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56, avenue de la Grande-Armée, 75017 Paris

Noël et la naissance de Jésus

(Propositions pour une foi contemporaine)

 

Noël est fêté le 25 décembre, .en fait, on ne sait absolument pas quel jour est né Jésus mais on a choisi cette date pour une raison purement symbolique : c’est le solstice d’hiver, donc le moment où il y a le moins de lumière, et où les journées vont commencer à grandir. C’est pour dire que même si on est dans la nuit, il reste toujours une lumière qui est le Christ dans notre vie et qui est appelée à grandir. Ainsi Jésus a dit : « Je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne sera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie éternelle ». (Jean 8 :12).

Jean ne parle pas de la naissance de Jésus (seuls Matthieu et Luc en parlent, Marc et Jean ne s’y intéressent pas). Ce qu’il dit, c’est que Jésus nous apporte la lumière et la parole. La parole, ça donne un sens à notre vie, et la lumière, ça nous ouvre des portes, des horizons, ça nous rend libre et capables de mieux choisir notre vie. (Prologue de Jean : Jean 1)
 
La naissance virginale
Aujourd’hui, beaucoup ne croient pas que Jésus ait pu naître d’une femme sans l’intervention d’un homme, à peu près une personne sur deux chez les protestants, et les jeunes y croient moins que les autres... on a le choix. On peut penser que ça a été une manière imagée pour les premiers prédicateurs de l’Eglise de dire aux gens que Jésus était « fils de Dieu ». Dire que Jésus est fils de Dieu est une affirmation fondamentale du christianisme, mais ce peut être entendu dans un sens spirituel : il est fils de Dieu parce qu’il en est le meilleur représentant, parce qu’il tient l’essentiel de ce qu’il était intérieurement de Dieu lui-même. Ou qu’il en est le serviteur, puisqu’en hébreu, le mot « fils » signifie aussi « serviteur », comme en français le mot « garçon » (de famille, ou de café).

Il y a même eu une hérésie qu’on appelait « adoptianiste » qui affirmait que Jésus n’était pas « fils de Dieu » par sa conception, mais qu’il l’était devenu au moment de son baptême par Jean dans le Jourdain. Ainsi Dieu aurait adopté Jésus, et l’aurait appelé son fils à 30 ans. Et la parole qui est dite venir du Ciel : « celui-ci est mon fils en qui j’ai mis toute mon affection » ne serait pas pour dire quelque chose vrai depuis 30 ans, mais pour instaurer Jésus fils de Dieu. L’hérésie « adoptianiste » a été condamnée par l’Eglise romaine au IVe siècle où on les appelait « nestoriens », mais il en reste encore en orient, et les protestants ont droit à l’hérésie !
 
Critique de la naissance virginale
Nous sommes habitués à lire dans les textes bibliques, comme en Matthieu 1:18-25 l’idée d’une naissance virginale, pourtant, on pourrait très bien lire ce texte autrement, et comprendre ce qui a pu se passer historiquement.

Relisons le texte avec des yeux neufs :

18Voici comment arriva la naissance de Jésus-Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; avant leur union, elle se trouva enceinte.

Jusque là pas de problème : Marie et Joseph étaient fiancés et avant qu’ils aient couché ensemble, Marie se trouve enceinte, et donc pas de Joseph. Le texte ajoute : « du Saint-Esprit » cela ne parle pas forcément de sexualité, mais peut vouloir dire que ce événement avait quelque chose qui se révélera positif et dans le sens du projet de Dieu.

La question de savoir qui était le père biologique de Jésus importe peu. La tradition juive dit qu’il s’agissait d’un soldat romain et en donne le nom : Pandera (ou Panthéra). Dans le Talmud, livre sacré des Juifs rédigé peu après le Christ, Jésus est appelé « Jésus fils de Pandera ». Peut-être qu’il s’agissait d’une invention faite dans le but de discréditer ce Jésus qu’ils n’aimaient pas, mais ce pourrait être vrai. Sans doute pour discréditer encore, une certaine tradition a dit que Marie s’était plus ou moins offerte à un soldat romain, et d’autres on même avancé qu’elle s’était prostituée. Le plus plausible serait que Marie ait pu être violée. Les armées d’occupation n’étaient pas tendres, et les soldats vainqueurs violaient assez facilement les jolies jeunes filles de 16 ans comme Marie.

19Joseph, son époux, qui était un homme de bien et qui ne voulait pas la diffamer, se proposa de rompre secrètement avec elle.

On comprend donc que dans tous les cas, Joseph sachant qu’il n’est pas responsable de la grossesse de sa fiancée décide de rompre ses fiançailles. Normalement, d’après la loi juive, il aurait dû la dénoncer au tribunal juif du Sanhédrin, et Marie aurait été condamnée à mort, égorgée avec l’enfant qu’elle portait, c’était la loi. Mais le texte nous dit que Joseph, gentil propose de ne pas la dénoncer, mais de rompre secrètement. Il lui dit donc qu’il rompt et la renvoie sans la dénoncer, ce qui lui sauve la vie.

20Comme il y pensait, voici qu’un ange du Seigneur lui apparut en songe et dit :

Autrefois, on croyait que Dieu parlait dans les rêves, et par des anges. C’était des façons d’exprimer leur expérience. Aujourd’hui, on pense plutôt que Dieu nous parle dans notre cœur, directement dans nos pensées quand on le cherche, quand on prie, quand on réfléchit en lisant la Bible. Donc pour transposer en langage moderne, on pourrait dire que Joseph, en pensant à tout ça, dans sa foi, dans sa prière, comprend quelque chose qui vient de Dieu.

Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi Marie, ta femme, car l’enfant qu’elle a conçu vient du Saint-Esprit,

Et ce qu’il comprend, c’est que si il renvoie Marie, certes, il lui sauve la vie, mais il la condamne à une vie de mendicité et d’exclusion. Les « filles mères » étaient extrêmement mal vues, elles ne pouvaient avoir de place dans la société, ni de travail, et si cela pouvait se justifier pour elle, l’enfant qui allait naître serait condamné à cette même vie infâme. Or ça ce serait très injuste, parce que lui, il n’y est pour rien. Comme Joseph le comprend, l’enfant, lui, n’est pas l’enfant de l’adultère, ni du viol, mais il est, comme tout enfant, enfant de Dieu. Joseph décide donc à cause de l’enfant de garder sa fiancée, et d’adopter l’enfant.Cette lecture alternative du récit de la naissance de Jésus est, certes, assez peu conventionnelle, et peut en choquer certains, on pourrait se contenter d’une version édulcorée disant que Marie est bien enceinte « du saint Esprit », mais que pour Joseph et l’entourage, ça ne change rien, elle tombe enceinte sans en avoir le droit. Dans tous les cas donc, cette lecture historique a un sens bien intéressant, c’est qu’alors on verrait qu’à partir d’une situation effroyable d’adultère, de violence ou de tromperie, on arrive finalement par la bonté d’un homme inspiré par Dieu à la naissance du sauveur de l’humanité. C’est donc une bonne nouvelle, il n’y a pas de situation trop mauvaise pour qu’on doive désespérer, même du pire peut sortir le meilleur, le mal peut être transformé en bien. C’est le sens de bien des récits de la Bible, et en particulier de la mort du Christ qui deviendra la base de toute l’espérance chrétienne grâce à la résurrection. Et on peut ajouter qu’il y a là une critique de la religion établie, critique aussi est tout à fait dans le sens de l’Evangile : dans cette situation mauvaise, la religion ne faisait qu’aggraver les choses par le jugement et la peine de mort. Et c’est par la transgression de Joseph qui choisit par amour et générosité de ne pas respecter la loi de la religion établie que la vie sera sauvée et que pourra naître le sauveur.


Sens de la naissance virginale

Mais même si il n’y a pas eu de naissance virginale d’un point de vue biologique, l’idée est théologiquement très riche, et on peut défendre la thèse de la naissance virginale pour le sens qu’elle a.

On voit en effet dans le début de l’Evangile de Matthieu une longue généalogie. Au départ, on trouve des gens célèbres, puis, petit à petit, seulement des inconnus. Or la succession aurait pu se prolonger indéfiniment par des inconnus engendrant des inconnus. Mais voilà que dans cette histoire humaine sans relief il y a l’irruption du saint Esprit, et alors tout change, et le banal engendre l’extraordinaire qui sera le Christ. C’est donc une histoire humaine qui à un moment donné rencontre Dieu, se laisse féconder par lui, et les deux s’unissant donnent naissance au salut.
Nos vies sont comme ça : une succession de journées et de moments banaux, et il faut que notre propre histoire à un moment rencontre Dieu, qu’au déroulement matériel de nos vies s’unisse une dimension spirituelle, et alors naît une dimension nouvelle de joie, d’amour, de salut, de liberté et d’éternité.

Dans la piété romaine, Marie représente le croyant, et donc ce qui arrive à Marie, ce n’est pas un événement historique lointain, c’est ce qui doit être notre histoire, et comme elle, nous pouvons être fécondés par le saint Esprit pour donner naissance à Jésus Christ, que de nos vies naisse une dimension christique pleine de promesses divines.

C’est un vieux thème que l’on trouve même en dehors de la Bible, comme chez les philosophes stoïciens disant que la matière, féminine devait se laisser féconder par la parole créatrice pour donner le monde : le « logos spermatikos », la parole spermatique. Et dans la Bible, il y a toute la thématique du mariage, comme dans le Cantique des Cantiques, présentant la relation d’un amoureux avec sa belle comme une image de la relation de Dieu avec l’humanité. Le Christ se présentera comme l’ « époux ». Et Paul reprendra cela (2Cor 11 :2) : « je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pure. »

Et ainsi, c’est cela à quoi nous sommes invités, nous unir à Dieu, arriver de plus en plus dans une relation intime, faire l’amour avec lui en nous unissant avec lui et en l’associant à toute notre vie, et à nous laisser pénétrer par sa parole qui est une source de vie qui peut nous transformer et nous rendre féconds d’amour, de paix et d’espérance.

 

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