’est quelque chose qui peut être important, et même qui peut faire basculer les choses d’un autre côté. Ainsi, une personne malade, paralysée, immobile qui ne peut rien faire concrètement, mais qui prie pour des personnes qu’elle aime ne fait pas rien, c’est un trésor tout ce qu’il y a de précieux.

Dans tous les cas le prière est une chose merveilleuse et source de tant de force et de joie dans une vie. Ce n’est pas seulement de la méditation comme dans d’autres cultures, parce que si la méditation fait partie de la prière, il y a dans celle-ci l’idée qu’on est en contact avec une source extérieure de bien et de vie. La preuve que la prière est réellement efficace, c’est qu’il y a une addiction possible à la prière. C’est le cas de certains moines qui abandonnent tout : leur famille, leurs amis, leur vie, le monde pour ne faire que prier jour et nuit. Cela ne fait de mal à personne donc c’est très bien, mais c’est quand même une forme d’addiction. Or il n’y a d’addiction possible qu’à des produits actifs. Il n’y a pas d’addiction à l’eau plate, ou au sérum physiologique. Et ce n’est pas non plus de la simple auto-suggestion, c’est plus que ça, et la preuve en est la même : la méthode Coué est belle et bonne, mais il n’y a pas de monastère Coué de personnes se répétant jour et nuit des paroles positives pour mieux vivre.

Enfin, et plus pratiquement, prier n’est pas quelque chose de facile pour tout le monde, mais on peut apprendre, et il est bon de se donner une discipline de prière pour avoir dans sa vie une source vitale qui est essentielle. Pour cela il faut se donner un cadre, un temps dans la journée que l’on consacrera à ça. Soit le soir avant de s’endormir, ou le matin... à chacun de trouver. Ensuite l’important n’est pas de prier longtemps, ni de faire des phrases compliquées, mais juste un petit « coucou » à Dieu, un point sur la journée passée et sur celle qui vient, et puis le Notre Père pour conclure et c’est bien. La prière n’est pas tous les jours formidable, ni ne donne l’impression de toucher au ciel, mais c’est un travail d’approche qui ouvre la communication entre soi et Dieu, et alors non seulement c’est une petite source constante qui irrigue notre vie, mais un jour, peut-être que cette prière pourra apporter de très très grandes choses. Paul nous dit « persévérez dans la prière » (Col 4:2), c’est bien qu’elle n’est pas une chose facile ! Et puis si on veut aller plus loin, on peut s’inspirer d’un verset biblique et juste y penser, en tirer tout le goût... Pour cela les Psaumes sont des inspirations formidables, il y a là des tas et des tas de prières humaines auxquelles on peut s’associer, des mots d’espérance, mais aussi de toute, des louanges, mais aussi des cris de souffrance ou de révolte, tous les sentiments humains s’y trouvent. Mais là encore dans la prière, il faut lire doucement et savourer, il ne faut pas lire plus d’un Psaume à la fois, et même un entier c’est presque trop !

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